Loi asile-immigration : Macron s’attaque aux migrants

Le Poing Publié le 8 avril 2018 à 20:29 (mis à jour le 27 février 2019 à 13:11)

À la mi-avril, le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » sera débattu à l’assemblée nationale. Les associations, qui ont pu consulté ce texte dès février, s’opposent à l’option répressive choisie par le gouvernement Macron. Réduction des délais d’appel suite à un refus de demande d’asile, assignation à une région, allongement de la durée de rétention, nouvelles mesures punitives : Claire Rodier, juriste au GISTI et co-fondatrice de Migreurop*, décortique ce nouvel arsenal législatif anti-migrant.

Réduction des délais d’appel

Le gouvernement se targue d’accélérer l’examen des demandes d’asiles : le demandeur sera censé obtenir une réponse en six mois au lieu d’un an auparavant. Cette annonce est largement hypocrite car dans les faits, déposer sa demande d’asile est un parcours du combattant. À Paris, certains demandeurs d’asile dorment devant les bureaux pendant des semaines avant que l’administration ne traite leur demande. De plus, après une décision de refus d’asile délivrée par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), le demandeur n’aura plus que quinze jours, contre un mois auparavant, pour faire appel auprès de la cour nationale du droit d’asile (CNDA), ce qui pénalise fortement le demandeur qui aura encore moins de temps pour préparer sa défense et faire traduire ses requêtes.

Fin du caractère suspensif d’un recours

Le caractère suspensif d’un recours devant la CNDA disparaîtra pour les examens en procédure dite accélérée. Cette procédure concerne les ressortissants de pays dits sûrs, les demandes considérées comme frauduleuses, ou hors délai, ou encore celles qui menaceraient l’ordre public. Dans ces cas-là, un appel devant la CNDA ne protégera plus d’une expulsion.

Augmentation de la durée de rétention

La loi prévoit l’allongement de la durée de rétention, qui passera de 45 à 90 jours, et même à 135 jours « si l’étranger fait obstacle à son éloignement », ce qui est une formulation très floue. C’est une mesure exclusivement punitive puisqu’il faut en moyenne 12 à 15 jours pour expulser quelqu’un d’un centre de rétention. Le taux d’éloignement effectif n’est pas proportionnel à la durée de la rétention : passé 15 jours de rétention, l’allongement du délai fait augmenter le taux d’éloignement de moins de 1%.

Une seule langue opposable

Les langues que le demandeur d’asile aura certifiées comprendre lors de sa première demande d’asile, ou plutôt, les langues que l’employé de la préfecture aura notées comme étant celles que le demandeur d’asile comprend lors du premier passage en préfecture, seront les langues qui lui seront opposables tout au long de la procédure, sans possibilité de changement. Cela va créer des situations kafkaïennes où la première langue notée n’aura pas été la bonne, et le demandeur d’asile ne comprendra donc rien et ne pourra donc pas se défendre.

Pas d’addition de motifs au cours de la procédure

Une autre dispositif de la loi prévoit que le demandeur d’asile devra déclarer l’intégralité des motifs de sa demande au moment du dépôt du dossier : il ne pourra plus en ajouter au cours de la procédure, sauf « élément nouveau », comme, par exemple, la déclaration de naissance d’un enfant conçu avec un·e conjoint·e français·e. En revanche, si la personne migrante a déclaré une maladie à son arrivée, mais qu’elle n’a pas été diagnostiquée par les autorités médicales avant le dépôt de la demande d’asile, alors elle ne pourra l’invoquer comme un motif en cours de la procédure, même si la maladie s’avère bien réelle.

Assignation à région

L’une des mesures phares de cette loi concerne « l’hébergement directif » des demandeurs d’asile : quel que soit l’endroit où la demande d’asile est formulée, les autorités attribueront à la personne migrante une région d’hébergement et si elle ne se conforme pas à cette décision, elle perdra les allocations et elle passera en procédure prioritaire, ce qui facilitera son expulsion. Pour le gouvernement, cette mesure est un moyen de contourner son manquement aux obligations de mise à l’abri des demandeurs d’asile. Rappelons au passage qu’une journée dans un dispositif d’hébergement coûte entre 15€ et 60€ pour l’hébergé, selon le dispositif.

Mensonges d’État

La justification de l’adoption de ces lois répressives contre les demandeurs d’asile se fonde, depuis vingt ans, sur une série de mensonges d’État. Le premier mensonge, diffusé par l’extrême-droite et repris à demi-mots par les gouvernants, consiste à dire que la France ou l’Europe serait assaillie par les migrants. En réalité, les demandeurs d’asile constituent moins de 1% de la population française et la majorité des étrangers des pays européens viennent de pays européens.

Le deuxième mensonge consiste à parler de crises migratoires exceptionnelles et imprévisibles. Quand l’État français a décidé de bombarder la Libye, il savait pertinemment que les millions de personnes originaires de l’Afrique sub-sahariennes vivant en Libye allaient devoir fuir, notamment en Europe. Le départ massif de population du fait de la guerre civile syrienne était également parfaitement connu. Cette absence d’anticipation n’est donc absolument pas innocente.

Le troisième mensonge consiste à faire croire qu’il serait possible de contenir les mouvements migratoires par l’adoption de mesures autoritaires. Depuis les années 1970, environ 40 textes législatifs ont été adoptés avec toujours la même rhétorique : être plus ferme avec les migrants « illégaux » pour mieux accueillir les migrants « légaux ». Cette accumulation législative est à elle seule une preuve de l’inutilité des dispositifs répressifs au regard des objectifs affichés par les gouvernements. En réalité, les gouvernants savent pertinemment que l’option du tout-répressif, qu’elle soit législative ou militaire, ne change pas la réalité des flux migratoires. Lorsque l’agence militaire et policière Frontex s’attaque à un point de passage, celui-ci se déplace, mais les flux migratoires ne baissent pas pour autant en intensité.

Pourquoi ces politiques répressives ? Pourquoi n’a-t-on rien fait pour sauver les 30 000 à 50 000 personnes qui sont mortes dans la Méditerranée depuis les années 2000 ? L’une des hypothèses, ce sont les revenus générés par l’industrie aéronautique, militaire et de la haute technologie qui se met « au service » du combat « anti-migrant ». Il y a aussi des explications géopolitiques, de concurrence entre les grandes puissances, et des raisons idéologiques, l’étranger étant pour les gouvernements un bouc émissaire facile à instrumentaliser pour détourner l’attention sur les problèmes sociaux, économiques et environnementaux.

Propos de Claire Rodier lors d’une conférence organisée le 17 mars à Montpellier par le collectif « Bienvenue migrants 34 »

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