A l’IME de Jacou, direction et travailleurs en plein dans la mobilisation du médico-social

Le Poing Publié le 11 janvier 2022 à 08:09 (mis à jour le 11 janvier 2022 à 08:11)
Précédente mobilisation des salariés du médico-social à Montpellier, le 7 décembre 2021. Image d'illustration.

Alors qu’une nouvelle journée de mobilisation des salariés du social et du médical a lieu ce mardi 11 janvier, rejointe à Montpellier par des professionnels de l’éducation nationale en grève. Rendez-vous est donné devant la CPAM de Montpellier pour un pique-nique revendicatif dès midi, puis un départ en manif à partir de 14h. En attendant, et après avoir déjà abordé la situation avec des professionnels de l’action sociale mobilisés, Le Poing s’est entretenu avec la directrice de l’IME de Jacou, dont la grande majorité des salariés sont partie prenante du mouvement social. Dans ce mouvement, pas mal de directions de structures se montrent assez proches des préoccupations qu’expriment les salariés en lutte. Ce qui en dit long sur l’état de la situation dans ce secteur…


Le Poing : Tu peux nous expliquer pour commencer ce que c’est qu’un IME ?


Ce sont des Instituts Médico-Educatifs. On y prend en charge des enfants et des ados (chez de nous de 6 à 20 ans), atteints d’importants troubles psychologiques ou psychiatriques. On peut avoir des troubles de la personnalité, des troubles moteurs et sensoriels, des troubles graves de la communication, des formes poussées d’autisme, entre autres. On leur procure une éducation et un enseignement spécialisés prenant en compte les aspects psychologiques et psychopathologiques et recourant à des techniques de rééducation.


Quelle est la situation à l’IME de Jacou ?


Depuis longtemps en tant que directrice je suis affolée de la petitesse des salaires de professionnels qui ont d’une part fait minimum 3 ans d’études, voir 5 ou 6. Et qui d’autre part sont aux prises avec des enfants psychotiques. C’est un travail passionnant, mais dur aussi. Ils sont soumis à la convention 66 qui protège les personnes qui travaillent dans le handicap. Les grilles de salaires commencent assez bas, avec une progression lente, on commence à toucher des salaires intéressants en fin de carrière seulement. D’autres salariés sont au smic, comme des chauffeurs, qui ont eu des augmentations indexées sur l’inflation. Et tant mieux pour eux. Mais entre ça et les avantages d’avancée de carrière, certains se retrouvent mieux payés que d’autres professionnels qui bossent directement auprès des enfants. C’est que les salaires baissent depuis quinze ou vingt ans pour les salariés au contact des enfants handicapés.
D’autre part il y a une libéralisation de ce travail, avec des éducateurs qui sont en freelance, et la politique publique d’accompagnement du handicap tend à aller vers de plus en plus d’accompagnement individuel, comme si les lieux que nous animons comme l’IME de Jacou étaient des lieux d’enfermement. De base les IME sont nés d’initiatives de mutualisation des forces de certains parents d’enfants en situation de handicap, qui ne trouvaient nulle part assistance. Je trouve très intéressant de lutter contre l’enfermement, ça fait d’ailleurs partie de notre projet d’y veiller. Mais là j’ai la sensation que les enfants qui devraient être accompagnés en IME se retrouvent au final comme enfermés dehors, avec une prise en charge largement insuffisante. Dans l’Hérault, sur les 1500 enfants qui auraient besoin de venir dans un établissement comme le nôtre, il y a 1000 places disponibles. On a à peu près 500 enfants “à la rue”. C’est à dire à leur domicile, le plus souvent gardés par la mère. Parce qu’une situation de handicap provoque divorces et ruptures de contrats professionnels dans beaucoup de cas. Ils bénéficient de deux heures de prise en charge, une le mardi et une le jeudi. Et c’est tout…


Et le Covid a altéré la situation ?


Par dessus tout ça s’est ajouté le covid… Déjà on avait des difficultés de recrutement avant… Pendant le covid, les gens se sont épuisés à beaucoup travailler et aujourd’hui on ne trouve plus de professionnels. On a alerté les autorités de vérification et de contrôle, c’est à dire l’Agence Régionale de Santé. Le Ségur chez nous n’a concerné que la seule infirmière que j’ai. Il y a donc une mobilisation depuis quelques temps pour que tout le monde en profite. On a reçu de l’argent la veille de la journée de mobilisation du 7 décembre dans le médical et le social, à laquelle on a participé, sans vraies explications. Puis le 21 décembre est arrivée la lettre explicative de Sophie Cluzel, secrétaire d’état au handicap. L’argent devait servir à une prime équivalente à celle du Ségur, de 183 euros par mois, étendue aux orthophonistes, aux psychomotriciens, aux orthophonistes, aux assistants, ou aux aides médico-psychologiques. On a reçu l’argent des primes pour les mois de novembre et décembre 2021, et pour l’ensemble de l’année 2022. Un des enjeux de la mobilisation du 11 janvier va donc être de demander à ce que la prime soit étendue à l’ensemble des personnels.


Comment s’est organisé le mouvement à l’IME de Jacou dernièrement ?


A l’IME, on a fait grève le 7 décembre. Dans mon établissement il y avait anciennement trois syndicats, Sud, la CGT et la CFDT. Aujourd’hui il ne reste que la CFDT, qui a été très active pour mobiliser les personnels ces derniers mois. Ce mardi 11 janvier, l’IME de Jacou sera donc fermé pendant deux heures, et le reste de la journée les salariés non-grévistes, environ 10%, seront les seuls à travailler.
Le travail de mobilisation n’est pas évident, parce qu’on est sur des métiers du soin, dans lesquels les personnels se sentent très coupables de ne pas assurer leur mission auprès des publics accompagnés en faisant grève. Il y a aussi une tradition, qui veut qu’on revendique prioritairement pour l’amélioration des conditions de soins, avant de penser à nos propres conditions de travail. Bon, maintenant il faut dire qu’on a atteint un point où il est évident pour tout le monde que les deux vont de pair, que la dégradation des soins et celle des conditions de travail ne peuvent que se renforcer mutuellement.


Et les autres IME de la région ?


Ailleurs dans les IME du département, la mobilisation est assez variable. Dans l’Hérault, et au niveau du social, se sont plutôt d’autres secteurs qui sont en pointes de la mobilisation. Localement, les expulsions successives de bidonvilles à Montpellier, qui sont venues piétiner une quantité phénoménale de travail social, ont été un déclencheur fort.

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