A Montpellier, la police neutralise l’appel national des gilets jaunes

Le Poing Publié le 10 novembre 2019 à 18:02 (mis à jour le 10 novembre 2019 à 22:56)

Un millier de personnes se sont réunies à Montpellier hier pour la manifestation nationale des gilets jaunes. Malgré une détermination palpable, la police a rendu impossible tout mouvement dans le centre-ville, notamment par des nasses et des interpellations violentes. Retour sur une journée angoissante qui pose de sérieuses questions sur ce qu’il reste du droit de manifester.

Nassés comme jamais

Vers 13h, du monde commence à s’amasser sur la Comédie. Le cortège prend le départ à 14h, et après une tentative infructueuse d’aller sur la préfecture, les manifestants se retrouvent contraints par la police de s’engouffrer dans la rue de la gare, où des unités de police attendent à chaque intersection. En moins de cinq minutes, une grosse partie des manifestants se retrouve pris en étau par plusieurs compagnies de police, qui gazent, chargent et interpellent violemment dans la nasse. La frustration des gilets jaunes, dont certains sont venus de loin, commence à se faire sentir pendant que des manifestants aident les kebabs de la rue à plier leurs terrasses ou à évacuer les enfants qui se trouvent à l’intérieur. Quelques personnes se réfugient dans les snacks pour essayer d’échapper à la nasse, d’autres s’infiltrent dans des halls d’immeubles pour se cacher, et se font cueillir par la BAC qui a tabassé quelqu’un dans un hall.

Pendant ce temps, une autre partie du cortège peine à s’agréger sur la Comédie. Les manœuvres policières restreignent les mouvements des gilets jaunes en les coinçant sur la célèbre place Montpelliéraine et la BAC charge aveuglément tout ce qui pourrait ressembler à un regroupement de manifestants.

Après deux heures passés dans la nasse, la police libère finalement les personnes encerclées, qui rejoignent le reste du cortège sur la Comédie, la manifestation peut enfin commencer pour de vrai… ou presque. Dès que le gros des troupes arrive sur la préfecture, la police se déploie à nouveau et les gens courent dans les petites rues de l’Ecusson. Finalement, sans trop savoir comment, le cortège déboule sur le Cours Gambetta à la nuit tombée. Des poubelles brûlent, des fumigènes colorent le ciel noir de rouge, et la police charge à nouveau. Demi tour au pas de course, direction le centre ville. Les matraques volent et s’abattent sur des corps derrière nous, les gens crient, bref, la panique est totale. Ce jeu du chat et de la souris continuera jusqu’à presque 20h.

Bilan : de nombreux blessés et au moins 15 personnes ont été interpellées. Une barbarie policière sans nom, une répression toujours plus féroce qui traduit un glissement véritablement autoritaire de l’État.

Sur les 15 interpellés, 9 sont sortis libres dont une bonne partie avec des convocations au tribunal, 5 sont déférés au parquet et une personne est toujours en garde à vue.

Atteinte à la liberté de la presse

Parmi ces interpellés figurent Jules Panetier, journaliste du poing, violemment interpellé pour « dissimulation du visage » pendant la nasse. Après 24h de garde à vue, il ressort libre avec un procès le 8 janvier pour « dissimulation du visage » et « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences et des dégradations ».

Quelles perspectives alors, pour un mouvement qui va fêter son premier anniversaire la semaine prochaine ? Combien de personnes vont encore se faire interpeller, combien de coup de matraques et de grenades vont être distribués, va t-on encore voir des journalistes se faire empêcher de travailler ? Plus globalement, va t-on encore pouvoir manifester ?

Cette journée aura au moins eu pour conséquence de faire réfléchir sur l’état de la démocratie un an après les premiers embrasements populaires jaune fluo, et d’autres pistes stratégiques paraissent aujourd’hui importantes à creuser pour que la lutte des gilets jaunes paie enfin après une année entière de mobilisation.

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