À Montpellier, le cirque électoral des municipales bat son plein

Le Poing Publié le 29 mai 2020 à 14:28 (mis à jour le 29 mai 2020 à 16:51)
Rémi Gaillard, Alenka Doulain et Clothilde Ollier

À Montpellier, la citoyenne Alenka Doulain, l’écologiste Clothilde Ollier et l’humoriste Rémi Gaillard, tous exclus dès le premier tour des municipales, s’affichent ensemble pour peser face aux trois candidats toujours en lice : le maire sortant Philippe Saurel, le milliardaire Mohed Altrad et le socialiste Michaël Delafosse.

Sauf mention contraire, les résultats des votes ne sont pas présentés en pourcentage des voix exprimées mais des voix inscrites pour prendre en compte les 65,4% dabstention au premier tour des municipales à Montpellier, qui se sont déroulées en pleine crise sanitaire.

Aux présidentielles de 2017, La France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon est arrivée en tête à Montpellier avec 23% des inscrits. Aux municipales, une partie des insoumis, soutenue par le bureau national de LFI, s’est engagée auprès d’Alenka Doulain, à la tête de « Nous Sommes », un mouvement citoyen créé pour les élections, et une autre partie a milité pour Clothilde Ollier, ancienne maire de Murles, soutenue puis lâchée par Europe-Ecologie-Les-Verts (EELV). La première a obtenu 3,1% des inscrits et la seconde 2,4%. De son côté, l’humoriste Rémi Gaillard compte 3,2% des inscrits après une campagne « pour un Montpellier so fresh again », notamment axée sur l’écologie et la cause animale. Des scores insuffisants pour se qualifier au second tour (il faut 10% des voix exprimées soit 3,4% des inscrits à Montpellier), mais suffisants pour fusionner avec les listes en lice (il faut 5% des voix exprimées soit 1,7% des inscrits). Un jeu institutionnel propice aux arrangements avec les trois candidats toujours en course : le maire sortant Philippe Saurel (6,4%), soutien d’Emmanuel Macron aux présidentielles, Michaël Delafosse du parti socialiste (5,6 %) et le milliardaire Mohed Altrad (4,5%).

De gauche à droite : Philippe Saurel, ancien membre du parti socialiste, maire de Montpellier depuis 2014, Michaël Delafosse, président du groupe d’opposition municipale « la gauche pour Montpellier », figure du parti socialiste et Mohed Altrad, dirigeant du groupe Altrad et président du Montpellier Hérault rugby.

Totalisant 8,7% des inscrits, Alenka Doulain, Clothilde Ollier et Rémi Gaillard ont lancé la plateforme « Nous sommes n’importe qui, nous avons l’écologie en commun ». Ils demandent « aux candidats qualifiés pour le second tour » de pouvoir « co-gérer la ville » au nom de « la diversité des suffrages exprimés » et de leur « détermination programmatique en faveur des plus fragiles » (résumée dans les sept mesures ci-dessous). « Nous ne sommes pas à vendre » précisent-ils, tout en réaffirmant qu’ils « discuteront avec chacun » des trois candidats en lice.

Dans un communiqué, le mouvement Confluences, (ancien) soutien financier et militant de Clothilde Ollier, dénonce la manœuvre : « Comment est-il possible d’écrire que l’on peut envisager de “co-gérer” la ville avec des représentants de la droite ? » Un militant nous précise la situation : « Ollier est complètement isolée ! Mais j’ai bon espoir qu’elle change d’avis… Elle était mandatée pour négocier avec Delafosse, mais pas avec Altrad et Saurel ! » Clothilde Ollier dément : « À la base, j’ai été élue par une primaire écologiste, et ensuite Confluences a rejoint ma campagne. Et oui, on assume d’aller discuter avec tout le monde pour respecter les électeurs. Rémi, c’est une belle personne, il m’a appelée lorsque je suis partie travailler dans les hôpitaux à Paris lors de la crise sanitaire, et depuis on se parle. Et tous les trois, on a le même programme. On est en train de créer un truc qui n’existe pas. On a déjà tous une vie et un travail, on n’est pas là pour des postes, même si le respect de nos convictions, ça passe forcément par des places sur une liste ».

À « Nous Sommes », qui a décidé de faire cavalier seul pendant la campagne, le « triangle des Bermudes » Gaillard-Doulain-Ollier a été bien accepté : « Ce rapprochement a été validé en interne précise Arnaud, porte-parole du mouvement. La crise sociale et écologique est telle qu’on ne peut pas perdre six ans de plus, on ne veut pas laisser la clé du camion au futur maire de Montpellier et se faire rouler dessus. Et nous n’excluons aucun candidat car Saurel, Delafosse et Altrad, c’est à peu près la même chose. On est conscients que ça peut apparaître comme de la politique-spectacle, mais on assume ce risque, et on est transparents sur tout. Et sur le fond, on pense la même chose que Clothilde et Rémi. Pour l’instant, on a rencontré Altrad et Delafosse, mais ça n’avance pas avec Saurel. Et on n’exclut pas de n’appeler à voter pour personne. » Un militant nous confirme la réalité du processus démocratique : « On va de nouveau voter dans quelques jours. Bien sûr, ça fait peur de négocier avec les politiciens, mais on a tous fait le constat, dans les associations ou dans les luttes, qu’on gueulait dans le vide, alors on s’est dit qu’il fallait rentrer dans la machine pour la changer. »

Rémi Gaillard, nature-peinture, précise qu’il accepte de discuter avec Philippe Saurel « à condition qu’il se retire de sa liste ». L’humoriste et défenseur de la cause animale nous explique son cheminement : « Ma démarche “yes we clown” ce n’est pas qu’une blague. Quand t’es à deux doigts de te qualifier pour le second tour, tu te dis que c’est con d’en rester là. Je connaissais déjà Alenka car je me reconnaissais dans la démarche de “Nous Sommes”, et j’ai toujours admiré les soignants, donc je voyais d’un bon œil Clothilde. La crise sanitaire a montré notre fragilité à tous, donc il faut qu’on soit solidaires, et c’est pour ça que j’ai proposé le pacte du “triangle des Bermudes”. On a quasiment le même programme. Dans socialiste, écologiste et animaliste, il y a liste, mais moi je suis plus social, écolo et animal. Les négociations d’entre deux-tours, c’est le côté clown triste. Altrad a fait le score le plus faible donc c’est celui qui négocie le plus, mais on est encore loin du compte en terme de place sur les listes. Le monde d’après, c’est le même monde d’enculés qu’avant, avec des marionnettes aux frocs baissés. »

Les listes pour le second tour doivent être déposées avant mardi, la situation devrait donc vite se décanter. Michaël Delafosse a d’ores et déjà reçu le soutien de la candidate d’EELV Coralie Mention (2,5 %), et le candidat d’En Marche Patrick Vignal (2%) souhaite que les trois candidats en lice « se parlent ».

Cet imbroglio électoral confirme deux phénomènes : les Montpelliérains, et la population d’une manière générale, s’intéressent peu aux élections (le confinement explique certes une partie des 65% d’abstention mais on en comptait déjà 48% en 2014) et les institutions favorisent les arrangements politiciens ; il est d’ailleurs cocasse que la gauche « contestataire » accepte de discuter avec un milliardaire, un macroniste et un roublard du parti socialiste, la star Rémi Gaillard n’ayant quant à lui jamais prétendu être un militant aux positions politiques bien définies. La situation montpelliéraine pourrait bien s’exporter au niveau national, l’humoriste Jean-Marie Bigard s’étant déclaré « intéressé » par les présidentielles. Les institutions politiques se décomposent à une vitesse fulgurante en France, mais il est peu probable voire impossible que le coup de grâce vienne de l’intérieur du système capitaliste tant la machine est verrouillée. Reste une solution : la révolution !

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