Candidate voilée à Montpellier / instrumentalisation politique
12 mai 2021
Candidate voilée à Montpellier et instrumentalisation politique :encore un rappel nécessaire sur ce qu’est la laïcité et sur ce qu’elle n’est pas !
Une polémique comme sait en construire une classe politique à bout de souffle, s’est emparée de notre ville suite à la publication d’une photo d’une candidate LREM portant un voile, sur le premier canton de l’Hérault, ce lundi 10 mai. Encore une fois, l’ignorance le dispute à la malhonnêteté.
La Libre Pensée tient à rappeler, comme l’avait également rappelé l’observatoire de la laïcité au sujet de l’expulsion d’une femme voilée de la liste du candidat Delafosse aux dernières municipales, que les élus – et donc, les candidats – ne sont pas des fonctionnaires. Ils ne sont pas tenus à la neutralité en matière religieuse.
Le juge l’a rappelé à plusieurs reprises : la Cour de Cassation l’a rappelé le 1er septembre 2010 au sujet de l’interdiction faite à une élue de prendre la parole sous prétexte qu’elle portait un symbole chrétien. Le Conseil d’Etat l’a également jugé dans le même sens dans son arrêt du 23 décembre 2010, « Association Arab Women’s Solidarity ». Dans les deux cas, le juge a rappelé que la neutralité s’appliquait aux agents publics, pas aux élus.
Rappelons, entre autre, que les abbés Sieyès et Grégoire, l’évêque Talleyrand, l’abbé Pierre ou encore l’abbé Kir ont tous été députés et portaient tous la soutane à l’Assemblée Nationale. Philipe Grenier était quant à lui député musulman dans le Doud à la fin du 19ème sciècle. Nous rappelons également que la candidate de LREM aux dernières élections européennes, Nathalie Loiseau, avait, dans le cadre de sa campagne, invité la presse à une messe le 14 avril 2019 à la Réunion. Citons aussi Valery Boyer, candidate LR aux législatives de 2017 dans les Bouches du Rhône, portant une croix chrétienne sur les affiches de campagnes[1] ; tout comme la maire d’Aix en Provence, Maryse Joissains-Masini, arborant souvent elle aussi une grosse croix autour du cou[2]…
D’ailleurs, s’il faut interdire le port des signes religieux, en ce cas, il faut également interdire… les partis politiques d’inspiration chrétienne, n’est-ce pas ? Que deviendrait le parti chrétien démocrate, qui a changé de nom mais pas de doctrine (ouvertement sociale-chrétienne) en 2020, animé par Christine Boutin et présidé par Jean François Poisson, dont le nom est à lui seul un symbole chrétien ? Il faudrait en demander la dissolution ?
Bizarrement (mais est-ce si étonnant ?), le fait que tous les étés depuis plus de dix ans, les élus de Montpellier, cette fois-ci ceints de leur écharpe tricolore, paradent dans les rues de Montpellier pour une procession catholique, après avoir voté le financement public du culte de Saint-Roch ne semble pas émouvoir les responsables du RN, de la LREM et tous les autres.
Voile pour une candidate non, mais financement public de Saint Roch, oui ?
L’atteinte à la laïcité n’est pas dans le port d’un voile pour une candidate, qui reste une citoyenne. Par contre, l’atteinte à la laïcité est réelle quand le conseil municipal de Montpellier vote des subventions chaque année, imperturbable, sous Saurel comme sous l’actuel maire, pour la promotion du culte catholique de Saint Roch[3].
L’atteinte à la laïcité est réelle quand les élus es qualité, portant un symbole de la République, se pressent aux messes et aux processus de cette même fête de Saint-Roch, les 15 et 16 août de l’année.
L’atteinte à la laïcité est réelle quand les mêmes élus -oui, ceux-là même qui vont se prosterner à l’Eglise devant un saint inventé, exigent ensuite que ce soit les associations qui fassent la promotion de tout un tas de principes en signant une charte de « laïcité », principes qui pour la plupart n’ont aucun rapport avec la laïcité.
L’atteinte à la laïcité est réelle quand chaque année, 12 milliards sont distribués aux écoles confessionnelles catholiques grâce à la loi Debré.
Cette énième polémique ne nous empêchera pas de défendre la laïcité là où elle est attaquée réellement.
Instrumentalisation de la laïcité : c’est toujours non !
L’attitude qui consiste à dénoncer une atteinte à la laïcité quand il n’y en a pas, pour mieux ne rien dire quand il y en a une : nous laisserons ça aux autres. Nous savons très bien ce qui se cache derrière ce tintamarre médiatique. Nous faisons observer que les premiers à avoir tiré dans cette affaire, c’est le RN par la voie de Jordan Bardella, suivi immédiatement et à l’unisson par des responsables LREM (dont Stanislas Guerini).
On viendra ensuite nous dire que l’enjeu de 2022 est de voter Macron pour faire barrage à Le Pen ?
La Libre Pensée condamne cette nouvelle offensive pour faire dire à la laïcité l’inverse de ce qui a été gravé dans le marbre de la loi de 1905.
Nous ne cèderons pas à la vague rance et xénophobe actuelle, et nous n’accepterons jamais que la laïcité soit détournée de ses buts par quiconque, pas plus le RN que LREM.
Cette offensive est bien entendu corrélée à la fois à la dissolution de l’Observatoire de la laïcité par le gouvernement, mais aussi aux passages en force des lois « séparatisme » et sécurité globale, dont de très nombreuses associations partis et syndicats demandent le retrait, à commencer par la Libre Pensée.
Montpellier, le 12 mai 2021.
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