Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | A Gaza lutter contre l’effondrement alimentaire

1 novembre 2025
Continuer à préparer trois repas par semaine dans deux camps différents. Crédit photo ujfp Gaza

Dans son texte du 31 Octobre Abu Amir raconte Gaza, ville de peur, de faim et de résistance où les équipes de l’UJFP persistent dans un soutien déterminé à la population

Dans les rues de la bande de Gaza, règne un silence comme une peur figée dans l’air, seulement brisé par le bruit des avions qui ne quittent jamais le ciel. Dans cette ville qui, autrefois, était pleine de vie, les respirations se font désormais avec précaution, et les cœurs battent dans l’appréhension à chaque sifflement, chaque vibration ou bruit lointain. La nuit n’est plus un moment de repos et le jour n’est plus sûr ; la vie à Gaza est devenue une lutte quotidienne pour survivre, où les gens sont pris en étau entre la peur, la faim et l’attente.
Les violations du cessez-le-feu se répètent comme si elles faisaient partie d’une routine de guerre et non de sa fin. Des frappes sporadiques frappent ici et là, transformant des quartiers en ruines et semant la terreur dans le cœur des civils. Il ne s’est pas écoulé de jours depuis l’annonce du calme que les raids ont repris pour voler la vie d’innocents ;
plus de 105 martyrs ont été tués en 48 heures, la majorité étant des enfants qui n’ont pas encore appris le sens de la guerre, mais qui en sont déjà devenus les variables. Les enfants à Gaza ne demandent plus après demain, car ils ont compris que le jour pourrait ne jamais se terminer.
Les familles vivent au bord du danger, entre une maison menacée de bombardement et un abri non sécurisé. Dans chaque foyer se cache un nouveau récit de douleur : une mère veille sur ses enfants et craint qu’ils ne soient séparés par une explosion, un père tente de convaincre son petit que le bruit qu’il a entendu n’est pas une bombe, mais une porte qui se ferme. Les abris et les écoles, devenus logements collectifs, voient les enfants dormir à même le sol froid pendant que leurs mères veillent sur eux.
L’anxiété n’est plus un sentiment passager, elle est devenue un élément fondamental de l’identité de la vie à Gaza. Les médecins parlent d’une vaste vague de troubles psychiques parmi les enfants et les femmes, de crises de panique répétées même au moindre bruit banal. Tout a changé ; même le regard que les gens posent sur le ciel n’est plus le même, car chaque ombre ou cerf-volant peut devenir un signal de danger. Et à chaque nouvelle frappe, la ville revient à zéro, comme si le calme n’avait été qu’un bref intervalle entre deux tragédies.
Mais ce n’est pas la peur seule qui étrangle Gaza ; la faim s’infiltre en silence, plus âpre encore. L’économie épuisée s’est totalement effondrée, l’agriculture et la pêche — ces artères de vie du territoire — se sont transformées en cendres. Les terres agricoles, autrefois pleines de légumes et de blé, sont devenues des tombes silencieuses de sol brûlé. Les pêcheurs, qui partaient à l’aube chaque matin pour gagner leur vie, sont désormais piégés avec des filets vides, interdits d’accès à la mer sauf sur de faibles distances sous menace de tirs.
Cet effondrement alimentaire a conduit à une flambée des prix que Gaza n’avait jamais connue. Les légumes, autrefois à portée de main de tous, se vendent aujourd’hui à des prix inaccessibles aux pauvres, et le poisson est devenu un rêve lointain. Et avec la disparition de la production, le chômage a grimpé à des niveaux parmi les plus élevés du monde. Des dizaines de milliers de travailleurs,d’agriculteurs et de commerçants se retrouvent sans revenu, sans usines, sans espoir. Celui qui hier avait un emploi ou un petit projet se retrouve aujourd’hui à attendre une caisse alimentaire pour nourrir sa famille.
Les marchés sont vides de vie, remplis à la fois de bruit et de vide. Les propriétaires des boutiques restent devant leurs magasins fermés comme s’ils observaient la mort de leurs rêves. Ni vente ni achat ; seulement des regards échangés entre ceux qui cherchent un revenu perdu et ceux qui attendent un miracle pour relancer le cycle économique de la vie. Et chaque jour nouveau, l’espoir de reprise diminue, et le drame qui n’a épargné aucune maison grandit.
Au cœur de cette dévastation économique, c’est Israël qui tient les clés de la survie quotidienne de Gaza. Elle décide quel camion passe, quelles marchandises entrent, quand arrivent les aides, et combien de temps elles sont autorisées. Les habitants dépendent de ce qu’on appelle le « système de points », par lequel les aides arrivent en quantités limitées et à des moments intermittents, et ne suffisent ni à nourrir les gens ni à préserver leur dignité.
La douleur amère est que les marchés sont pleins de café et de chocolat, tandis que l’entrée des œufs est totalement interdite, et que les poulets et les viandes arrivent en quantités dérisoires. Les surgelés se vendent à des prix fabuleux que seuls quelques-uns peuvent se permettre, souvent ceux qui ont profité du vol des camions d’aide ou du marché noir. Quant à la grande majorité, leurs rêves sont devenus si simples qu’ils en deviennent douloureux : « un repas de poulet », « un morceau de viande », ou même un simple pain frais partagé entre les enfants. À Gaza, le luxe est devenu synonyme de nourriture, et la nourriture est synonyme de survie.
Et quand vous vous déplacez dans les rues de la ville, vous voyez des files s’étirer comme des arbres de douleur devant les centres d’aide humanitaire et les camions d’eau. Le médecin, l’ingénieur, l’enseignant, l’avocat et l’homme d’affaires se tiennent tous dans la même file, portant des récipients en plastique dans l’attente d’un repas chaud. Certains couvrent leur visage d’un foulard, d’autres portent des lunettes de soleil pour dissimuler leurs traits aux regards, mais la fatigue est la même, la brisure est la même, la faim est la même. À Gaza aujourd’hui, les différences de classe ont disparu, et tout le monde est à égalité devant la lutte pour la survie.
Les femmes essaient de préserver leur dignité au sein de l’encombrement, et les enfants regardent les plats distribués comme un trésor. Cette scène de files est devenue un nouveau symbole de la ville ; non pas de l’humiliation, mais de la survie. Les gens ont appris que faire la queue n’est pas une faiblesse, mais un moyen de rester en vie, une voie vers la vie, même pour une seule journée.
Et malgré cette longue obscurité, apparaissent des lueurs d’humanité en plein cœur du tableau. Des organisations locales et internationales tentent de combler ce qu’il est encore possible de combler, parmi lesquelles l’Union Juive pour la Paix qui poursuit son travail sur le terrain malgré tous les défis. Leurs équipes sont présentes à Khan Younis, à Deir al‑Balah et dans les camps de personnes déplacées, où elles cuisinent et distribuent des repas chauds aux familles déplacées, notamment aux agriculteurs qui ont été chassés de leurs terres à l’est de Khan Younis et se sont installés aux alentours.

Une des membres de l’équipe dit : « Quand nous arrivons avec les réchauds et que nous commençons à cuisiner, vous voyez les enfants courir vers nous avant même que la fumée du repas ne se répande. Ils attendent pendant de longues heures avec des visages épuisés, mais dans leurs yeux un éclat d’espoir qui ne s’éteint pas. » Dans le camp du Hilal à Deir al-Balah, les files s’allongent dès les premières heures du matin. Les femmes portent leurs récipients et les enfants rient malgré la faim, comme s’ils avaient compris que ce jour-ci ils ne dormiraient pas affamés.
Et à ces instants simples, quand le plat chaud est distribué, les traits changent : les visages pâles retrouvent leurs couleurs, les cœurs alourdis s’allègent un peu, et le sourire apparaît sur des visages qui n’avaient pas connu la joie depuis des mois. Ici à Gaza, un repas n’est pas seulement un repas, mais une petite proclamation que l’espoir n’est pas mort.
Depuis les premiers jours de la crise, l’UJFP est restée aux côtés des agriculteurs dans leurs champs, les soutenant et les aidant à tenir bon. Et aujourd’hui, après qu’ils ont perdu leur terre et leur abri, l’organisation continue de les aider dans les camps, fidèle au principe que celui qui a un jour semé un champ mérite qu’on lui sème de l’espoir. Et malgré les bombardements, malgré les contraintes, nos équipes poursuivent leur travail avec une détermination qui ressemble à un miracle, animées par la conviction que la dignité humaine ne se mesure pas à la politique, mais par un morceau de pain donné à une main tremblante.
Et à la fin du tableau, Gaza demeure une histoire de souffrance et de persévérance. Une ville qui respire la peur et vit par l’espoir. Un peuple affamé mais généreux, épuisé mais attaché à la vie. Et malgré toute cette destruction, Gaza reste fière comme un phare de patience, prouvant au monde que l’être humain est plus fort que le siège, que la faim ne peut pas tuer la dignité, et que celui qui vit d’espoir ne peut être vaincu.

Lien vers les photos et vidéos

Fournir des repas aux familles du camp des agriculteurs

https://drive.google.com/drive/folders/18FG-xYHLDgt0CiBsYvsZWpVrPur-6XK6

Distribution de repas aux familles du camp d’Al-Hilal

https://drive.google.com/drive/folders/1NIIl073WoJ1FW185Ji7BrzGZVCPlxgcM

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