Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Continuer à prendre soin de soi !

28 juin 2025
Atelier de soutien psychologique pour les femmes à Deir al- Balah

Comme chaque fin de semaine deux Comptes rendus d’ateliers de soutien psychologique pour les femmes à Deir al-Balah et à Gaza ville: 27 Juin et 28 Juin

Deir al-Balah :Au cœur des camps érigés par les crises, sous un ciel chargé de peur et de nostalgie, la femme déplacée continue de résister en silence, à la recherche d’une fenêtre de lumière dans un mur de douleur.
Cette semaine, la rencontre fut différente… Une rencontre portant un titre aussi vibrant que la terre et la patience de ses femmes : « Semences d’espoir sur une terre de résilience : soin de soi et de la communauté pour un avenir meilleur ».
Cette session est venue redonner une voix aux femmes et leur dire : « Vous n’êtes pas seules ».
Au milieu des tentes et de la douleur, quinze femmes déplacées du camp de l’Amitié, à l’ouest de Deir al-Balah, se sont réunies dans un petit espace, riche de vie. Elles ont partagé leur douleur,leur espoir, apprenant ensemble que prendre soin de soi n’est pas un luxe, mais un acte de survie.
La session a commencé par une introduction chaleureuse, où l’équipe a tenté de créer un espace sûr pour les participantes, en reconnaissant les pressions énormes auxquelles les femmes font face, et en soulignant l’importance de prendre soin de soi, surtout pour celles qui prennent soin des autres – car on ne peut donner ce que l’on n’a pas.
L’une des participantes, mère de cinq enfants, a exprimé sa gratitude ainsi :
« Je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un me demande comment je me sens. On me demande toujours : as-tu nourri tes enfants ? As-tu de l’eau ? Mais qu’on me pose une question sur moi… c’est la première fois. »

« Que me reste-t-il ? » – Découvrir ses ressources intérieures au milieu des tempêtes
« Malgré tout ce que vous avez perdu, que vous reste-t-il ? »
Mais peu à peu, les voix ont commencé à émerger, comme des gouttes de pluie après la sécheresse.
Oum Iyad, mère de quatre enfants, a dit d’une voix tremblante :
« Il me reste mon cœur… malgré tout, je peux encore aimer. J’aime mes enfants, j’aime ma mère qui est restée avec moi, j’aime la vie, même de loin. » Et en posant la main sur sa poitrine, elle a ajouté : « Cet amour, la guerre ne me l’a pas volé. »
Oum Lina, une femme au début de la quarantaine, a parlé avec un sourire chargé de tristesse : « Il me reste la nostalgie de ma maison, de l’odeur du pain qui y cuisant. Personne ne peut me prendre ma mémoire, et mes souvenirs sont mon trésor aujourd’hui. »
Puis une dame âgée a levé la tête et déclaré avec une confiance surprenante : « Il me reste la foi. Quand ma maison s’est effondrée et que je me suis retrouvée à dormir sur le
sable, j’ai dit : Seigneur, ne me laisse pas m’écrouler avec elle. Depuis ce jour, je me dis chaque matin : tu es encore en vie… et tant que tu respires, il y a un nouveau départ. »
Les femmes ont compris qu’elles n’avaient pas tout perdu, comme elles le croyaient, mais qu’il leur restait en elles des graines de patience, des lueurs d’espoir, et des forces sur lesquelles elles pouvaient reconstruire.

« Prendre soin de soi n’est pas de l’égoïsme » – Un voyage vers le soin de soi en temps de besoin
« Prendre soin de soi ne veut pas dire ignorer ses enfants, mais plutôt s’aider soi-même pour pouvoir les servir. Prendre une pause pour respirer, afin de pouvoir donner à nouveau. Quel est le dernier moment de répit que vous avez vécu ? Et sinon, quel est celui que vous aimeriez revivre ? »
Oum Akram, la gorge nouée, a éclaté en sanglots : « Depuis que nous avons fui, je n’ai pas eu une seule minute à moi. Je cuisine, je lave, je cours derrière les enfants, je cherche de l’eau. Je me suis oubliée… j’ai même oublié comment prononcer mon nom calmement. » Puis, rassemblant ses forces, elle a dit : « Mais dans cette session, quand vous avez parlé d’un ‘moment à moi’, je me suis souvenue que j’aimais dessiner. Je dessinais des fleurs et des maisons. Aujourd’hui, je n’ai ni papier ni crayons. Mais maintenant, je dessine sur le sable… je dessine des cœurs de palmiers. »
« Mon réseau de soutien » – Découvrir les liens chaleureux au milieu des ruines
Chaque participante a reçu une feuille sur laquelle on leur a demandé d’écrire les noms de personnes qui, à travers un geste ou une parole, leur ont fait sentir qu’elles n’étaient pas seules. Oum Khaled, qui a perdu sa maison, a dit avec étonnement et reconnaissance : « Je pensais que personne ne se souciait de moi. Mais je me suis rappelée qu’un jour, ma voisine Oum Mahmoud, bien que pauvre, m’a apporté une assiette de lentilles en me disant : tu es comme ma mère. J’avais oublié ce moment, mais aujourd’hui il revient comme une chaleur dans le froid. »
Oum Nour, veuve élevant seule ses trois enfants, a parlé de sa voisine de tente : « Chaque fois que ma petite pleure, elle vient la prendre dans ses bras. Elle ne demande rien, ne
se plaint jamais. Elle donne de la tendresse sans un mot. C’est mon réseau que je ne voyais pas. »
« Je pensais être seule au monde, jusqu’à ce que ma voisine et moi commencions à partager pain, thé, et eau. On rit de tout et on pleure de tout. J’ai compris que la solitude est une illusion, et que la communauté autour de moi n’a pas disparu. »

« Petits pas vers l’espoir » – Transformer la douleur en actes quotidiens
Les femmes ont été encouragées à penser à des petits pas quotidiens qu’elles peuvent faire pour retrouver un sentiment de contrôle, même minime. On leur a donné des papiers colorés pour y écrire une « étape d’espoir » à laquelle elles s’engageraient, pour elles-mêmes ou leur communauté.
Oum Jihad : « Je me laverai le visage chaque matin, et je regarderai mes yeux dans le miroir. Je sourirai, même si c’est un faux sourire. Parce que je veux me voir comme une personne, pas seulement comme un outil de survie. »
Une autre femme a écrit : « Je dirai à ma fille chaque soir qu’elle est belle, pour qu’elle ne perde pas le sentiment de sa valeur au milieu de toute cette destruction. »
Une femme âgée, avec détermination, a déclaré : « Chaque jour, je marcherai près de la tente, je respirerai l’air, et je dirai bonjour à mes voisines. C’est un petit pas, mais il me garde en vie. »
Les mots devenaient des pierres pour bâtir un futur différent.

« Partage d’expériences » – La voix des femmes inspire les femmes
Lors de cette dernière session, un espace a été ouvert pour que les femmes partagent leurs histoires et leurs conseils. Le cercle s’est transformé en véritable groupe de soutien, où chacune parlait, écoutait, et recevait compassion et reconnaissance.
Oum Tasneem « J’ai appris que je ne suis pas seule. Je pensais que toutes les femmes étaient plus fortes que moi, que j’étais la plus faible. Mais en écoutant vos histoires, j’ai compris que chacune d’entre nous mène son propre combat… et pourtant nous sourions. »
Rana a ajouté : « À partir d’aujourd’hui, je serai le réseau de soutien de ma voisine. Je consacrerai une heure par jour à jouer avec les enfants ensemble, à organiser notre tente. La solitude tue, le partage sauve.  Parfois, tout ce dont tu as besoin, c’est d’entendre : tu n’es pas seule. Et c’est ce que j’ai entendu aujourd’hui de vous toutes.”
Elles ont découvert que ce qui leur reste en elles n’est pas une ruine fragile, mais un noyau solide sur lequel reconstruire. Elles ont appris que prendre soin de soi est un acte de résistance, et que le soutien communautaire n’est pas juste de l’aide, mais une vie vécue ensemble.
« Tant que nous prenons soin de nous-mêmes et que nous nous portons mutuellement,l’avenir reste possible. »
Lien vers les photos et vidéos
https://drive.google.com/drive/folders/1RWmbO8_zXFD_59u_M4W0rEe_Tc9H_7SZ

Camp de Gaza -ville: Mon histoire de résilience en un mot !

Un atelier de qualité a été organisé cette semaine sous le titre : « Notre voix, notre force : raconter les récits de résilience et construire une communauté solidaire ». Il s’est tenu dans le camp « Al-Isra », qui abrite un grand nombre de femmes déplacées. Trente femmes de différents âges y ont participé, toutes portant en elles des histoires douloureuses, mais aussi empreintes de force, de volonté et de recherche d’une lueur d’espoir au bout du tunnel.

La rencontre a commencé par une introduction de bienvenue, soulignant les principes de confidentialité et de respect mutuel, tout en insistant sur le fait que « chaque voix a de la valeur » et qu’« il n’y a pas de petite histoire lorsqu’il s’agit de survie et de résilience ».

L’activité intitulée « Mon histoire de résilience en un mot » a permis de briser la glace d’une manière émotionnelle. Il a été demandé à chaque femme de choisir un mot qui résume son expérience de résilience, puis d’expliquer son choix. L’une d’elles a dit « racines », expliquant que sa stabilité face à la tempête venait de ses racines dans la terre et auprès des siens. Une autre a choisi « lumière », affirmant que, malgré toute l’obscurité, elle voyait encore une lueur d’espoir à travers la fenêtre de sa tente.

L’atelier s’est poursuivi avec l’activité des « petits cercles de récit », où les participantes ont été réparties en groupes de trois à quatre femmes. Une question centrale a été posée : « Quel a été ton plus grand défi et comment y as-tu fait face ? ». Les femmes se sont assises en petits cercles, et cette disposition a ouvert les portes de la mémoire. L’une a raconté une nuit sans nourriture, chantant à ses enfants pour les endormir sans qu’ils ne sentent la faim. Une autre a évoqué la perte de son frère et son long silence, jusqu’à ce qu’elle commence à lui écrire de petits messages qu’elle cachait chaque soir sous son oreiller. Une jeune femme a déclaré : « Je ne suis pas une enfant pour pleurer, ni une adulte pour tout supporter. Mais je me souviens avoir marché des heures sous le soleil brûlant pour chercher de l’eau pour ma mère. Et quand j’ai rempli le bidon, je me suis sentie comme une héroïne. »

Ensuite, ce fut le moment des « histoires inspirantes », où certaines participantes ont été invitées à partager leurs récits avec l’ensemble du groupe. « Je préférais le silence. Je ne voulais pas me souvenir. Mais entendre les autres parler de planter des graines dans les tentes, d’aligner des cailloux, d’enterrer la peur en chantant, cela m’a bouleversée. J’ai décidé de faire quelque chose de simple : rassembler des pierres et les disposer joliment devant ma tente. » Lorsqu’elle a terminé son récit, un silence s’est installé, suivi d’un long applaudissement, qui n’était pas seulement une ovation, mais une reconnaissance de son existence et de sa force.

Dans l’activité du « mur commun de résilience », un grand morceau de tissu a été placé au centre de la salle, et chaque femme a été invitée à écrire un mot ou dessiner un symbole représentant son histoire personnelle ou la résilience collective du groupe. L’une a écrit le mot « vivre », une autre a dessiné un soleil se levant derrière les nuages, tandis qu’une fillette a dessiné des gouttes d’eau arrosant une fleur. À la fin de l’activité, une fresque colorée de symboles et de mots a vu le jour, exprimant en langage artistique ce que les mots ne pouvaient parfois dire.

Le simple fait de s’écouter les unes les autres est une forme de résistance. L’une des participantes a déclaré : « Quand j’ai raconté mon histoire, j’ai eu l’impression de renaître. Je me suis vue à travers les yeux des autres et j’ai découvert que j’étais plus forte que je ne le pensais. » Un moment collectif de reconstruction de soi sur une base de partage et de solidarité.

À travers le partage de récits, un profond sentiment d’unité et d’appartenance est né, construisant de nouveaux ponts entre des femmes unies par la douleur, mais qui sont reparties avec des graines d’espoir semées dans leurs cœurs. Chaque voix s’est transformée en une petite flamme, et réunies, ces flammes ont illuminé l’espace d’une lumière chaleureuse dont tout le monde a besoin en ces temps difficiles.

Lien des photos et vidéos

https://drive.google.com/drive/folders/13-UxsJlpIbevuc5quuz69lQcUg0QAvZw

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE AGORA SUIVANT :

Chronique " Gaza Urgence Déplacé.e.s " | Continuer à Agir au coeur de la catastrophe