Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Gaza crie… Qui écoute ?
30 mai 2025
Abu Amir le 29 Mai au soir décrit dans ce texte précisément comment quand l’être humain atteint ce degré d’effondrement, l’instinct de survie l’emporte sur toute autre considération.
Gaza ne traverse pas seulement une crise humanitaire ; elle vit l’une des catastrophes les plus atroces et systématiques de l’histoire contemporaine. Ce qui se passe n’est ni le résultat d’un tremblement de terre ni d’une épidémie, mais d’un siège délibéré, d’une famine intentionnelle et d’un effondrement humanitaire que la communauté internationale choisit d’ignorer. À Gaza, rien ne ressemble à une vie normale. Les gens ne pensent plus à demain, mais seulement à survivre aujourd’hui. Les enfants demandent du pain, pas des jouets. Les mères pensent à l’eau avant toute autre chose. Les pères ne peuvent plus regarder leurs familles dans les yeux tant leur impuissance est grande. Il ne s’agit pas de pauvreté, mais de famine, d’un peuple poussé lentement vers la mort.
La famine dans la bande de Gaza
La famine à Gaza est hors de contrôle, elle s’infiltre dans chaque foyer et menace la vie de tous. Ce n’est plus limité aux zones assiégées ou marginalisées, c’est devenu une réalité générale. Des dizaines de milliers de familles vivent aujourd’hui sans nourriture, et des centaines de milliers dépendent des miettes ou des restes glanés dans les zones de déplacement ou les marchés pillés. Les enfants pleurent de faim jusqu’à perdre connaissance. Les mères partagent entre elles les dernières miettes de pain dur. L’aide humanitaire n’entre plus, les entrepôts sont vides, les marchés presque désertés, et la farine, lorsqu’elle existe, est vendue à des prix inimaginables. La famine ici ne signifie pas seulement le manque de nourriture, mais l’effondrement de la dignité humaine, la défaite de l’individu face à la question : « Comment survivre ? ». Le drame ne se limite pas aux ventres vides, il englobe la peur, l’angoisse, et l’humiliation vécues par ceux qui supplient pour recevoir de l’aide.
L’absence de sécurité
Outre la faim, il y a la terreur. À Gaza, l’insécurité n’est pas causée par un conflit interne, mais par des bombardements incessants, des incursions continues et un effondrement du système social. Aucun endroit ne peut être qualifié de « sûr ». Même les écoles et les hôpitaux, autrefois considérés comme des zones protégées, ne le sont plus. Les maisons sont bombardées, les rues sont dangereuses, et la nuit est plus effrayante que le jour. Les gens dorment dans des tentes délabrées ou sous les décombres, les yeux toujours ouverts, guettant tout bruit d’avion ou de combat. Le chaos sécuritaire s’intensifie, surtout dans un contexte d’effondrement économique et social, et avec la propagation de la faim. Certains en viennent à voler, d’autres à porter les armes pour protéger leurs familles. La sécurité est devenue un rêve, une chose absente, inimaginable.
La révolte des affamés
Dans les rues de Gaza, la révolte ne repose plus sur des slogans ou des revendications politiques. Cette fois, les gens sortent parce qu’ils ont faim. Les scènes d’irruption dans les entrepôts ne sont plus rares, elles deviennent quotidiennes. Les affamés fouillent les coins, cherchent sous les décombres, frappent aux portes, et vont jusqu’à envahir les locaux des Nations Unies ou les stocks présumés de nourriture. Rien ne les arrête : ni la répression, ni les tirs. Quand l’être humain atteint ce degré d’effondrement, l’instinct de survie l’emporte sur toute autre considération. Ce n’est pas un chaos absurde, mais une réaction naturelle à une politique de famine méthodique et à un effondrement total du mode de vie. C’est la révolte des affamés, sans organisation ni leadership, mais avec un cri puissant : « Nous voulons vivre ! »
Le centre d’occupation à Netzarim
Au milieu de cette famine, l’occupation a mis en œuvre une démarche étrange et suspecte : l’établissement d’un nouveau centre dans la région de Netzarim au sud-centre de Gaza, sous prétexte de distribuer de l’aide. Mais ce centre n’est pas géré par des organisations internationales neutres, mais par des entreprises de sécurité américaines privées, lourdement armées. Cette présence étrangère, accompagnée par l’armée d’occupation, a intensifié la colère et la confusion. Pourquoi l’aide est-elle distribuée sous la menace des armes ? Qui garantit que ces centres ne servent pas à collecter des informations ou à asseoir une domination au lieu de fournir du secours ? L’idée que des affamés fassent la queue devant des agents de sécurité étrangers est non seulement humiliante, mais elle illustre une nouvelle réalité de l’occupation : il ne s’agit plus seulement d’occuper une terre, mais aussi ta dignité, ta vie.
L’irruption dans les entrepôts de l’UNRWA et du centre de l’occupation
Hier, des milliers d’habitants de Gaza se sont dirigés vers les entrepôts de l’UNRWA dans la zone de Zawaida. Ce n’était ni un acte organisé, ni un geste aléatoire, mais un cri de douleur. Ils ont envahi l’endroit et ont pris tout ce qu’ils ont trouvé : farine, riz, lentilles — tout ce qui peut être mangé. Le lendemain matin, les gens sont revenus dans le centre de distribution de l’occupation à Netzarim. En quelques heures, le lieu était bondé, les barrières sont tombées, et tous les produits alimentaires ont été emportés. Les soldats ont tiré, non pas sur les gens, mais pour sécuriser la sortie des agents des sociétés de sécurité américaines. Ce qui s’est passé est une explosion populaire causée par la faim. Quand on laisse les gens affamés, ils suivent leur instinct de survie, non les lois.
Saisie des camions d’aide à Zahra
Le soir même, un autre événement s’est produit dans la ville de Zahra. Des camions d’aide chargés de grandes quantités de farine circulaient sur la route. En un instant, les gens les ont encerclés, arrêtés, et ont pris tout leur contenu. La scène n’était pas chaotique mais spontanée. Des milliers d’affamés sont venus des quartiers voisins, simplement parce qu’ils avaient entendu parler de farine. La scène se répète partout où l’on dit qu’il y a de la nourriture, car les gens ont perdu confiance dans la régularité de l’aide. Ceux qui n’ont pas attaqué les camions aujourd’hui seront peut-être les premiers à le faire demain. Non pas par amour de la violence, par refus de la faim.
Effondrement des marchés
Même les marchés n’ont pas été épargnés. Ce matin, des milliers d’affamés ont envahi la rue des Compagnons, l’une des plus célèbres rues commerciales de Gaza. Ils ont pris d’assaut les magasins, emportant tout ce qui pouvait être emporté : nourriture, légumes, conserves, même de simples ustensiles de cuisine. Les commerçants n’ont pas résisté — certains ont pleuré, d’autres se sont retirés en silence. Il n’y a plus ni loi ni police capables de contrôler. Ce chaos n’est pas de l’anarchie, mais le reflet de l’effondrement d’une société privée de ses droits les plus fondamentaux : la sécurité et la nourriture. Gaza est aujourd’hui semblable à un immense camp sans contrôle, ni leadership, ni ressources.
Les politiques de l’occupation, racine de la tragédie
Tout ce chaos n’est pas né du vide. Il est le résultat direct des politiques de l’occupation, qui a fermé les points de passage, empêché l’entrée de l’aide, et détruit les infrastructures. Des milliers de camions de nourriture et de médicaments sont bloqués aux portes de Gaza, notamment au point de passage de Rafah, sans être autorisés à entrer. Quant à Kerem Shalom, il est géré de façon sélective et lente, bien en deçà des besoins essentiels des habitants. Cette famine délibérée est une forme de punition collective. La faim n’est pas un hasard, mais une arme. La souffrance n’est pas un oubli, mais une stratégie pleinement assumée, justifiée par des prétextes sécuritaires et politiques qui ne trompent personne.
Les équipes soutenues par l’ UJFP continuent à travailler
Et malgré tout cela, certains refusent d’abandonner. Les équipes de l’UJFP continuent de travailler sur le terrain, jour après jour, heure après heure, au milieu des bombardements, de la faim et du danger. Elles n’ont ni ressources suffisantes ni protection, et pourtant elles cuisinent, distribuent les repas, les livrent aux familles les plus nécessiteuses, notamment dans les zones de déplacement. Depuis vendredi dernier, le centre de distribution a été déplacé d’Abu Taima à Mawasi, à Khan Younès, après que toutes les zones à l’est aient été bombardées, forçant un déplacement massif. L’équipe continue, envers et contre tout, parce qu’elle croit que le devoir humanitaire ne peut être reporté, et que cuisiner en temps de famine est en soi un acte de résistance.
Gaza ne meurt pas, elle résiste
Gaza aujourd’hui ne demande pas de pitié, ne pleure pas pour susciter la compassion, mais crie du fond de la faim, de la mort et de l’abandon, dans l’espoir que le monde se réveille de son coma moral. À Gaza, de nouveaux chapitres de la tragédie sont écrits, non pas par les plumes des poètes, mais par des ventres vides, des yeux en larmes et des cœurs brisés. Ce n’est ni une exagération ni une dramatisation ; la famine est une réalité, la peur est constante, l’effondrement est total. L’occupation, qui détient les clés de vie et de mort, continue d’étrangler cette ville sans sourciller.
Ce qui se passe à Gaza n’est pas une fatalité, mais un acte humain, une politique déclarée, un crime impardonnable. Un peuple entier est puni pour avoir décidé de rester, de résister, de ne pas renoncer à son droit à la vie. Chaque minute qui passe sans intervention est une complicité silencieuse dans le meurtre d’un innocent, dans la famine d’un enfant, dans la destruction d’une mémoire collective.
Et malgré tout ce chaos, certains continuent de lutter — non pas avec des fusils, mais avec une louche, un repas chaud, une parole sincère. Il y a ceux qui nourrissent en temps de famine, pansent les blessures sous les bombes, et croient que la dignité ne s’achète pas, que la vie mérite d’être vécue, même en enfer.
Gaza ne meurt pas, elle résiste. Et son dernier appel n’est pas un aveu de défaite, mais une invitation à quiconque a encore une once de conscience : n’abandonnez pas ce peuple. Ne laissez pas la faim briser sa volonté. Car l’histoire n’oublie pas, les larmes ne sèchent pas, et la vérité, même retardée, ne meurt jamais.
Liens vers des vidéos de l’attaque contre le centre de distribution d’aide à Netzarim et de l’afflux massif de personnes sur le site.
https://www.facebook.com/share/r/1BoWY2LewK/
https://www.facebook.com/share/r/1CJvQ6t3tW/
Lien vers des photos et des vidéos de travaux humanitaires
https://drive.google.com/drive/folders/1_J8_F2-IysBkFQpsxsF4vnlkJdMOQLBW
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