Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Gaza suffoque sous des montagnes d’ordures
7 mai 2025Le 6 mai au soir Abu Amir décrit la situation d’insalubrité endémique et persistante à Gaza : quand les villes deviennent des cimetières à ciel ouvert
À Gaza, la guerre n’est plus la seule à faucher des vies, et la faim n’est plus la seule à voler l’enfance des enfants. Dans les villes de la bande, de nouvelles collines se dressent, ne portant pas les noms des martyrs, mais rivalisant avec leurs tombes dans la mémoire et dans l’odeur. Ce sont des montagnes de déchets qui ont envahi les rues, s’entassant devant les maisons, s’infiltrant dans les ruelles, mêlant le souffle de la ville aux relents de moisissures et de poisons. En ces temps de mort, l’air lui-même est devenu un ennemi, et respirer une nouvelle bataille que les gens mènent en silence, sans boucliers, sans masques, sans espoir.
Les températures ont atteint des niveaux sans précédent dans les villes de la bande, et le soleil, au lieu d’être une source de chaleur ou un présage d’été, est devenu un carburant pour un incendie silencieux. Les ordures, non ramassées depuis des semaines, se sont transformées sous la chaleur en usines à ciel ouvert de gaz toxiques. Des odeurs nauséabondes émanent de chaque coin, comme si l’air lui-même conspirait contre les gens. Marcher dans la rue n’est plus une routine quotidienne, mais un risque. L’odeur de pourriture envahit les poitrines, se mélange à la fumée des bombardements et aux débris des bâtiments détruits, formant un cocktail mortel de désespoir et de poison.
La catastrophe ne s’arrête pas aux odeurs. Des sacs d’ordures en décomposition et des mares d’eaux usées à ciel ouvert ont émergé une armée d’insectes nuisibles, qui envahissent les maisons sans autorisation. Les cafards, les mouches et les moustiques ne sont plus de simples insectes, mais les messagers d’une épidémie qui annonce un avenir sombre. Certaines familles ne dorment plus la nuit, non seulement à cause des bombardements ou de la peur, mais à cause des insectes qui envahissent les lits des enfants et les ustensiles de cuisine. Certains racontent qu’ils allument des feux devant leurs tentes pour chasser les essaims de mouches, d’autres disent qu’il est impossible de dormir sans se couvrir entièrement le visage.
Les municipalités de la bande, qui s’efforçaient tant bien que mal d’organiser la collecte et le transport des déchets vers des zones désignées, ne peuvent plus remplir leurs missions. Ce n’est pas par négligence, mais à cause de l’occupation. Les camions-poubelles qui tentent de quitter les villes vers les sites d’enfouissement situés en dehors des zones résidentielles deviennent des cibles faciles pour les drones israéliens. À chaque tentative, le chauffeur est visé ou le véhicule est bombardé. Où aller, alors ? Les camions se sont vus contraints de déverser les déchets dans des terrains vides à l’intérieur des villes, transformant ainsi les quartiers résidentiels en océans d’immondices grouillant d’insectes, menaçant d’une explosion environnementale imminente.
Ce que vivent les habitants aujourd’hui, ce n’est pas seulement les bombardements, la faim ou l’insécurité, mais une réalité écologique terrifiante qui rend la vie en ville presque impossible. Des montagnes de déchets à chaque coin de rue, des odeurs fétides s’infiltrant dans chaque maison, des eaux usées ruisselant comme des rivières dans les ruelles, des insectes porteurs de maladies attaquant partout… et la mort qui guette de toutes parts.
Les enfants, qui peinent à trouver un repas pour apaiser leur faim, jouent désormais près des tas d’ordures. Certains cherchent des restes de nourriture, d’autres ramassent des bouchons en plastique ou des matériaux inflammables, dans l’espoir de les vendre ou de les utiliser pour se chauffer ou cuisiner. Une scène tragique qui fait frissonner, et devant laquelle l’humanité hurle en silence.
Et les mères ? Combien de larmes ont coulé sur leurs joues, non seulement pour la perte de leurs enfants, mais aussi parce que leurs petits souffrent de maladies cutanées et respiratoires, causées par cette pollution mortelle. Une mère se tient à l’entrée de sa tente, essayant de chasser les mouches de son nourrisson, tandis que l’obscurité envahit ses pensées : son enfant est-il mort faute de médicaments ? Ou parce qu’il vivait à côté d’une décharge devenue un destin inévitable ?
La question qui tourmente tout le monde : n’est-ce pas une catastrophe planifiée ? L’armée israélienne ne sait-elle pas que cibler les sites d’enfouissement des déchets transformera les villes en pièges de mort écologique ? Bien sûr qu’elle le sait. Israël comprend parfaitement que l’étranglement de la population ne passe pas seulement par le blocus et les missiles, mais aussi par la transformation de l’environnement en tueur silencieux, invisible, inaudible, mais dévastateur à petit feu.
Au milieu de ce chaos, les cris du peuple ne se sont jamais tus. Dans chaque quartier, les habitants élèvent la voix : « Enlevez les ordures », « Sauvez-nous des odeurs », « Où est le monde ? Où est la conscience ? » Mais aucune oreille n’écoute, aucun œil ne voit. Même les organisations humanitaires sont impuissantes face à ce défi quotidien, faute d’équipement, de carburant, ou de routes sûres pour accéder aux décharges officielles.
Avec la poursuite de la montée des températures et l’expansion de la pollution, Gaza semble se transformer en bombe écologique à retardement. Le risque d’épidémies est imminent, et l’été pourrait déclencher le retour de maladies disparues, comme le choléra et la typhoïde, sans parler de la prolifération des intoxications alimentaires, des allergies cutanées et de l’asthme chez les enfants et les personnes âgées.
Gaza a-t-elle besoin d’une nouvelle bombe pour que le monde prenne enfin conscience ? N’est-il pas suffisant que l’air se transforme en gaz toxique, que les villes soient ensevelies sous les déchets, et que la vie soit lentement assassinée ? N’est-ce pas là une autre forme de génocide ? Un génocide qui ne se commet pas par les armes, mais par la négligence délibérée, affamer systématiquement et détruire des éléments vitaux : l’air, l’eau et l’environnement.
En conclusion, à Gaza, il ne suffit pas de survivre aux bombardements. Il faut survivre à la faim, à la maladie, aux insectes, à la pollution, à l’air lui-même. Gaza n’a pas seulement besoin d’aide alimentaire, mais d’une campagne d’urgence environnementale, pour sauver ce qui reste de vie avant qu’elle ne soit engloutie par la moisissure, et pour libérer l’air de son poison, avant que la ville ne suffoque entièrement.
En attendant… la question reste posée :
Jusqu’à quand laissera-t-on les habitants de Gaza mourir, par tous les moyens possibles ?
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