Chronique Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Jusqu’à la dernière marmite: un repas qui donne vie

9 novembre 2025
Jusqu'à la dernière mamrmite! Crédit photo UJFP

Comment les équipes de l’UJFP transforment la faim dans les camps de déplacés en moments d’espoir à Gaza, compte rendu du 9 Novembre

Au cœur de la bande de Gaza, là où les tentes s’étendent sur le sable et où le souffle de la fatigue se mêle au bruit du vent, les familles déplacées vivent les scènes humaines les plus dures, ayant perdu leurs maisons et tout ce qui représentait pour elles la sécurité et la stabilité. Au milieu de la peur et de la faim, la nourriture demeure l’un des besoins les plus essentiels pour tenir bon. Chaque matin, les familles se réveillent face à une réalité douloureuse : obtenir un repas chaud est devenu un rêve difficile à atteindre.

Dans ce contexte tragique, les équipes de l’UJFP travaillent sans relâche pour fournir tout le soutien humanitaire possible. En arrivant dans les camps, nous sommes confrontés à une souffrance sans fin, semblable à une route interminable : des enfants pieds nus, des mères impuissantes face à la faim de leurs propres enfants, et des personnes âgées attendant qu’on leur apporte de quoi survivre.

Dès les premières heures de la matinée, nos équipes commencent la préparation des repas à Mawassi Khan Younès et à Deir al-Balah. Avec détermination, nous lavons les légumes avec peu d’eau, trions soigneusement le riz et préparons les grandes marmites sur le feu. La vapeur qui s’en échappe est la preuve que la vie peut encore être réparée, ne serait-ce qu’un peu, grâce à un repas.

Il n’y a ni boîtes, ni listes de distribution. Les femmes et les enfants arrivent avec leurs propres récipients, patients, autour des marmites. Une mère s’avance, tenant un pot rempli d’espoir plus que de vide. À ses côtés, un enfant, serrant son petit récipient avec le peu d’énergie qui lui reste. Nous remplissons ces contenants avec soin, car nous savons que ce que nous donnons n’est pas seulement de la nourriture, mais un moment de dignité, un instant de chaleur au milieu de la tempête.

Certains jours, l’odeur des repas qui flotte dans l’air suffit à faire sourire les enfants avant même qu’ils ne soient servis. Quand les plats sont enfin remplis, ils retournent en courant vers leurs tentes comme s’ils portaient un trésor. Certains ouvrent aussitôt le couvercle pour s’assurer que la nourriture est toujours chaude. Les mères, elles, sont celles qui comprennent le mieux la valeur de ce repas : elles savent que cette nuit, leurs enfants dormiront sans pleurer.

Sur le lieu de cuisson, nous faisons face au feu, au vent, parfois à la pluie, mais nos mains ne cessent jamais de travailler. Nous ajoutons le sel, remuons les marmites, surveillons la cuisson, et à chaque instant, nous nous souvenons que derrière chaque récipient se trouve une famille qui attend. À Deir al-Balah, la scène se répète : seuls changent les visages et les histoires. Les tentes se multiplient, les besoins grandissent, mais notre détermination grandit avec eux. Nous accueillons chacun avec un sourire, malgré la fatigue, car ils ont besoin d’être vus autant que d’être nourris.

Avec chaque flamme qui s’élève, nous sentons l’espoir monter. Chaque assiette servie est une étape dans la lutte pour la survie. Quand nous entendons les enfants dire : « Aujourd’hui, nous mangerons un repas chaud », notre volonté de continuer se renforce. En voyant les mères observer la nourriture remplir leurs récipients, nous comprenons que nous n’offrons pas qu’un repas, mais un fragment de vie retrouvé.

Les repas apportent de l’énergie aux corps, du réconfort aux cœurs, et une paix provisoire aux âmes dans le chaos. Ils allègent le sentiment d’impuissance des pères face à leurs familles, sèchent les larmes des mères qui ne savent plus comment nourrir leurs enfants. Certains jours, les ingrédients sont insuffisants, mais nous partageons tout ce que nous pouvons et continuons malgré tout. Car nous ne cuisinons pas pour des chiffres, nous cuisinons pour l’humain.

Dans les camps, un simple repas devient une petite célébration à l’intérieur des tentes. Les enfants mangent dans un silence empreint de gratitude, puis s’endorment tôt, rassasiés pour la première fois depuis longtemps. Le repas leur rend la capacité de sourire, et aux mères celle de respirer sans angoisse, ne serait-ce que quelques heures. Nous comprenons alors que la nourriture est un soutien psychologique, une présence humaine, un acte de dignité rendu à ceux que l’exil a dépouillés.

Jour après jour, à chaque marmite vidée, nous croyons davantage que l’humanité n’est pas un slogan mais une action. Cuisiner à Mawassi Khan Younès et à Deir al-Balah est une forme de résistance : contre la faim, contre le désespoir, contre l’effondrement. Nous cuisinons pour protéger la vie, nous distribuons pour préserver la dignité, nous revenons parce qu’il y a toujours quelqu’un qui nous attend.

Nous ne promettons pas grand-chose, si ce n’est de revenir demain, avec une nouvelle marmite, un nouveau repas et un nouvel espoir. Chaque jour, lorsque nous quittons le lieu de cuisson alors que le soleil se couche, la fatigue s’efface devant les regards reconnaissants qui nous disent adieu. Car le don ne réside pas dans ce que nous déposons dans les récipients, mais dans ce que l’action laisse dans les cœurs.

Nous resterons ici, là où le besoin dépasse la force, où l’humain compte plus que les circonstances. Nous continuerons jusqu’à la dernière marmite, jusqu’au dernier repas, parce que Gaza le mérite, parce que l’humanité mérite que nous restions.

Lien vers les photos et vidéos

Distribution de repas au camp d’Al Fajr (agriculteurs)

https://drive.google.com/drive/folders/1yPaaBqFizBb7mNT0B6VkvCrW6aGtqe8m

Distribution de repas au camp d’Al-Hilal

https://drive.google.com/drive/folders/1RI50B7tjDy0BcCxiZU7X8_L2BklBFSTp

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