Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | L’ Aide humanitaire à Gaza
10 juin 20259 Juin un texte d’Abu Amir qui détaille la réalité tragique, discriminative et humiliante de la distribution alimentaire militarisée mise en place par l’occupation israélienne sous le soleil et sous les balles !
Au moment où l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza devrait constituer une lueur d’espoir pour des centaines de milliers de personnes affamées, la réalité sur le terrain révèle une tragédie qui ne cesse de s’aggraver. La famine continue de sévir de manière implacable dans la bande de Gaza, s’étendant et s’approfondissant, malgré l’arrivée de camions d’aide et l’ouverture de centres de distribution de nourriture mis en place par l’occupation à Rafah et dans la zone de Netzarim. Cette aide n’a pas constitué une véritable fenêtre humanitaire comme l’espéraient les habitants, mais s’est transformée en une nouvelle forme de souffrance collective, entourée de chaos, de pillages, de discrimination et d’humiliation délibérée des personnes dans le besoin.
Les citoyens sont conduits vers les points de distribution sous la peur et la faim, pour se retrouver face à une scène qui ne ressemble en rien à une opération de secours, mais plutôt à un champ de bataille militaire ouvert, où fusils, snipers et embuscades les encerclent même lorsqu’ils cherchent simplement à se nourrir. L’aide perd ainsi tout sens humanitaire pour devenir un outil supplémentaire dans le système de punition collective imposé à plus de deux millions de personnes.
Au cours des deux derniers jours, de nombreux camions chargés d’aide humanitaire sont entrés dans la bande de Gaza, mais leur arrivée a rapidement tourné au chaos, après que nombre d’entre eux ont été attaqués et pillés méthodiquement par des gangs armés, nés du vide sécuritaire et de l’effondrement social causés par l’agression israélienne et le long blocus. Ce qui est frappant, c’est que les camions commerciaux autorisés par l’occupation à entrer pour le compte de certains commerçants sont arrivés intacts à leurs entrepôts au centre de la bande sans aucun incident, ce qui soulève des soupçons sur une coordination cachée visant à protéger les intérêts commerciaux au détriment des affamés. Le citoyen ordinaire ne reçoit rien, tandis que les marchandises privées circulent sans entrave, approfondissant ainsi le sentiment d’injustice et renforçant une réalité de discrimination entre ceux qui possèdent du pouvoir et ceux qui fouillent les décombres à la recherche de nourriture pour leurs enfants.
Les centres de distribution d’aide, rouverts par l’occupation à Rafah et Netzarim, se sont transformés en scènes de répression et de violence au lieu d’être un refuge pour les sinistrés. À Rafah, des milliers de personnes se sont rassemblées depuis l’aube dans de longues files d’attente, dans l’espoir d’obtenir un peu de farine ou de conserves. Mais elles ont été accueillies par des tirs nourris de milices armées se faisant appeler “la brigade anti-terroriste”, alors qu’il s’agit en réalité d’une milice dirigée contre des civils sans défense. Les soldats israéliens présents ont également participé aux tirs, utilisant des snipers et des grenades à clous contre les civils, causant des dizaines de blessés transférés à l’hôpital Nasser de Khan Younès. Quant aux corps des victimes, ils sont restés sur place, sans que personne ne puisse les récupérer à cause de la poursuite des tirs et des restrictions de mouvement dans la zone.
Au centre de distribution de Netzarim, la tragédie s’est répétée de manière encore plus dramatique. Des centaines de milliers d’habitants se sont rassemblés dans l’espoir d’obtenir un peu d’aide, pour découvrir qu’il n’y avait que 500 colis disponibles, ce qui a déclenché une vague de colère et de chaos. En pleine bousculade, des drones israéliens ont commencé à tirer directement sur la foule, transformant le point de distribution en zone de tirs ouverte. L’hôpital Al-Awda à Nuseirat a reçu 28 blessés de gravité variable, tandis que le personnel médical ne pouvait faire face à l’afflux en raison du manque de fournitures et de personnel. Les rares colis distribués n’ont soulagé personne, accentuant encore le sentiment de trahison : des milliers de personnes sont rentrées chez elles les mains vides, poursuivies par la faim et l’humiliation, après de longues heures d’attente sous le soleil ou sous les balles.
Sur le plan interne, la famine se manifeste dans toute son horreur. Les gens ne cherchent plus le confort, mais simplement à survivre. Les marchés sont complètement vides de légumes de base comme les oignons, l’ail, les concombres et les citrons. Même les pommes de terre et les tomates sont devenues rares, et si elles sont disponibles, leurs prix sont exorbitants et inaccessibles à la majorité. Les substituts auxquels les habitants avaient recours, comme les poudres d’oignon et d’ail, ont également disparu. Le gaz domestique est introuvable, la farine invisible, le pain absent des tables, la viande et les conserves ont disparu des magasins, et les cuisines sont vides non par choix, mais faute d’ingrédients de base. Il ne s’agit plus d’une simple crise alimentaire, mais de l’effondrement total du mode de vie quotidien.
Parallèlement à cet effondrement humanitaire et de subsistance, la machine de guerre israélienne continue de bombarder les quartiers résidentiels sur toute la bande de Gaza, ajoutant les sons des explosions aux cris de faim et de détresse dans chaque foyer.
Dans ce tableau sombre, la colère populaire monte contre les négociateurs et responsables qui continuent de demander aux habitants de tenir bon, comme s’ils s’adressaient à des êtres insensibles à la douleur et à la faim. Les gens se demandent : comment peut-on nous demander de tenir alors que nous ne trouvons même pas d’eau à boire ? Comment rester soudés alors que nous n’avons rien à donner à manger à nos enfants ? Dans de telles conditions, la résilience n’est plus un choix, mais un fardeau qui pèse sur des épaules déjà épuisées par la guerre. Ce qui se passe à Gaza dépasse les limites d’un blocus traditionnel : c’est une véritable guerre contre l’existence, une épreuve cruelle pour la conscience humaine, tandis que le monde entier se contente de regarder en silence.
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