Chronique “Gaza Urgence Déplacé.e.s”| La crise du pain dans la bande de Gaza

21 novembre 2024
La queue pour avoir du pain

Dans le texte du 21 Novembre Abu Amir analyse finement le circuit de la farine, du pain, ainsi que le trajet de l’aide alimentaire soumis à de nombreuses difficultés qui font craindre et entérinent aujourd’hui une famine plus qu’imminente dans la bande de Gaza.

La bande de Gaza traverse une grave crise du pain qui s’est aggravée au fil des mois. Des milliers de familles déplacées sont dans de longues files d’attente devant des boulangeries qui ont fermé leurs portes en raison d’une pénurie de farine. Cette crise n’est pas née du jour au lendemain. Elle est le résultat de plusieurs causes qui se sont accumulées au fil des mois, notamment le blocus étouffant, la crise des points de passage, les vols répétés de camions d’aide humanitaire, ainsi que des politiques mal planifiées adoptées par des institutions internationales telles que l’UNRWA pour la distribution de farine.

Des files d’attente interminables et un espoir fragile

Malgré la fermeture de la majorité des boulangeries, des milliers de personnes déplacées continuent de faire la queue chaque jour, dans l’espoir que la crise s’allège et qu’elles puissent obtenir un pain pour nourrir leurs familles. Ces scènes quotidiennes reflètent l’ampleur de la souffrance vécue par les habitants de Gaza, où l’accès au pain est devenu un combat quotidien dans des conditions humanitaires de plus en plus dégradées.

Le blocus et la crise des points de passage : les causes principales

Il est impossible de parler de la crise du pain sans évoquer le blocus israélien étouffant et la crise des points de passage, qui constituent la principale cause de la crise humanitaire qui perdure depuis des mois. Ce blocus a considérablement restreint l’entrée des produits de première nécessité à Gaza, y compris la farine, provoquant une grave pénurie d’approvisionnement alimentaire et rendant le territoire presque entièrement dépendant de l’aide humanitaire.

Les vols d’aide humanitaire : une catastrophe interne aggravante

Outre le blocus, un facteur interne alarmant a contribué à l’aggravation de la crise : les vols de camions d’aide humanitaire. Ces incidents ne sont pas des actes isolés mais un problème récurrent qui affecte directement la vie des habitants. Par exemple, il y a une semaine, un convoi de 150 camions d’aide est entré à Gaza, mais 109 camions ont été volés, tandis que seulement 41 ont atteint leur destination. Ce chiffre illustre l’ampleur du désastre causé par ces gangs, qui sont devenus un fléau menaçant le tissu social et aggravant la souffrance humanitaire.

Les politiques de distribution de farine : un échec de l’UNRWA

Le système adopté par l’UNRWA pour distribuer la farine a également joué un rôle important dans l’aggravation de la crise. En période normale, la farine était distribuée aux familles tous les trois mois, en fonction du nombre de membres de la famille, chaque personne recevant un sac de farine de 25 kilos. Cependant, en mai dernier, l’UNRWA a distribué une quantité doublée pour couvrir la période de mai et celle prévue pour septembre, entraînant plusieurs problèmes. Premièrement, les conditions météorologiques chaudes en mai ont rendu difficile le stockage de grandes quantités de farine, ce qui a conduit à la détérioration d’une partie importante des stocks. Deuxièmement, l’UNRWA n’a pas pris en compte les déplacements massifs de la population et les conditions difficiles, obligeant de nombreuses familles à vendre une grande partie de leur farine par crainte qu’elle ne se détériore ou qu’elles ne puissent la transporter. Cela a fait chuter le prix du sac de farine à moins de 2 dollars à l’époque.

Une flambée des prix sans précédent

Avec l’aggravation de la crise, le prix de la farine a connu une augmentation spectaculaire. Aujourd’hui, un sac de 25 kilos coûte environ 400 shekels, soit l’équivalent de 115 dollars américain, un montant qui dépasse largement les moyens de la plupart des habitants de Gaza, déjà confrontés à une pauvreté extrême et à l’absence de sources de revenus à cause du blocus.

Les efforts des forces de sécurité pour lutter contre les vols

Pour contrer les vols d’aide humanitaire, les forces de sécurité de Gaza ont lancé une vaste opération sécuritaire dans le sud de la bande, visant les gangs de voleurs de camions d’aide. Cette opération, menée en collaboration avec des comités tribaux, a entraîné la mort et la blessure de nombreux membres de ces gangs. Le ministère de l’Intérieur a confirmé que plus de 20 personnes ont été tuées et des dizaines blessées.

Le ministère a également déclaré que cette opération n’est qu’un début dans une campagne plus large visant à éradiquer ce phénomène, qui a considérablement affecté la société et accru les souffrances des habitants. Il a été souligné que toute personne impliquée, directement ou indirectement, dans ces crimes, sera sévèrement punie pour mettre fin à cette crise qui menace la stabilité sociale.

Des signes de famine imminente dans le sud de Gaza

Alors que la crise du pain persiste, des signes de famine se manifestent clairement dans le sud de la bande de Gaza. L’interdiction par l’armée israélienne aux commerçants d’importer des produits alimentaires, en particulier de la farine, a exacerbé les souffrances des habitants. Des milliers de personnes déplacées dans le sud dépendent d’une aide humanitaire de plus en plus rare et insuffisante pour répondre à leurs besoins.

Un appel urgent à l’intervention internationale

Face à ces circonstances catastrophiques, une intervention internationale immédiate est nécessaire pour faire pression sur Israël afin de lever le blocus et permettre l’entrée de produits alimentaires de toute urgence. Des mécanismes efficaces pour distribuer l’aide doivent également être renforcés pour garantir qu’elle parvienne aux bénéficiaires, tout en prenant des mesures strictes pour lutter contre les vols de camions. La crise actuelle à Gaza n’est pas seulement une crise du pain, mais le reflet d’une crise humanitaire globale qui nécessite des solutions radicales et immédiates.

Brigitte Challande

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