Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | La volonté de faire face à la faim !
29 avril 2025Encore une initiative extraordinaire dont nous rend compte Abu Amir le 28 Avril : une distribution de farine aux familles d’agriculteurs de Khuza’a dans le camp Al-Amal, il la résume. Quand les épis migrent, la volonté de faire face à la faim.
Dans un coin oublié de Gaza, aux confins du village de Khuza’a, il a été imposé aux agriculteurs de vivre l’amertume du déplacement et de la perte à maintes reprises. Khuza’a, ce village paisible situé au sud-est de la bande de Gaza, autrefois vibrant de vie entre les oliviers et les champs de blé, est aujourd’hui devenu un champ de ruines hanté par des ombres silencieuses. Depuis le déclenchement de la dernière guerre, le village a connu exode après exode, mais lors du dernier déplacement, il a payé le prix le plus élevé : la plupart de ses bâtiments et infrastructures ont été détruits, rasés, comme si jamais une vie n’avait existé entre ces murs. Aujourd’hui, Khuza’a n’est plus qu’une blessure béante qui crie silencieusement vers un monde indifférent.
Les agriculteurs de Khuza’a, gardiens fidèles de leur terre, se sont retrouvés dispersés avec leurs familles, portant avec eux seulement des souvenirs et une nostalgie douloureuse pour ce qu’ils avaient perdu. Sans s’éloigner beaucoup de leur village détruit, ils ont dressé leurs tentes dans la région de Bani Suheila, à l’est de Khan Younès, tout près de leurs terres désormais en ruines, comme si leurs âmes étaient restées accrochées à la poussière qu’ils aimaient tant.
Dans le camp “Al-Amal” – un nom qui, à lui seul, contient une part de consolation – nous les avons rencontrés dans une scène débordant de tristesse et de dignité blessée. Des tentes déchirées posées sur un sol rocailleux, incapables de protéger ni du chaud ni du froid, et des visages brûlés par le soleil où la souffrance a gravé ses sillons comme le soc laboure la terre.
Les agriculteurs nous ont accueillis avec leurs sourires habituels malgré la tragédie, une hospitalité mêlant larmes et sueur. Ils nous ont raconté leur souffrance d’une voix tremblante : des mères pleurant la perte du pain quotidien, des pères jurant que leurs enfants n’avaient pas mangé un repas chaud depuis des jours. Certains nous montraient les vêtements usés de leurs enfants, des habits devenus presque une seconde peau tant ils n’ont pas été remplacés depuis des mois.
L’un d’eux, la voix brisée par l’émotion, nous a confié :
« Il y a ici des tentes où l’on n’a pas goûté au pain depuis quatre jours… Je le jure devant Dieu, quatre jours entiers sans un morceau de pain. »
La scène était insoutenable. Il était impératif pour nous de devenir acteurs de cette bataille pour la dignité. Ces agriculteurs, qui pendant des décennies ont ensemencé la terre de blé et d’espoir, méritaient que l’on tende la main plutôt que de leur tourner le dos. Ce sont eux qui ont abreuvé Gaza de sueur et d’amour, ceux qui nous ont appris que la vie renaît toujours de la terre, même sous une épaisse couche de poussière.
Sans hésiter, grâce à une coordination rapide entre nos équipes de l’UJFP, nous avons distribué aujourd’hui dix sacs de farine aux familles les plus nécessiteuses – soit un total de 250 kilogrammes. Chaque famille a reçu trois kilogrammes de farine, de quoi préparer du pain simple pour environ trois jours. Ce premier lot a bénéficié à 80 familles, des familles qui ont tout perdu et luttent désormais pour simplement nourrir leurs enfants.
Et parce que la faim ne peut attendre, notre centre d’alimentation de l’UJFP a envoyé ce matin trois grandes marmites pleines d’un plat chaud de lentilles au camp Al-Amal. Un repas qui, pour certains, peut sembler modeste, mais qui, ici, dans ce recoin oublié du monde, équivaut à la vie elle-même. Nous avons décidé de maintenir ces repas réguliers, trois jours par semaine, pour offrir à ces familles un soutien minimum face à la famine qui avance inexorablement.
Les larmes des mères et les sourires de gratitude des enfants, qui n’avaient pas connu la satiété depuis des mois, n’étaient pas seulement des marques de remerciement : c’étaient des témoignages silencieux prouvant que la dignité peut renaître de ses cendres, et que celui qui a faim ne cherche pas le luxe mais simplement à survivre.
Nous avons quitté le camp avec nos âmes lourdes de leurs récits, mais porteurs d’un mince espoir : celui qu’au milieu de tant d’impuissance, nous pouvons encore allumer une petite flamme dans cette nuit interminable.
À Gaza, où les maisons s’effondrent et où les rêves sont ensevelis sous les décombres, la terre gémit encore, attendant les mains qui viendront à nouveau la labourer.
Et les agriculteurs de Khuza’a, malgré les tentes usées et la faim dévorante, continuent de croire que le soleil se lèvera un jour et qu’ils reviendront sur leurs terres, tout comme l’oiseau revient à son nid malgré la violence des tempêtes.
Lien photos et vidéos
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