Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s | Le soutien psychologique, une ligne de défense contre la pluie
23 novembre 2025
Compte rendu de l’atelier de soutien psychologique et d’éducation sanitaire pour les femmes du camp des Amis à l’ouest de Deir al-Balah
Par un matin froid enveloppant le camp des Amis, sous des nuages lourds et une teinte grise tombant sur la terre comme un voile triste, les femmes se sont réveillées au son du vent qui fouettait les abris de toile, les secouant de droite à gauche comme s’il voulait les arracher de leurs racines. L’odeur de la terre mouillée se glissait sous chaque pas, comme si le ciel avait passé la nuit à pleurer au-dessus de toutes les têtes. Entre les tentes malmenées durant la nuit, les femmes avançaient avec retenue. Ce matin-là n’avait rien de normal : il mélangeait le bruit de la pluie aux pleurs des enfants qui n’avaient pas bien dormi à cause du froid. Les femmes portaient plusieurs couches de vêtements, elles tentaient malgré tout de se tenir debout. Aujourd’hui, elles n’avaient d’autre choix que la résilience, seules face aux lourdeurs de la vie, portant tout le fardeau de la famille, ramassant le bois, essayant de sécher des vêtements qui n’avaient pas séché depuis des semaines, cherchant ce qui restait de nourriture, et apaisant les enfants à chaque crise de froid ou de peur.
L’atelier mis en œuvre par l’équipe de l’UJFP est arrivé dans la tente dédiée, un tissu comme les autres tentes, mais quelque chose y était plus chaleureux. Aux alentours de dix heures, les femmes commencèrent à affluer. L’une tenait son enfant agrippé à sa poitrine, effrayé par l’air glacial ; une autre guidait sa mère âgée qui s’appuyait sur elle, redoutant que son corps épuisé ne cède à tout moment ; une troisième regardait autour d’elle à la recherche d’un visage familier pour se rassurer avant d’entrer. La tente se remplit progressivement de voix discrètes, de petits rires, de regards hésitants et de conversations interrompues chaque fois qu’une bourrasque plus forte que la précédente secouait les toiles. Vingt-cinq femmes étaient présentes, entourées de couches de boue à l’entrée de la tente.
L’une des animatrices se tenait debout, souriante, montrant sur son visage les traces de fatigue de la nuit précédente, qu’elle tentait de dissimuler pour que les femmes se sentent dignes de tout cet effort. Les visages commencèrent à changer, laissant apparaître un léger sentiment de soulagement. Une femme leva timidement la main et dit d’une voix douce mais claire : « Merci d’être venus… nous avons besoin que quelqu’un nous écoute. »
Après les présentations, l’équipe invita les femmes à commencer un exercice simple de respiration pour réduire le stress. Un silence profond, semblable à celui de la prière, envahit la tente. En quelques minutes, la tension visible dans leurs yeux au début de la séance avait disparu, et même la femme qui tremblait de froid semblait plus stable.
Après cette activité, l’équipe passa à la partie d’éducation sanitaire. Les membres expliquèrent l’importance de maintenir une hygiène personnelle malgré le manque d’eau, et présentèrent des méthodes pratiques et applicables dans le camp, comme l’utilisation de petites quantités d’eau de manière calculée ou le remplacement du lavage complet par des techniques de nettoyage ciblé en cas de pénurie. Elles abordèrent aussi les façons d’améliorer l’immunité des enfants dans ces conditions, en utilisant les aliments simples disponibles. Une formatrice expliqua l’intérêt de porter plusieurs couches de vêtements au lieu d’un seul vêtement épais, précisant que cette méthode aide mieux à conserver la chaleur corporelle. Elle présenta ensuite des mouvements corporels simples que les femmes peuvent pratiquer dans la tente pour activer la circulation sanguine et augmenter la chaleur du corps sans aucun matériel.
Le discours se dirigea ensuite vers la tente elle-même, cet abri constituant à la fois la première et la dernière ligne de défense contre la pluie. L’équipe expliqua comment isoler le sol avec de vieux tissus ou des morceaux de nylon, et comment boucher les petits trous laissant passer l’eau. Elles insistèrent aussi sur l’importance de laisser une petite ouverture pour l’aération afin d’éviter l’humidité, cause de nombreuses maladies. Les femmes commencèrent à partager leurs propres astuces : l’une mentionna que les sacs de farine vides étaient le meilleur isolant qu’elle avait trouvé ; une autre expliqua qu’elle avait utilisé une grande bâche en nylon qui avait rendu sa tente plus étanche. Une femme plaisanta : « Je crois que je vais rentrer et reconstruire toute ma tente avec ce que j’ai appris aujourd’hui ! »
L’équipe s’assit parmi les femmes et demanda à chacune de partager un sentiment, une peur ou un souvenir qui les accompagne durant cet hiver. Une femme commença en racontant sa peur que son enfant tombe malade la nuit, car elle ne possède qu’une seule couverture. Une autre confia que le son du vent lui rappelle la nuit où elle a perdu son mari. Une femme âgée dit d’une voix tremblante qu’elle craint de quitter ce monde sans que personne ne s’en rende compte. L’atelier avait offert à chacune la permission d’avouer ce qu’elle endure sans crainte.
Pour que la séance ne se termine pas sur cette charge émotionnelle, l’équipe avait préparé une activité ludique qui transforma l’atmosphère d’un coup. Il s’agissait d’un jeu collectif basé sur le mouvement, la rapidité et le plaisir. L’équipe expliqua les règles de manière amusante, puis demanda aux femmes de se tenir en cercle, laissant un peu d’espace pour bouger. Le premier défi consistait à faire passer rapidement un morceau de tissu d’une femme à l’autre, tandis que l’animatrice donnait des consignes changeantes : « en haut », « à droite », « plus vite ». Les femmes commencèrent à jouer avec enthousiasme ; l’une trébucha dans la boue, déclenchant un fou rire général, et elle-même riait sincèrement, comme elle ne l’avait pas fait depuis des années. L’équipe ajouta ensuite des défis supplémentaires : marcher en tout petits pas, applaudir rapidement à un mot donné, essayer d’attraper le tissu avant qu’il ne tombe. L’ambiance monta, les voix s’élevèrent, même les enfants observant de l’extérieur se mirent à rire, comme si une vague de joie avait débordé de la tente. La scène ressemblait à une petite fête au milieu d’une grande tempête — une fête qui avait redonné de la lumière à des visages presque éteints.« C’est la première fois depuis longtemps que mon cœur se sent léger. » Une autre ajouta : « Vous ne nous avez pas seulement donné de l’information… vous nous avez donné de la chaleur. » Les femmes quittèrent la tente d’un pas ferme malgré la boue qui freinait leur marche.
Ainsi, l’atelier prit fin, laissant derrière lui une trace impossible à mesurer.
Lien vers les photos et vidéos
https://drive.google.com/drive/folders/19QHzP36KsJRTY7O9a6-yXzJaXpWhNMZS
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