Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | L’éducation protège l’identité de la société gazaouie
10 novembre 2025Comme chaque semaine l’action éducative est au rendez-vous à Gaza : entre douleur et espoir, l’avenir de l’éducation 10 Novembre.
Il est impossible d’évoquer l’avenir de Gaza sans s’arrêter sur l’éducation, car elle n’est pas seulement un secteur de services, mais la dernière ligne de défense qui protège l’identité de la société et assure sa survie malgré toutes les tentatives de l’épuiser. Gaza paie un lourd tribut sur le plan éducatif. Les bombardements ne détruisent pas uniquement les bâtiments, ils barrent aussi la route aux étudiants, entravent la capacité des enseignants à poursuivre leur mission, et transforment l’école, autrefois un espace éducatif stable, en un lieu d’incertitude, oscillant entre fermetures, déplacements forcés et manque de ressources. Aujourd’hui, l’élève gazaoui ne passe pas seulement l’examen des programmes scolaires, il est également mis à l’épreuve dans sa capacité à apprendre au milieu de la peur, à se concentrer dans le vacarme et à continuer de rêver dans un environnement qui lui impose le contraire. C’est un combat psychologique, intellectuel qui dépasse les murs de la classe.
Malgré ces conditions, le train de l’éducation ne s’est jamais totalement arrêté. Il a simplement dû changer de forme et d’outils, donnant naissance à l’enseignement numérique, devenu une nécessité vitale plutôt qu’un luxe. Internet, malgré son accès limité et les coupures d’électricité, est devenu une fenêtre indispensable. À travers lui, des milliers d’étudiants tentent de rattraper ce qu’ils ont perdu, en suivant des cours en ligne, en participant à des conférences à distance, en s’instruisant grâce à des initiatives individuelles et collectives qui ont prouvé que l’éducation n’est plus uniquement liée aux murs d’une école. Dans ce contexte si difficile, la jeunesse de Gaza s’est démarquée : elle n’a pas attendu les solutions, elle les a créées. Elle a fondé des groupes éducatifs, lancé des initiatives de soutien scolaire et offert des cours gratuits à ceux qui ne peuvent pas se permettre l’enseignement privé. Une preuve que la génération que l’on cherche à briser est aussi celle qui est capable de reconstruire ce qui a été détruit.
Aux côtés de ces efforts populaires, les initiatives communautaires et institutionnelles visant à préserver le système éducatif de l’effondrement ont également joué un rôle majeur. Parmi elles, l’organisation UJFP, qui a œuvré à l’établissement de centres éducatifs dans des zones hautement sensibles comme Al-Mawasi à Khan Younès et l’ouest de Nuseirat, des régions marquées par le déplacement, la surpopulation et le manque d’infrastructures éducatives alternatives. Ces centres ont permis d’offrir des espaces sûrs pour l’apprentissage, redonnant aux élèves l’accès à l’éducation après avoir perdu la possibilité de rejoindre leurs écoles traditionnelles. Ils sont devenus un modèle, l’éducation à Gaza ne meurt pas mais se réinvente chaque fois qu’un espace le permet. Ces centres n’étaient pas de simples salles de classe, mais des environnements de reconstruction psychologique et cognitive, permettant aux enfants de retrouver un rythme scolaire et aux jeunes de maintenir un lien avec leur avenir, loin du vide imposé par la guerre et du désespoir d’une crise persistante.
Aujourd’hui, la question la plus importante n’est pas : « Gaza peut-elle continuer à enseigner ? », mais plutôt : « Comment préserver la qualité de cette éducation et la développer malgré tout ? » La réponse commence par reconnaître que le véritable investissement ne réside pas seulement dans l’aide humanitaire temporaire, mais dans l’être humain lui-même, en particulier la génération qui portera les défis de demain et dirigera l’avenir. L’éducation à Gaza a besoin d’un renforcement global : soutenir les écoles et les centres communautaires, fournir des infrastructures éducatives flexibles capables de fonctionner en temps de crise, consolider l’enseignement numérique par des outils plus stables, et proposer des programmes de soutien psychologique, car un esprit qui étudie sous les bombardements n’est pas le même qu’un esprit qui apprend dans un environnement sécurisé. Le développement éducatif ne peut pas non plus se limiter aux programmes traditionnels, mais doit intégrer des compétences d’avenir telles que la technologie, les langues, l’innovation et la pensée critique, car aujourd’hui, la maîtrise du savoir est l’arme la plus puissante dans la lutte pour l’existence et la reconnaissance.
Et malgré toute la souffrance, l’espoir demeure, non pas par choix émotionnel, mais par nécessité imposée par les faits : une Gaza assiégée depuis des années continue de former des médecins, des ingénieurs, des créateurs et des entrepreneurs. Une Gaza dont les écoles sont détruites voit naître des centres éducatifs alternatifs. Une Gaza que l’on voudrait priver d’avenir bâtit son futur au milieu des décombres. Ici, l’éducation n’est pas seulement un parcours académique, mais un acte de résistance car il affirme que la bataille ne se mène pas uniquement avec des armes, mais aussi avec la pensée, la connaissance et la capacité de construire l’être humain malgré toutes les tentatives d’extinction.
Préserver l’éducation à Gaza aujourd’hui, c’est protéger l’avenir de la perte et garantir que les générations futures ne seront pas de simples victimes d’une réalité difficile, mais les bâtisseurs d’une nouvelle réalité. C’est peut-être là ce que redoutent le plus ceux qui misent sur l’épuisement de Gaza : qu’un seul étudiant tenant un livre soit plus dangereux pour les projets du désespoir que mille slogans sans impact. Car lorsque l’éducation survit, l’histoire, l’identité et l’avenir survivent avec elle.
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