Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” |Nord de Gaza, comment trouver le calme et l’intimité sous une tente ?
25 avril 2025Un compte rendu d’atelier de soutien pour les femmes régulier, hebdomadaire, nécessaire , infaillible quelles que soient les conditions de vie ; le 25 Avril envoyé par l’équipe de l’ UJFP
Serait il possible de penser que nous pourrions apprendre de ce que font les femmes de Gaza ?
Par un matin étouffant, l’un de ces matins de déplacement forcé dont Gaza regorge, au milieu du vacarme des tentes surpeuplées d’âmes et d’émotions, un nouvel atelier a eu lieu dans le camp Al-Isra, en plein centre-ville de Gaza. Cet atelier, organisé dans le cadre du programme de soutien psychologique et social mené par l’UJFP, portait un titre profondément évocateur : « Mon espace dans le tumulte de la vie : comment trouver le calme et l’intimité sous une tente ? » Trente femmes déplacées se sont réunies sous cette grande tente transformée, le temps d’un moment, en un havre de confidence et de recherche de paix intérieure dans un monde saturé de bruit.
Les visages étaient marqués par l’épuisement, les corps courbés par des nuits sans sommeil et des journées sans répit. Entre les pleurs des enfants, les pas pressés, et les cris constants, la vie sous la tente est devenue un test permanent pour les nerfs. Malgré cela, les femmes sont arrivées avec hésitation, guidées par la curiosité : « Que pourrait bien nous offrir cet atelier, si ce n’est encore plus de paroles ? » Elles ignoraient alors que cette séance allait ouvrir des portes intérieures fermées depuis longtemps, leur offrant la découverte d’un espace qu’elles croyaient perdu : l’espace psychologique.
L’atelier a débuté simplement, mais avec impact : on a demandé aux participantes de fermer les yeux pendant deux minutes et d’écouter leur respiration. Un silence rare a alors enveloppé ce coin du camp. Deux minutes seulement, mais assez pour goûter au calme, ne serait-ce qu’un instant. Ensuite, l’animatrice a lancé la discussion par une question directe : « Combien de fois par jour ressentez-vous le besoin de calme… sans jamais le trouver ? » Ce ne sont pas les mots qui ont répondu en premier, mais les larmes. Puis les confidences ont afflué.
« Le pire, c’est de ne pas avoir d’endroit à soi. Pas de porte à fermer. Pas de coin où se cacher. Même penser à voix haute n’est plus possible. »
Des outils scientifiques simples, adaptés à la vie sous tente, ont été utilisés. L’animatrice a commencé par expliquer la notion d’« espace psychologique » à l’aide d’un schéma illustrant les cercles de l’intimité, soulignant le besoin humain fondamental d’un refuge intérieur. Un exercice intitulé « Mes cartes personnelles » a suivi : chaque femme devait dessiner, même de manière abstraite, ce qu’elle considère comme son « espace » – un coin de la tente, un moment précis, ou une sensation de solitude apaisante. Certaines ont dessiné un petit oreiller, d’autres une paire d’écouteurs, une autre encore a écrit le prénom de sa fille en disant : « Elle seule est mon monde sûr. »
Un autre exercice a introduit la technique de « l’expression verbale sécurisée », enseignant aux femmes à demander simplement un moment de silence ou de solitude, avec des phrases comme : « J’ai besoin d’une minute de calme, s’il vous plaît. » ou « Je me sens oppressée, puis-je rester seule un instant ? » Ces mots, banals ailleurs, sont ici un acte de bravoure. Dans les tentes, l’individu s’efface presque entièrement au profit du groupe.
Une activité participative, « La capsule de calme », a permis à chaque femme de glisser dans une petite pochette en tissu un objet symbolisant pour elle la sérénité : un mot de prière, une photo ancienne, ou une senteur. « J’ai mis le mouchoir de ma mère… son odeur me rassure. »
Lors d’un cercle de parole intitulé « Quand je ne suis pas seule… comment me retrouver ? », les femmes ont partagé leurs tentatives, parfois désespérées, de créer un instant de paix : fermer les yeux malgré le vacarme, faire semblant de dormir pour éviter toute interaction. Leurs voix mêlaient douleur, sincérité et soulagement à l’idée qu’elles n’étaient pas seules à souffrir.
« Je croyais être la seule à m’effondrer intérieurement à cause du bruit, a confié une jeune femme. Mais aujourd’hui, en entendant les autres, j’ai compris que je suis normale… dans une situation anormale. »
La session s’est conclue par un exercice de respiration consciente intitulé « Mon souffle est mon refuge », où les femmes ont appris à respirer lentement et profondément, accompagnées d’une musique douce.
« Je ne savais pas que la respiration pouvait être un abri. »
À la fin de l’atelier, il n’y eut ni distributions d’aide, ni ouvertures de frontières, ni reconstruction d’habitations. Mais quelque chose, au fond de ces femmes, avait changé. Elles ont compris qu’elles pouvaient, même par de petits moyens, s’accorder un moment, un espace, une bouffée d’air plus vaste que leur réalité immédiate.
L’atelier « Mon espace dans le tumulte de la vie » a démontré que la perte d’intimité et de calme dans les camps n’est pas un détail, mais une crise psychologique quotidienne. Il a offert aux participantes des outils simples, applicables dans un contexte difficile, les aidant à reconnaître leurs émotions et à tisser entre elles des liens de compréhension et de solidarité. Il a prouvé que l’autonomisation des femmes ne commence pas toujours par des projets monumentaux, mais parfois par un mot, une respiration, ou un petit recoin du cœur qui murmure à chacune : « Tu es encore là, et tu mérites la paix, ne serait-ce qu’une minute. »
Lien vers les photos et vidéos
https://drive.google.com/drive/folders/1XADEcW6psZ5zM-yryP1pliTefPKoSinX
Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :
ARTICLE AGORA SUIVANT :
