Chronique ” Gaza Urgence Déplacé.e.s” | Parler de Gaza avec douleur et clarté
21 juillet 2025En cette fin de journée du 20 Juillet Abu Amir analyse avec lucidité Gaza anéantie et déplacée, en même temps que nous écoutons encore de nouveaux ordres de déplacement…
Les contours d’une politique systématique menée par Israël dans la bande de Gaza se dévoilent, visant l’être humain dans son existence même, dans sa vie quotidienne, dans sa sécurité physique et psychologique, dans sa maison, sa terre, jusqu’à son morceau de pain et sa goutte d’eau. Ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas une simple guerre passagère ou un conflit armé traditionnel, mais un processus complet de mise à mort, de déplacement et de famine, dont l’objectif essentiel est de forcer les habitants de la bande de Gaza à quitter leur terre, sous la pression de la mort, de la destruction et de la faim.
La mort comme outil de nettoyage territorial
Depuis le début de la dernière guerre, le nombre de victimes à Gaza a atteint des dizaines de milliers, en grande majorité des civils, dont des milliers d’enfants, de femmes et de personnes âgées. Aucun lieu n’a été épargné par les bombardements : ni les hôpitaux, ni les écoles, ni les camps de déplacés, ni même les ambulances ou les équipes humanitaires. Les frappes ciblent quotidiennement tout ce qui peut constituer un abri ou un point de rassemblement, dans une stratégie visant à déraciner tout sentiment de sécurité. La maison n’est plus un refuge, la mosquée n’est plus un lieu de quiétude, l’hôpital n’est plus un asile pour les malades. Ici, la mort n’est pas un simple outil militaire, mais un moyen délibéré de déplacement forcé, semant la peur pour pousser les gens à fuir.
Selon les statistiques du ministère palestinien de la Santé à Gaza, le nombre de martyrs depuis le 7 octobre s’élève à 58 667 morts, mais ce chiffre ne comprend que les corps ayant atteint les hôpitaux et été officiellement enregistrés. D’après les estimations d’organisations et d’institutions internationales, le nombre réel de victimes dépasse au moins une fois et demie ce chiffre, ce qui signifie que le nombre total des morts pourrait dépasser les 100 000. Des milliers de corps sont toujours sous les décombres, évaporés, ou enterrés dans des lieux non répertoriés, dans des scènes qui illustrent l’horreur de ce qui se passe. Ces chiffres énormes ne reflètent pas seulement l’ampleur de la tragédie, mais confirment l’existence d’un ciblage collectif et systématique des civils. À Gaza, la mort n’est plus une exception, mais une règle quotidienne terrifiante, utilisée avec sang-froid pour pousser les gens à fuir et à quitter leur terre.
La famine : étouffer la vie quotidienne
Israël ne s’est pas contenté de détruire les habitations, mais a également ciblé délibérément les moyens de subsistance et les infrastructures essentielles à la survie des habitants sur leur terre. L’interdiction d’acheminer la nourriture, l’eau, le carburant et les médicaments, la destruction des boulangeries, des marchés et des fermes ont transformé Gaza en un champ ouvert à la famine. Les images d’enfants mourant de faim, de mères cherchant du lait ou des médicaments ne sont pas des scènes exceptionnelles, mais les résultats directs d’une politique délibérée.
Utiliser la faim comme arme de guerre vise à bien plus qu’une punition collective : c’est étouffer les habitants de Gaza pour les pousser à se soumettre ou à partir. Ceux qui ne meurent pas sous les bombes sont anéantis par la faim et la maladie, et ceux qui ne partent pas aujourd’hui par peur pourraient être contraints de le faire demain pour survivre.
Le déplacement : élargir le cercle de l’exode vers l’inconnu
En parallèle avec les massacres et la famine, un déplacement forcé interne massif a été imposé aux habitants de Gaza. Des régions entières, comme le nord de l’enclave et la ville de Gaza, ont été vidées de force, et les liens géographiques entre le sud et le nord ont été coupés. Même ceux qui pensaient avoir survécu avec peu se sont retrouvés dans des tentes délabrées, sans nourriture, sans eau, ni médicaments.
Cet exode collectif ne se produit pas de manière aléatoire, mais sert un objectif stratégique : transformer Gaza en une zone invivable, préparant ainsi son vidage ou la réduction de sa densité démographique. C’est ce que confirment des rapports onusiens qui mettent en garde contre une intention claire de déplacer les populations, soit vers le sud sans retour, soit à l’extérieur de la bande de Gaza si un passage s’ouvre.
Les dimensions politiques du déplacement
La politique de tuerie, de famine et de déplacement n’est pas une simple conséquence de la guerre, mais l’expression d’un projet politique visant à modifier la réalité démographique de la bande de Gaza. Depuis des années, certaines parties israéliennes misent sur la soumission de Gaza, soit par la force, soit en forçant ses habitants à un départ volontaire sous pression. Quand le père est tué, l’enfant affamé, les maisons détruites, l’eau et l’électricité coupées, les écoles de l’UNRWA bombardées, le message devient clair : « Cette terre n’est plus vivable pour vous. »
Le déplacement des Palestiniens de Gaza n’est pas une idée nouvelle, mais s’inscrit dans la continuité des politiques d’expropriation du peuple palestinien depuis la Nakba. La différence aujourd’hui, c’est que les moyens sont plus cruels, et le silence du monde plus assourdissant.
Le silence international… une complicité implicite
Face à ce drame, le silence de la communauté internationale soulève de grandes questions : comment le monde peut-il observer une famine imposée délibérément, un déplacement forcé massif, des milliers de victimes parmi les enfants, sans réagir ? La poursuite de ce silence, et la répétition d’appels à la « désescalade » sans tenir Israël pour responsable de ses crimes, constitue en soi une couverture pour une politique de nettoyage ethnique lent et de déplacement forcé.
Gaza vit malgré les blessures
Malgré la mort, la faim et l’exil, Gaza résiste encore. Elle résiste avec son corps meurtri, avec son enfant affamé, avec sa mère qui pleure au seuil d’une tente, avec son enseignant qui enseigne sans livres, avec son médecin qui travaille sans médicaments. Elle résiste parce qu’elle sait que ce que l’on veut d’elle, c’est la disparition, et que rester, en soi, est un acte de résistance. Cette terre, abreuvée de sang, ne sera pas abandonnée, et l’enfant privé de pain aujourd’hui portera demain l’héritage de la résilience.
Face à la mort, à la famine et au déplacement, il faut dire au monde : Gaza n’est pas seulement anéantie, elle est déplacée. Et ceux qui gardent le silence en sont complices, quelles que soient leurs prétentions à la neutralité. Et le Palestinien, malgré la faim et l’exil, n’oubliera jamais sa première adresse : la patrie.
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