Chronique”Gaza Urgence Déplacé.e.s”|La révolution de la faim
3 mai 2025Ce texte nous a été envoyé le 2 Mai au soir par Abu Amir , jusqu’à quand le monde va t ‘il rester sourd à cette extermination ?
J’ai beaucoup écrit, j’ai crié encore plus, et je n’ai pas laissé une ligne sans déverser l’amertume de ce que nous vivons ici à Gaza, un endroit où tout, sauf la dignité, a été dépouillé. J’ai parlé des massacres, des maisons qui se sont effondrées sur la tête de leurs propriétaires, des déplacements et du froid, de l’eau qui est coupée, des médicaments qui n’arrivent pas, de la faim… Oui, la faim contre laquelle nous avons toujours mis en garde et qui est sortie des pages d’avertissement pour s’installer dans les rues de la réalité, dévorant les corps, mobilisant les foules et conduisant Gaza à une révolution des affamés.
Cette révolution ne s’est pas produite sur un coup de tête, mais s’est accumulée comme des couches de cendres sur les visages des affligés. Depuis la fermeture complète des points de passage le 2 mars 2023, aucune farine, aucun riz, aucune huile, aucun médicament, pas même une lueur d’espoir n’est entré à Gaza. C’est comme si Gaza ne figurait pas sur la carte du monde, comme si ses habitants ne comptaient pas parmi les êtres humains. Depuis des mois, la famine s’étend lentement, rongeant la vie en profondeur, tuant les enfants les uns après les autres
Peut-on croire que les enfants de Gaza meurent de faim au XXIe siècle ?
Oui, ils sont morts, et ils meurent tous les jours. Ils sont tombés dans les bras de leurs mères, non pas parce que des obus leur sont tombés sur la tête, mais parce que leurs estomacs vides ont crié lorsqu’ils sont devenus vides.
La plupart des enfants de Gaza souffrent aujourd’hui de malnutrition sévère, leur corps est émacié, leurs yeux sont enfoncés, leurs lèvres sont sèches, ils dorment sans dîner et se réveillent sans rien.
Et pourtant la politique de famine se poursuit, comme un couteau lent que l’on enfonce sans pitié dans le corps de Gaza. Les points de passage sont fermés, les magasins sont vides et même ceux qui ont un peu d’argent ne trouvent plus rien à acheter. Alors que le monde se contente d’observer ce lent massacre, les contours d’une explosion commencent à se dessiner. Les gens n’en peuvent plus. Quand un père voit ses enfants tituber de faim, regarder sa main vide, pleurer en silence parce qu’il n’a rien pour eux, et qu’il sait qu’à quelques mètres de là, il y a des entrepôts remplis de nourriture, que voulez-vous qu’il fasse ?
Au cours des trois derniers jours, la bande de Gaza a été le théâtre d’une explosion sans précédent.
Des foules de personnes ont émergé des tentes, des ruelles, des maisons détruites, dans un torrent humain affamé, attaquant les magasins d’alimentation, pénétrant dans les magasins fermés, certains attaquant les organisations humanitaires qui gardent des stocks d’urgence, et d’autres entrant dans les boulangeries qui cachaient des restes de farine pour les jours sombres qui allaient suivre. Même les simples étals de légumes n’ont pas été épargnés et ont été vidés à ras bord.
Ce n’est pas un vol, ce n’est pas un chaos aléatoire, c’est la révolution des affamés, lorsque le pain devient un droit à prendre par la force, et non un cadeau à attendre.
Lorsque le système humanitaire s’effondre, que les institutions internationales trahissent leurs engagements et que les gens n’ont plus que leurs corps maigres et leurs voix étranglées, la tranquillité s’effondre et une révolution éclate que seuls les pains peuvent faire taire.
Étrangement, cette scène ne nous a pas surpris, nous qui avons écrit, crié et lancé des appels depuis les premiers mois du siège, nous avons mis en garde contre la famine, nous avons dit que Gaza était poussée vers la catastrophe, mais le monde était et reste sourd à chaque appel, comme si Gaza n’existait pas sur cette planète. C’est comme si nous étions destinés à mourir encore et encore, sans que notre sang n’émeuve la conscience.
Aujourd’hui, dans certaines régions, les rues sont dépourvues de tout ce qui peut être mangé. Des mères cherchent dans les ordures de quoi faire taire les cris de leurs enfants, des jeunes attendent un travail qui n’existe pas, des personnes âgées sont assises sur le bord de la route et regardent l’horizon enfumé, et les gens, tous les gens, savent que la mort par la faim est plus dure que n’importe quel obus.
Gaza est aujourd’hui au bord de la famine totale, sans eau, sans nourriture, sans médicaments, sans institutions viables. L’aide n’arrive pas, les besoins se multiplient, les mères sont obligées de moudre les restes de lentilles ou de maïs pour faire un semblant de pain, et les enfants mangent de petites bouchées avant de s’endormir à nouveau affamés.
Face à cette catastrophe, notre cri reste le même :
Ouvrez les points de passage…
Apportez de la nourriture…
Levez le siège des corps affamés avant que l’ensemble de Gaza ne se transforme en un cimetière de la faim.
Mais si le monde n’entend pas aujourd’hui, il n’entendra pas demain.
Et si la faim n’a pas de voix, alors la révolution des affamés fera en sorte qu’elle soit entendue….
Car lorsque les affamés explosent, ils ne demandent rien d’autre que la vie… juste la vie
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