Mission accomplie – Exit le projet Oxylane, place aux terres agricoles !

2 novembre 2021
Photo tirée de la page Facebook "Collectif Oxygene: Non au projet Oxylane à St Clément de Rivière - 34" Image d'illustration

Suite à la victoire sur le projet de Décathlon à Saint-Clément-de-Rivière – lire notre article -, Le Poing relaie ce texte en forme de bilan, qui émane du collectif d’opposition Oxygène.

Mission accomplie ! Le Collectif Oxygène ne boude pas son plaisir de voir aboutir la lutte qu’il mène depuis 7 ans contre l’implantation de la zone dite « ludo »-commerciale Oxylane Saint-Clément-de-Rivière, au nord de Montpellier. Cette lutte contre l’artificialisation de 24 hectares de terre agricole en zone périurbaine s’inscrit dans la problématique plus générale du rejet des projets inutiles.

Mission accomplie : c’est vrai et le Collectif Oxygène ne boude pas son plaisir de voir enfin aboutir la lutte qu’il mène depuis 7 ans contre l’implantation de la zone dite « ludo »-commerciale Oxylane lancée par Décathlon  sur la commune de Saint-Clément-de-Rivière, située dans la Communauté de Communes du Grand Pic Saint Loup, à la limite nord de  la Métropole de Montpellier.

Cette lutte contre l’artificialisation de 24ha de terre agricole en zone périurbaine, s’inscrit dans la problématique plus générale qui concerne le rejet des projets inutiles, destructeurs de la biodiversité et des terres agricoles. Il s’agit d’une victoire significative contre une grande enseigne ayant des ambitions immobilières soutenues : Décathlon, faisant partie de la galaxie Mulliez (qui rassemble près de 50 enseignes, dont Auchan, Leroy-Merlin, Boulanger, Midas, Norauto, Phildar, Saint-Maclou, etc etc. Selon Challenges, la famille Mulliez est en 2020 la quatrième fortune de France, à la tête d’environ 23 milliards d’euros). Ce n’est pas si fréquent, et donne a posteriori une crédibilité et une légitimité accrues à ce combat, qui s’est déployé dans trois directions complémentaires pour aboutir au résultat positif qu’on connaît :

1- Les moyens juridiques. Grâce à une souscription très bien suivie, le Collectif de 15 associations environnementalistes et citoyennes a pu récolter suffisamment de dons pour faire face aux frais de justice.  La forte motivation à mener le combat sur le plan juridique a permis aux non spécialistes de surmonter les difficultés inhérentes à la connaissance et à la compréhension fine des textes de loi et des règlements, jusqu’à la rédaction de mémoires parfois très techniques en relation avec le travail des avocats et des conseillers juridiques. Et le réseau juridique de FNE nous a donné de fréquents coups de main . Même si ces efforts n’ont pas réussi jusqu’ici à gagner la partie et même s’il en reste encore un en instruction, ils n’en ont pas moins permis de construire une argumentation plus fine et des explications plus fouillées à partager avec les citoyennes et les citoyens en quête d’informations sur les enjeux de la lutte.

2 – L’information et la mobilisation citoyenne. Elles ont joué un rôle essentiel, particulièrement sensible lors d’ évènements largement médiatisés que beaucoup gardent en mémoire : Terrathlon ! Semailles paysannes , Butte de permaculture , manifestation virtuelle (1500 signatures locales en 3 jours) et bien d’autres, qui tous ont martelé le message sans ambiguïté : « Des Terres, pas d’Hypers !», du nom de la Fédération Nationale à laquelle nous adhérons

Nos pétitions ont aussi contribué à faire connaître cette lutte (3600 signatures). La lettre ouverte que nous avons envoyée à Décathlon a permis un élargissement de la mobilisation : cet appel à signature a été entendu par plus de 5 800  personnes parmi lesquelles des personnalités reconnues du monde scientifique, académique, artistique, ainsi que des représentants du monde agricole, des associations citoyennes et environnementales, et de nombreux.ses citoyen.ne.s. On a pu voir ainsi se dessiner un espace commun de valeurs fondamentales et partagées, allant au-delà des questions relatives au seul projet local Oxylane. De très nombreuses signatures étaient accompagnées  de commentaires : au-delà de l’adhésion à différents points abordés dans la lettre elle-même (artificialisation des sols, destruction de terres agricoles, perte de biodiversité, atteinte aux paysages), ils faisaient apparaître une remise en question plus générale du modèle de croissance et de la consommation induite par cette offre surabondante.

3- L’action auprès des élu-e-s. Plusieurs étaient déjà convaincus et nous ont soutenu dès le début, mais le Collectif s’était aussi donné comme tâche de faire changer le regard de celles et ceux qui étaient partisans du projet, élus locaux concernés par cette implantation, voire fortement impliqués dans les décisions. Ce travail, moins visible du public, a consisté à les contacter, les rencontrer et échanger avec elles et eux, pour à chaque fois, tenter de leur montrer qu’il s’agissait d’un projet d’un autre âge, déguisé sous des allures trompeuses. En effet, de ludique, il ne restait rien : le «paradis des sportifs » vendu aux élus dans les années 2010-2012 s’était révélé un banal centre commercial, sans aucun espace de loisir, puisque même l’accrobranche prévu était compromis par le caractère classé du bois central. Quant aux promesses de création d’emplois, c’était un miroir aux alouettes. Nous montrions par contre, que le projet détruirait l’harmonie et la beauté d’un paysage emblématique de la sortie nord de Montpellier, une biodiversité riche irremplaçable, un potentiel agricole remarquable – comme en témoignait une étude pédologique et le classement en zone à fort potentiel agronomique selon les données même du Ministère de l’Agriculture et les études du Département de l’Hérault, et comme le signalaient avec force les paysans notamment ceux de la Confédération Paysanne.

Au delà de ces trois directions, pour libérer notre imaginaire et répondre à celles et ceux qui nous demandaient de préciser l’avenir qu’on souhaitait pour ce terrain, supposant résolu le problème de l’accès au foncier, nous avons commencé à élaborer un projet alternatif en agrobiologie. Le but était de préciser nos propositions et d’y intéresser les élus. La question du foncier ayant beaucoup évolué avec le classement en zone agricole du terrain, ce projet agricole va pouvoir être poursuivi, d’autant que la Confédération Paysanne envisage très sérieusement de s’y impliquer.

Lequel de ces axes a-t-il été le plus porteur pour la défense de notre cause ? Laquelle de ces différentes facettes de la lutte a-t-elle été la plus pertinente ? Il serait bien hasardeux de se prononcer. S’il y a des leçons à tirer de cet exemple d’engagement militant, c’est qu’en dehors de la ténacité voire de l’acharnement des militant-e-s du Collectif et du travail passionnant mais parfois difficile qu’elles et ils ont mené, il n’y a pas de modèle type à livrer « clé en mains ». Au cours de ces 7 années, notre connaissance du contexte s’est approfondie, ce qui a joué un rôle essentiel pour nous permettre de repérer les tensions, les rapports de force, les zones de flou à éclaircir.  La connaissance du dossier, la conviction que notre cause était juste, la variété de nos actions, et  un zeste d’humour, voilà ce qui  nous semble avoir constitué nos points forts. Sans oublier qu’au-delà de la cause qu’il défend, un Collectif vit aussi de discussions, de réflexions, de liens d’estime, d’amitiés qui le traversent, s’y renforcent ou s’y créent, et cette expérience humaine en vaut aussi largement la peine.

L’annonce par la maire de la commune de Saint-Clément de Rivière du reclassement du terrain en zone agricole dans le PLU, aussitôt suivie de celle du retrait du projet Oxylane par Décathlon, ont résonné comme un coup de tonnerre dans la soirée du jeudi 21 octobre, au sortir du Conseil Municipal. Alors serait-ce, comme dans le dénouement d’une comédie, le grand moment de réconciliation finale, à la « Embrasons-nous, Folleville1 »? Il faut rappeler que ces décisions ne sont pas arrivées par miracle ! La mise en récit par certain.e.s qui, hier encore, défendaient le projet Oxylane, pourraient faire croire qu’elles auraient été simplement portées par l’air du temps, par l’évolution des mentalités … S’il est naturel que chacun veuille sortir la tête haute de cette affaire, personne n’est vraiment dupe : on sait bien qu’ il a fallu ferrailler dur pour en arriver là, et ne pas perdre de vue l’objectif fixé au départ : « Non au projet Oxylane, Oui aux terres agricoles » ! Si nos arguments ont fini par percer dans les sphères des décideurs, avec peut-être aussi en fond une certaine crainte de voir notre lutte se radicaliser comme c’est le cas ailleurs et pas si loin, le tournant décisif est venu de la réserve forte émise par le Commissaire enquêteur, exigeant  le retrait du projet Oxylane du nouveau PLU, et le reclassement des terres en zone agricole. Cet avis a tendu une perche, encore fallait-il que la commune s’en saisisse. C’est heureusement ce qui s’est passé, et concomitamment le responsable régional de Décathlon annonçait : « Dans une démarche de créer des projets avec et pour les habitants, élus, entreprises, associations, … et non contre, DECATHLON a décidé de ne pas poursuivre ce projet », mais il annonçait déjà être à la recherche, avec l’aide de la mairie, d’ un lieu d’implantation pour un magasin Décathlon, de taille raisonnable dans un « lieu adéquat » (entendre : sans artificialiser de nouvelles terres, ce qui, de toutes façons, serait contraire à la loi  « climat et résilience » du 22 août 2021, notamment son article 215).

Pour conclure, il faut se rappeler qu’il a fallu tenir sur la durée sans se décourager, choisir les moyens qui nous semblaient les plus adaptés , tout en restant fidèles à nos valeurs. Ce qui, dans notre cas, a permis de créer vis à vis de notre lutte un rapport de confiance qui a finalement permis de décourager les plus âpres défenseurs du projet Oxylane. Il est donc possible de gagner une lutte en agissant sur tous les leviers qui se présentent, tout en restant dans la légalité. Mais n’en tirons pas de conclusion trop hâtive. Ce qui s’est avéré possible ici peut ne pas l’être ailleurs. Les luttes peuvent prendre des chemins différents, devenir plus radicales, avec parfois la création d’une ZAD lorsque la situation est sans autre issue.

Même modeste, nous assumons pleinement cette victoire avec ces 24ha de terres sauvées de l’artificialisation. L’abandon d’Oxylane ne signe pas pour autant l’arrêt de tous les projets de ce type, qui aurait la naïveté de le croire ? Mais nous souhaitons que cette victoire soit un ballon d’oxygène, qui libère des énergies pour toutes les luttes contre la bétonisation destructrice.

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