Victoire totale sur Decathlon, grosse colère contre le L.I.E.N., quelques espoirs sur Amazon

Le Poing Publié le 22 octobre 2021 à 15:21 (mis à jour le 22 octobre 2021 à 15:26)
Crédit photo : Extinction Rébellion Montpellier

Collision d’actualités ce jeudi pour les résistances écologiques de terrain. Les batailles juridiques peuvent être utiles, mais ne sauraient suppléer à la mobilisation active

Ça n’est pas tous les jours que la publication d’un communiqué de presse est annoncée pour très tard dans la soirée. Annoncée, et très attendue. Ça n’est pas tous les jours non plus que des activistes de terrain peuvent se réjouir d’une victoire totale après des années de lutte. Ce communiqué publié jeudi 21 octobre aux alentours de 23 heures était celui du Collectif Oxygène. Un collectif militant, constitué voici sept ans pour empêcher le projet Oxylane.

Ce projet prévoyait l’implantation d’un magasin Decathlon, et autres enseignes satellites, sur 28.000 mètres carrés de terres agricoles, au bord de la route de Saint-Clément-la-Rivière, à la sortie de Montpellier côté Ganges. Une zone déjà ravagée par un capharnaüm de grandes surfaces et autre immobilier entrepreneurial : la monstruosité du modèle capitaliste destructeur du vivant.

Ce communiqué dans la nuit de jeudi officialisait une décision passablement éventée : soit l’adoption par le conseil municipal de Saint-Clément-la-Rivière, délibérant ce même soir, d’un Plan local d’urbanisme qui classe en terres agricoles l’emprise du projet Oxylane. Cela en suivant les recommandations fermes du rapport du commissaire enquêteur à ce propos. Mais cela en contradiction avec le permis de construire pourtant accordé par cette même commune en 2014 pour permettre la construction du centre commercial.

La bonne nouvelle de ce revirement s’est doublée d’une autre, jusque là moins sûre, également dans cette journée de jeudi 21 octobre : Decathlon renonce purement et simplement à son projet (alors que son permis de construire restait tout à fait valide). La victoire des opposants est donc pleinement politique. D’ailleurs tous leurs recours en justice depuis sept ans avaient été tranchés en leur défaveur (à une exception près). L’intérêt de ce volet légaliste a été d’allonger les délais freinant la mise en œuvre du chantier ; et d’exploiter toute cette durée pour multiplier les actions militantes, voire finir par décourager l’adversaire.

Dans Midi Libre ce vendredi, Lionel Le Marquand, directeur régional de l’équipementier sportif pointait les délais écoulés depuis 2014, comme ceux d’ « un changement d’époque ». A son côté, Laurence Cristol, maire de Saint-Clément, pointe « le changement climatique, la montée de la conscience écologique ». Un bémol s’impose aussitôt : Decathlon réaffirme son besoin d’implantation d’un magasin dans le nord de Montpellier.

La marchandisation du monde, le règne absolu de la consommation, causes de la croissance écocide, continuent de constituer son tableau de bord. Sur cet enjeu de fond, la lutte n’est pas près de cesser. L’élue de cette commune très bourgeoise, toujours alliée du groupe commercial, évoque déjà une solution de rechange : l’implantation dans les locaux déjà existants, à reconvertir.  

Tout près de feu le projet Oxylane, un autre dossier brûlant s’est rappelé à l’actualité, par voie de communiqué, également ce jeudi 21 octobre. C’est celui du L.I.E.N., barreau de liaison autoroutière sur sept kilomètres ravageant les garrigues de Grabels et Combaillaux, entre la déviation actuelle de Saint-Gély-du-Fesc et le carrefour de Bel-Air sur l’autoroute qui descend de Lodève. Là encore, la lutte peut prendre les apparences de manœuvres administratives et judiciaires. Sur ce terrain, le collectif Oulala, qui dénonce ce projet écocide, tape du poing sur la table.

Le conseil départemental a annoncé le lancement du chantier début novembre et a déjà positionné les algecos et les engins correspondants. C’est « un passage en force » dénoncent les militants, mettant en avant l’argument de l’illégalité pure et simple. En effet, le 9 juillet dernier, le Conseil d’État constatait que la procédure de Déclaration d’utilité publique était viciée, de sorte qu’il demandait à une instance pleinement indépendante, la Mission régionale d’Autorité environnementale, d’évaluer la qualité de l’étude d’impact qui sous-tendait cette D.U.P..

L’avis rendu depuis lors par cette Mission indépendante est très sévère dans sa critique de la validité de l’étude existante, pour quantité de défauts et lacunes méthodologiques. « Désormais le Conseil d’Etat doit dire si cet avis appelle la réalisation d’une nouvelle enquête publique, ce qui semble inévitable » expose SOS Oulala. Mais au même moment le Conseil départemental explique qu’il va lui suffire de procéder à  un petit toilettage pour réactualiser les études, et claironne sa décision de démarrer les travaux.

Le maire de Grabels a déjà exprimé son incompréhension face à pareilles méthodes. Quant aux opposants de terrain, ils relèvent que cette tentative de passage en force sans attendre la décision du Conseil d’État « remet en question l’état de  droit en ignorant la procédure en cours. Elle ne respecte pas le droit du public à la participation et à donner son avis (puisqu’une nouvelle enquête modifierait les données pour apprécier le projet, NDLR) ». Enfin, cette attitude «  fait peser sur le département et le contribuable un énorme risque financier ». Et de citer un dossier analogue en Dordogne, où « 40 millions d’argent public ont été dépensés pour rien » dans un chantier dont le Conseil d’État a prononcé après coup une obligation de démolir.

D’où la demande de SOS Oulala, que le département de l’Hérault suspende les travaux « dans l’attente de la décision définitive du Conseil d’Etat ». Non sans avertir : « Cela ne peut se passer diiféremment dans un Etat de droit ».

De droit toujours – notion à géométrie variable, comme on le voit – il était question ce même jeudi 21 octobre, à Nîmes. Dans le chef-lieu du Gard, c’est le Tribunal administratif qui se penchait sur le projet d’implantation du méga centre de tri Amazon (bâtiment de 38 000 mètres carrés pour 14 mètres de hauteur), à Fournès, guère loin du Pont du Gard. Un projet dont les échos mobilisateurs touchent jusqu’à Montpellier, et bien au-delà.

Devant cette juridiction, on scrute l’avis exprimé par le rapporteur du gouvernement – c’est l’intitulé officiel. En effet les conclusions de celui-ci sont le plus souvent celles qu’adopte ensuite le tribunal (qui rendra sa décision publique le 9 novembre). Les opposants à la multinationale américaine sont sortis de l’audience en proie à un sentiment mitigé. D’un côté le rapporteur a conclu à la nécessité d’annuler l’autorisation environnementale accordée par la Préfète du Gard. Voilà qui soulève pas mal d’espoir.

En revanche, il y avait de quoi être surpris que les recours portant sur la validité du permis de construire aient été rejetés. En effet, dans un autre cadre judiciaire, le parquet de Nîmes a carrément déclenché une instruction portant sur des prises illégales d’intérêt dans ce projet : nombre d’élus de la commune étaient eux-mêmes les propriétaires des terrains vendus à Amazon pour implanter son dépôt géant, auquel ils accordaient généreusement un permis de construire.

C’est bien assez pour rappeller qu’à Fournès dans le Gard, ou sur le chantier du L.I.E.N. à Montpellier, il serait prudent de ne faire que modérément confiance aux arguties judiciaires, et  urgemment nécessaire de retrouver en manifestation sur le terrain, ces milliers de (souvent jeunes) citoyens, fans de Greta, prompts, en d’autres occasions, à noircir la Comédie pour défendre la planète.

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