De mal en P.I.A.L. pour les élèves les plus fragiles : leurs accompagnateur.ices en grève et en manif à Montpellier

Le Poing Publié le 19 octobre 2021 à 16:59

Les assistant.es de vie scolaire dénoncent une organisation toujours plus gestionnaire et moins humaine de leur travail auprès des petits.

Blague à part, ça dit quelque chose qu’il faille se munir d’un lexique d’acronymes et de codes administratifs pour parler avec des agents de l’Education nationale. Ce mardi à midi sur la place de la Comédie à Montpellier, on pensait rencontrer des Auxiliaires de vie scolaire, des A.V.S. comme on disait : c’est à dire des femmes le plus souvent, chargées d’accompagner de manière individuelle les enfants en situation de handicap, scolarisés dans des établissements non spécialisés. Cela dans un souci d’inclusion, pour éviter que ces enfants soient tenus à l’écart de la société, et en leur apportant une aide personnalisée spécifique. 

Alors les A.V.S. ont changé de nom. Il faut dire dorénavant A.E.S.H., comme Accompagnants d’élèves en situation de handicap. Et tout à trac, ces A.E.S.H. vous parlent des P.I.A.L., comme une grave cause de soucis depuis leur mise en place à la rentrée. P.I.A.L, ou Pôle d’inclusion d’accompagnement localisé. La dénonciation de ces P.I.A.L. était le motif essentiel de la journée nationale revendicative de ce mardi ; dont le rassemblement montpelliérain (entre cent cinquante et deux cents personnes, où les bannières du syndicat Sud-Education paraissaient les plus nombreuses).

Comme leur nom le suggère, les P.I.A.L. mettent en réseau plusieurs établissements (par exemple un collège et les écoles primaires du même territoire scolaire). Des A.E.S.H. de Magalas (entre Béziers et Bédarieux) nous expliquent d’emblée que leur regroupement dans un P.I.A.L. entraîne une gestion plus éloignée du terrain, plus ignorante du cas par cas, avec un effet de dégradation du suivi. Une collège de Lunel s’exclame : « Depuis la rentrée, j’ai déjà connu six changements de mon emploi du temps et des élèves qui me sont confiés, en passant dans autant d’établissements différents ! ». Quel suivi éducatif, quelle qualité relationelle peuvent-ils ainsi s’instaurer ?

Pareille dégradation affecte des employés qui sont déjà parmi les moins bien lotis : « Nous sommes des agents de l’Education nationale, mais nous ne sommes pas des fonctionnaires. Nos contrats ne couvrent que trois ans. Nous sommes contraintes au temps partiel non choisi, rétribué au smic ». Les A.E.S.H. se Magalas s’exclament : « Des conditions pareilles, on les imaginerait même pas dans le privé ».

Revenons aux nouveaux P.I.A.L. à présent : « Auparavant chaque enfant était l’objet d’une notification individuelle, produite par la Maison départementale du handicap. Cette notification précisait le nombre d’heures d’accompagnement par une A.E.S.H. dont cet enfant allait bénéficier dans la semaine » expliquent nos interlocutrices de Magalas. Elles constatent que cette garantie n’est plus assurée sous le régime regroupé des PI.A.L., avec globalement une baisse de ce nombre d’heures attribué par enfant, mais aussi des regroupements, si bien qu’une même A.E.S.H. peut se trouver contrainte de suivre plusieurs élèves en même temps, en dépit de la spécificité du handicap de chacun : « Cela peut aller de l’autisme aux troubles de l’attention, de la dyslexie à la dysorthographie ».

Une A.E.S.H. oeuvrant aux Escholiers de La Mosson à Montpellier s’inquiète : « En n’ayant que six heures, pour deux enfants accompagnés en même temps, c’est à dire seulement trois heures chacun en fait, que fait le second pendant que je m’occupe du premier, alors que j’essaie de les suivre particulièrement dans quatre matières, le français, les mathématiques, l’histoire, l’anglais ? » Totale dégradation du suivi pédagogique.De surcroit, le regroupement de plusieurs enfants suivis ensemble revient à une logique de groupes d’enfants particuliers, à l’écart des classes où ils sont censé s’insérer, finalement en contradiction avec l’idéal d’inclusion que prétend poursuivre ce dispositif.

« Mon enfant bénéficiait de douze heures accompagnées. C’est tombé à six, sans la moindre explication. C’est violent quand même » s’étonne une maman qui a fait le déplacement jusque sur la Comédie, en solidarité avec les grévistes. Des positions solidaires, il y en a aussi chez des enseignants, de la Mosson une fois de plus, qui ont accompagné les A.E.S.H. dans le débrayage. Dans le rassemblement, on remarque encore des A.E.D., ces Assitants d’éducation, autres personnels ultra précarisés de l’Education nationale. Eux et elles avaient mené une lutte courageuse tout au long de l’année dernière, qui révéla leur statut incroyablement précaire, sans qu’i.elles aient été entendu.es le moins du monde.

Et du côté de Magalas, on nous avertit : « Nous n’existons pas. Mais il ne faut pas s’y tromper. Tout ce qui dégrade nos statuts dégrade la qualité de notre mission, les moyens qu’on y accorde. Et finalement, ce sont les élèves, et toute l’Education nationale qui en pâtissent. Dans certains cas, nous avons la sensation de friser la maltraitance ». La collègue de Lunel a confectionné une pancarte : « Mon métier est A.E.S.H. – Pas bouche-trou ».

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