Les élus vont-ils lancer en force le chantier du L.I.E.N. pourtant bloqué par les études ?

Le Poing Publié le 10 octobre 2021 à 15:12 (mis à jour le 11 octobre 2021 à 10:38)

Toute l’étude doit être reprise, sur les conséquences destructrices du nouvel axe routier du nord de Montpellier. Mais à Saint-Gély-du-Fesc, le chantier se met déjà en place. Et les opposants en action.

Une vingtaine d’algeco de chantier viennent d’être empilés à un jet de caillou du grand rond-point d’entrée de Saint-Gély-du-Fesc sur la route de Ganges. Des engins sont parqués guère loin. Des buttoirs de béton disséminés ici et là. De quoi tout cela est-il le signe ? De la transformation de ce simple giratoire en un échangeur comportant cinq ouvrages d’art, pour amorcer le déroulé sur le barreau manquant du L.I.E.N., sept kilomètres en direction du carrefour de Bel-air, à fond les garrigues, sur les communes de Grabels et Combaillaux. Parallèlement, l’actuel contournement de Saint-Gély serait porté à deux fois deux voies, façon autoroute.

L’enjeu est stratégique. C’est là que les opposants à ce projet de Liaison intercommunale d’évitement nord de Montpellier, ont marqué les trois coups des mobilisations de rentrée, ce matin du samedi 9 octobre. Retour aux choses sérieuses, après que les campagnes de presse aient insisté, en fin d’été, sur un incident fait-diversier, doublé d’humeurs de voisinage en marge de la ZAD, ou secoué l’arbre généalogique d’une simple militante ; cela alors que le Préfet Moutouh claque des bottes et du menton (son unique réponse à rebours de toutes les préoccupations de l’époque – violences faites aux femmes pourtant cause nationale, destruction des abris des plus démunis, rafles anti-migrants pendant que Macron fait risette à la jeunesse africaine, et autres restrictions du droit de manifester, sur des parcours que personne heureusement ne se soucie de respecter, jusqu’au ridicule).

A l’appel de SOS Oulala (la lutte anti-LIEN), et de l’arc des activistes du climat (Alternatiba-ANV, Extinction Rebellion, GreenPeace, France Nature Environnement) la cinquantaine de manifestants réunis étaient d’autant remontés qu’un autre élément récent serait de nature à les emplir d’espoir, au contraire. Aux mêmes dates, en effet, a été connu l’Avis rendu par la Mission régionale d’autorité environnementale. Il faut être précis à cet égard. Un peu d’histoire : en 2018, le Préfet de région, lui-même en position d’autorité environnementale (via ses services), signait la Déclaration d’Utilité Publique, valant feu vert pour ce chantier.

Oui mais voilà. Les recours alors interjetés par la commune de Grabels et l’Association des riverains a conduit le Conseil d’État à estimer que, le Préfet se trouvant donc juge et partie, une  nouvelle autorité réellement indépendante (la Mission régionale d’autorité environnementale) se prononce sur la validité des études qui avaient encouragé la Déclaration d’Utilité Publique de 2018. C’est cet avis qui vient d’être rendu. Les opposants au L.I.E.N. auraient pu en signer eux-mêmes plusieurs passages essentiels ! On va y revenir ci-dessous. Tout est à reprendre. Et le Conseil d’État doit d’abord se prononcer. Tout cela est supensif, impose de nouveaux délais avant lancement du chantier.

Au même moment, les algeco s’installent. Le Conseil départemental, ses élus, Kléber Mesquida en tête, Michaël Delafosse à son côté, veulent-ils passer en force ? Colère sur le terrain.

On ne peut détailler ici les vingt-six pages très serrées de l’avis rendu. Mais dans sa seule synthèse, on relèvera que dans l’étude initiale « les justifications de la plus-value spécifique [du nouveau tronçon]  apparaissent peu précises », que « les prévisions de trafic ne sont pas suffisamment complètes et étayées (hypothèses de trafic insuffisament définies, méthodologie non explicitée, données chiffrées manquantes ou non justifiées ». Etc. Plus stratégique, la Mission régionale d’autorité environnementale s’inquiète d’ « incertitudes sur les conséquences du projet en termes d’extension de la périurbanisation ».

Les élus n’ont de cesse d’expliquer que la liaison routière aurait des vertus quasi écologiques, ne répondant qu’au souci de détourner hors de la ville les circulations traversantes. Les opposants, regroupés dans SOS-Oulala ne cessent, au contraire de marteler, comme encore samedi sur le terrain, que cette infrastructure « sera forcément un cheval de troie pour l’extension de la métropole et l’étalement de l’urbanisation ». Dans l’avis rendu très officiellement, on s’étonne : le projet prétend « faciliter les liaisons entre l’A9 vers Nîmes d’un côté et l’A750 vers Lodève et Millau de l’autre côté », mais plus loin le département jure qu’il ne veut pas « que le LIEN devienne la liaison autoroutière entre A9 et A 750 » puisqu’il s’agirait juste de désenclaver les cantons nord.

Bonjour les contradictions ! La même étude d’origine se réjouissait des impacts attendus pour galvaniser l’activité sur les zones de Bel-Air, du Mijoulan, du pôle commercial Carrefour-Trifontaine (toujours plus d’urbanisation), tout en accordant qu’il faudrait éviter « un étalement urbain mal maîtrisé ». Certes. Mais l’actuel avis indépendant ne trouve pas quelles « actions ou décisions concertées permettront d’éviter que le LIEN devienne un facteur de développement urbain mal maîtrisé ».

La dénonciation du LIEN n’est donc pas une affaire de voisinage. L’UCL, Nous Sommes, des Insoumis, la Carmagnole étaient venus apporter leur soutien ce samedi. Tout cela dégageant une logique selon laquelle « arrêter une bonne fois le réchauffement climatique impose de trancher dans le cercle vicieux des dernières décennies où plus de circulation automobile se traduit par plus d’embouteillages, donc plus d’axes routiers, donc encore plus de circulation ». C’est toute une logique qui doit s’inverser pour « revitaliser les villages, repenser les chaînes d’alimentation, le travail, la vie sociale », pour en finir avec la course folle des mobilités quotidiennes infernales.

Aux élus, il a été rappelé que « bétonner des sols, griller des garrigues, artificialiser les surfaces, c’est encourager plus de production de CO2, et réduire les capacités d’absorption de CO2 ». Donc, au premier des élus métropolitains (le maire de Montpellier), que les projets Ode à la Mer, l’extension aéroportuaire, le nouveau stade, le contournement ouest, sont autant d’actes climaticides, relevant d’une organisation du monde totalement périmée.

Mais la voie politique reste à trouver, qui feraient que les milliers de manifestants pour le climat se saisissent des enjeux de terrain, comme autant de mobilisations nécessaires contre la marche au pire. Sortir de la seule conscience incantatoire, comme des bouffoneries électoralistes couleur verveine.

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