Montpellier : aux Arceaux, on tue des arbres pour le nouveau quartier

25 mars 2024
Tag en occitan : pro d'arbres tuats "assez d'arbres tués". DR

Un lecteur du Poing nous a envoyé cet article pour nous faire part de sa colère face à la gentrification du quartier des Arceaux. Nous partageons ici son récit

 

Ça y est, après avoir installé des caméras et rebétonné des rues, on vient de raser complètement un espace de verdure de 300m2 en bas des escaliers qui relient les Arceaux au Peyrou alors qu’on meurt de plus en plus de chaud en été et que la biodiversité disparait.
Pourquoi ? Pour agrandir un escalier …
En effet dans le nouveau projet de “quartier apaisé” aux Arceaux, il s’agit sous des faux airs de mieux vivre ensemble, d’augmentation des espaces piétons et de végétalisation, de rapprocher les Arceaux du centre ville (le maire le dit depuis sa fosse : “un cœur de ville qui s’étend désormais des Arceaux aux Rives du Lez”). Pour ce faire on agrandit donc l’escalier actuel où on installera aussi un kiosque avec terrasse de “restauration saisonnière”.

La population recherchée, touristes, petits et moins petits bourgeois, parisiens en manque de soleil … pourra ainsi, après avoir acheté un nouveau smartphone au polygone, une chemise à 300e avenue Foch puis traversé la photogénique promenade royale du Peyrou, continuer sa déambulation éstetico-commerciale vers le très mignon quartier des Arceaux et pourquoi pas projeter de s’y acquérir une belle maison refaite à neuf après les anciens occupants dégagés par l’augmentation du loyer.

Car ne nous y trompons pas, la remise en valeur du quartier aura pour effet un grand nettoyage social et les promoteurs immobiliers sont les premiers à s’en réjouir. Le prestige du quartier augmenté – les beaux tournages de la série “un si grand soleil” ayant bien préparé les esprits – adieu les prolos, les étudiants, les jeunes, les fauchés. Quand à la population cosmopolite qui traine joyeusement sous les Arceaux, elle fait bien trop tâche dans le paysage et on peut facilement s’imaginer une présence policière plus accrue dans les années à venir. Rappelons nous qu’en fin de l’année dernière était installés de nouveaux bancs tout le long de la place Max Rouquette : ceux-ci n’ont pas durés, probablement à cause de l’importante population de non-blancs qui s’y posaient.

Il y a par ailleurs, juste à côté du terrain rasé en question un terrain de basket. Des dizaines de jeunes de toutes les couleurs viennent s’y entrainer tous les jours. C’est un lieu important de socialisation dans le quartier. Les plans fournis par la mairie laissent penser que celui-ci pourrait être également rasé.

Mais revenons à nos arbres. La mairie prévoit de planter 130 nouveaux arbres et 6000m2 de “canopée”. On ne peut que se réjouir de la plante d’arbres, mais alors pourquoi commencer par raser les arbres déjà présents ? La stratégie du capitalisme vert prend souvent cette allure de farce : ce serait comme tuer des adultes pour ensuite faire des bébés. Combien faut-il d’années à des arbres pour grandir, se développer, faire de l’ombre, accueillir sa faune ? On peut parier que l’on restera bien quelques décennies avant d’avoir des arbres dignes de ce nom.

La place Max Rouquette est actuellement un parking. Ce serait évidemment agréable de le voir disparaître; tout comme les nombreuses voitures des rues adjacentes qui bloquent la place au vélos et piétons et avec toute la pollution que l’on connait. Mais il faut se poser cette question: où iront toutes ces voitures ? Sans réel changement systémique, notamment par rapport au trajet travail-maison, on continuera à en utiliser. Mais pas aux Arceaux : on construit pour elles un nouveau périphérique autour de Montpellier, le LIEN, ce sera 70 hectares de garrigue détruites … Ce qu’on enlève là se déplace là-bas. Pas de changement non plus pour les citées et quartiers populaires qui entourent le centre.

L’écologie ? Oui, mais pour ceux qui peuvent se la payer.

La récupération de la mémoire de Max Rouquette

“Verd Paradis” : c’est le nom donné au projet de la nouvelle place Max Rouquette, ainsi qu’au kiosque qu’elle accueillera, tiré directement du titre de l’ouvrage majeur de Rouquette (dont l’orthographe correcte est d’ailleurs “Verd Paradís”).

Anciennement “place des Arceaux”, la place devint “place Max Rouquette” en 2006 en hommage à l’auteur montpellierain après sa mort. Max Rouquette était un poète occitan et occitaniste, dont l’oeuvre est marquée par une certaine sensibilité écologique et “libertaire”. Il contribua à la vie du quartier notamment en y organisant des tournois de jeu au tambourin. On peut douter que ce nouvel “hommage”, bâti sur le cadavre d’arbres et d’un terrain de sport, pour le profit d’une population homogène parisianifiée eu réellement plu au poète occitan.

La dynamique que nous venons de décrire ici ne se limite pas au seul quartier des Arceaux. Tout les faubourgs, notamment à travers le label de “quartiers apaisés” sont sont le crible de ces attaques anti-écologiques et antisociales. Dans la mondialisation actuelle, ce sont toutes les villes du monde qui tendent à adopter cette attitude d’embourgeoisement à façade écologique. Alors à nous de faire quelque chose pour arrêter le train en route.

Les Arceaux avant l’abattage des arbres.

 

Les arceaux après l’abattage des arbres. (DR)

 

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