Témoignages de Gazaouis : la survie s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 75 / 9 mai

11 mai 2024
Photo envoyée par Abu Amir à Brigitte Challande

Brigitte Challande, journaliste montpelliéraine, recueille régulièrement depuis le début de l’attaque de l’armée israélienne des témoignages de civil.es palestinien.nes, également publiés sur les sites de l’International Solidarity Mouvement (ISM) et d’Altermidi. Les récits envoyés quotidiennement à Brigitte Challande par Abu Amir et Marsel prennent leur source dans une observation documentée à la fois sur le terrain et à partir de différentes déclarations officielles ou médiatiques.

 

Brigitte Challande, 10 mai 2024. Le 9 mai au soir, Abu Amir partage avec nous des analyses qu’il trouve pertinentes et à l’écriture desquelles il a d’ailleurs largement participé, regroupées sous un titre plus qu’éloquent…

« Exacerber la catastrophe humanitaire

Le terminal de Rafah représente le principal débouché des habitants de la bande de Gaza vers le monde extérieur et le seul qui ne soit pas contrôlé par Israël. C’était également le principal port d’entrée de l’aide depuis le début de la guerre, avant que le passage de Kerem Shalom n’entre récemment dans l’approvisionnement de l’aide.

Hier mercredi, Israël a annoncé l’ouverture du passage de Kerem Shalom pour l’entrée de l’aide à Gaza, mais étant donné le contrôle israélien sur tout ce qui passe par Kerem Shalom, les organisations humanitaires se plaignent que les conditions de sécurité ne soient plus réunies, ce qui entrave l’entrée de l’aide.

Enas Hamdan, directeur par intérim du bureau de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) à Gaza, a déclaré que la fermeture des deux principaux points de passage pour l’acheminement des fournitures vers Gaza, en raison de l’intensification des opérations militaires à l’est de Rafah, « entrave l’opération humanitaire et coupe la bouée de sauvetage des populations ».

Hamdan a souligné que « la situation laisse présager une catastrophe humanitaire plus grande que celle qui existe déjà », notant qu’il n’y a pas de plans clairs pour l’UNRWA pour faire face à cette situation. L’Office de secours a averti que ses opérations et ses responsabilités humanitaires dans ce secteur, où vivent environ 2,3 millions de personnes, sont sur le point de s’effondrer.

Hamdan a confirmé que la Fondation des Nations Unies continuerait à distribuer l’aide dans ses entrepôts, mais elle a exprimé ses craintes que cette fermeture se poursuive pendant une longue période et que les approvisionnements diminuent.

Les Nations Unies ont déclaré mardi que leur stock de carburant à Gaza n’était suffisant que pour une journée seulement après que les forces israéliennes ont fermé le poste frontière de Rafah avec l’Égypte côté palestinien, après en avoir pris le contrôle.

La région de Rafah est le théâtre d’intenses attaques israéliennes depuis lundi dernier, et Israël a ordonné aux habitants des zones orientales de Rafah d’évacuer de force et de se diriger vers la région de Mawasi à Khan Yunis et le centre de la bande de Gaza dans le cadre de ce qu’Israël a décrit comme une opération militaire limitée.

Le contrôle de l’armée d’occupation sur le côté palestinien du passage de Rafah et la poursuite de ses opérations militaires malgré l’annonce par le mouvement Hamas de son approbation de la proposition de cessez-le-feu égyptien, confirment que l’occupation insiste pour poursuivre sa guerre d’extermination contre les civils, la population de la bande de Gaza.

Cela laisse présager une nouvelle catastrophe humanitaire contre le peuple palestinien. Il s’agit d’une violation flagrante du droit humanitaire international et un défi évident à la volonté de la communauté internationale.

Une migration inverse du sud vers le centre de la bande de Gaza a entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes qui sont arrivées dans les régions de Khan Yunis, Deir al-Balah et Nuseirat dans des circonstances extrêmement tragiques. Avec la hausse insensée des prix du carburant, ils atteignent désormais 40 shekels par litre de diesel, ce qui équivaut à 10 euros le litre, et 120 shekels par litre d’essence, ce qui équivaut à 30 euros le litre. Cela a entraîné une augmentation du prix du transport, le prix d’un véhicule semi-transport de Rafah à Nuseirat oscille entre 200 et 300 euros pour une distance d’environ 25 kilomètres. Qui parmi les déplacés dispose de ce montant après 216 jours de déplacement ? »

Nous avons également reçu un récit-appel de Madleen, femme pêcheur déjà évoquée dans les chroniques précédentes.

Madleen, première femme pêcheure de Gaza, qui organisait autour d’elle à Rafah, là où de nombreux pêcheurs étaient réfugiés, la survie solidaire, alerte sur le déplacement forcé des personnes réfugiées à Rafah.

« Nous allons bien. Nous avons quitté Rafah avant-hier matin, de 8 heures à 18 heures, et nous sommes assis comme dans une prison, trimballant nos bagages. Nous avons cherché un endroit libre pour nous installer au milieu de la bande de Gaza, qui est pleine de tentes. Il est très difficile de trouver des endroits vides. Enfin, nous avons pu trouver un terrain dans un camp à Deir al-Balah. Jusqu’à présent, nous essayons de monter des tentes, d’arranger les choses et de nous adapter à l’endroit, car nous sommes tombés malades et les enfants sont tombés malades. Nous avons beaucoup souffert, mais maintenant, à Deir al-Balah, nous entendons le bruit des bombardements et de l’artillerie. Nous ne savons pas où aller. Nous sommes une dizaine de familles. Nous avons été déplacés du camp où nous nous trouvions, et le reste des familles a migré vers d’autres endroits, mais personne n’est resté dans le camp de Rafah.
Urgent : Ce qui se passe actuellement à Rafah, c’est que des chars bombardent au hasard des bâtiments dans le centre de la ville.

Les gens ont quitté leurs maisons et tout le monde dort dans les rues par peur des obus.

C’est un état de terreur, de panique et de déplacement. La situation est difficile et désastreuse, et j’ai l’impression que personne ne s’en préoccupe.

Je suis ici, mes amis, à Deir al-Balah, mais ce n’est pas une place sûre. Nous entendons les bombardements en permanence. Nous entendons le bruit des tanks à la frontière. Nous n’avons pas trouvé d’endroit stable. Il n’y a pas d’endroit libre. Les personnes déplacées sont partout. Je suis dans un camp qui contient 300 tentes, et nous avons du mal à nous procurer de l’eau. »

 

 

 

Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel sur les sites d’Altermidi et de l’ISM.

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se concacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’Union des Juifs Français pour la Paix (UJFP) en France.

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