Témoignages de Gazaouis : la survie s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 92 / 2 juin
3 juin 2024Brigitte Challande, journaliste montpelliéraine, recueille régulièrement depuis le début de l’attaque de l’armée israélienne des témoignages de civil.es palestinien.nes, également publiés sur les sites de l’International Solidarity Mouvement (ISM) et d’Altermidi. Les récits envoyés quotidiennement à Brigitte Challande par Abu Amir et Marsel prennent leur source dans une observation documentée à la fois sur le terrain et à partir de différentes déclarations officielles ou médiatiques.
Brigitte Challande, 3 juin 2024. Lors de la chronique du 21 mai/partie 85-2, nous écrivions déjà que l’équipe d’Abu Amir soutenait le travail de Madleen auprès des familles de pêcheurs déplacés.
Ce dimanche, nous recevons le compte rendu d’activité concernant l’organisation de ce travail supplémentaire.
« Le monde des pêcheurs est un monde étrange. Malgré l’injustice à laquelle ils sont exposés, les pêcheurs sont inébranlables. Vous le voyez bien sur leurs visages et vous avez l’impression de les connaître depuis des années. L’occupant n’a pas réussi à les vaincre au fil des ans, mais le besoin les a vaincus et les a brisés. “Oui, nous avons pleuré pendant cette guerre. Nous avons pleuré comme pleurent les femmes. Lorsque nous voyons nos enfants affamés et que nous ne pouvons pas les nourrir, la mort nous semble plus honorable que la vie”. C’est ce qu’a dit un pêcheur aujourd’hui lors de la distribution d’aide organisée par nos équipes en partenariat avec Madleen Kulab, qui a travaillé à l’organisation de cette initiative parce qu’elle croyait au droit des pêcheurs d’obtenir de l’aide.
Madleen nous a expliqué les conditions difficiles que les pêcheurs traversent dans la bande de Gaza, en particulier après les déplacements répétés, dont le plus récent s’est produit avec l’invasion de Rafah et le déplacement de centaines de milliers de citoyens vers la zone de Mawasi Khan Yunis et la région centrale. L’un des pêcheurs assis à côté de nous a déclaré : “Le fait de se déplacer d’une zone à l’autre nous épuise et épuise nos ressources, qui sont déjà faibles, surtout en période de guerre. Nous, la catégorie des pêcheurs, n’avons pas de revenus fixes. Nous vivons au jour le jour. Si nous pêchons, nous mangeons et nourrissons nos enfants, et si nous ne pêchons pas, nous sommes obligés de nous endetter pour nourrir nos enfants. Nous vivons une réalité amère depuis de nombreuses années, et il semble que la pauvreté éprouve trop de difficultés à nous quitter”.
Madleen nous dit que les pêcheurs n’ont pas reçu d’aide suffisante pendant la guerre, et que leur situation s’aggrave parce qu’ils ont cessé de travailler à cause de la guerre.
Aujourd’hui, nous avons distribué 70 paniers de légumes aux familles de pêcheurs, qui étaient heureuses de recevoir cette aide. Cependant, plus de 120 pêcheurs étaient présents sur le site, réclamant l’égalité dans la distribution, comme leurs collègues.
Après avoir vu tant de pêcheurs, Madleen m’a regardé et m’a dit : “Si ces pêcheurs n’avaient pas besoin d’aide, ils ne seraient pas venus ici. J’espère donc que vous transmettrez ce message à votre organisation : les pêcheurs ont plus que jamais besoin d’aide.”
Madleen propose de continuer à aider les pêcheurs et à leur fournir des paniers de légumes, et les pêcheurs appellent également l’ UJFP à ne pas les abandonner en ces temps difficiles ; c’est ce qu’a dit Abu Al-Abd, l’un des pêcheurs les plus âgés qui était présent sur place. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel sur les sites d’Altermidi et de l’ISM.
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se concacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’Union des Juifs Français pour la Paix (UJFP) en France.
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