Bilan sanitaire, nécessité de travailler plus, soutien à la police : l’enfumage du discours de Macron

Le Poing Publié le 15 juin 2020 à 22:06

Mauvaise foi chronique quant à la gestion du pic de l’épidémie de Covid-19, soutien réaffirmé aux forces dîtes de l’ordre, injonction à « travailler plus pour produire plus », ambiguïtés quant à l’interdiction de rassemblement : une fois de plus, le discours prononcé par Emmanuel Macron ce dimanche 14 juin tient de l’enfumage généralisé ! Petit décryptage avec Le Poing.

Une gestion humaniste de la crise sanitaire ?

Le chef de l’État, vingt minutes durant envoie des fleurs à son gouvernement, et à l’appareil d’État, pour sa gestion de la crise sanitaire. Au premier rang des fiertés du personnage : des décisions, prétendues humanistes, ayant eu pour conséquence « d’épargner des dizaines de milliers de vies » dans le pays !  

« Nous avons fait le choix humaniste de placer la santé au-dessus de l’économie », se tance Macron ! Exit les injonctions répétées du ministre de l’Économie Bruno Le Maire à ne pas exercer son droit de retrait, dès le 19 mars !

Autre point d’une hypocrisie discursive folle, l’affirmation selon laquelle « l’ensemble des malades a pu être pris en charge » ! A propos du refus des patients venus d’Ehpad dans les zones où les hôpitaux ont été saturés par l’afflux de patients, Laurent Valdiguié, journaliste chez Marianne et auteur d’une enquête fournie sur le sujet, déclare pourtant à la mi-mai : « Le grand secret, c’est que par moment on a dit aux Ehpad, ‘on ne prend pas vos patients, gardez-les en chambre’. C’est qu’on n’avait plus la place, le système était saturé. Des gens sont morts dans l’indifférence générale dans leur chambre dans les Ehpad, où l’on avait plus de masques »

 Pas un mot non plus sur le scandale de la pénurie de masques ! C’est que l’exécutif, à l’avant- veille d’une journée nationale d’action des soignants le 16 juin,  a tout intérêt à masquer sa responsabilité dans la destruction du service public hospitalier, avec toutes les conséquences dramatiques qui en ont découlé ces derniers mois…

« Les forces de l’ordre méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la nation »

Quant aux protestations qui  se répètent ces dernières semaines contre les violences et le racisme de la police française, sous un discours qui se veut aux allures vaguement républicaines, en insistant sur l’importance de l’égalité des chances, Macron déclare en fait une franche hostilité à ces manifestations ! « Les forces de l’ordre méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la nation », « ce combat est inacceptable lorsqu’il est récupéré par les séparatistes »… ou encore « la nation ne déboulonnera aucune de ses statues », en référence au déboulonnage par des manifestants anglais le 7 juin à Bristol d’une statue à la gloire d’un marchand d’esclaves !

Prendre Macron au mot, et « faire collectivement différemment »

Le message est clair, il faut maintenant « travailler plus pour produire plus » ! Pour rétablir les profits envolés pendant l’épidémie, c’est un traitement de choc, dans la droite ligne des premières années du quinquennat, que nous proposera l’exécutif ! Si pas un mot n’a été prononcé sur la réforme des retraites, le gouvernement ne cache pas que « certains de ces pans pourraient revenir  »

L’État se prépare à des réactions populaires, Macron évoque encore l’interdiction des rassemblements, que le gouvernement aurait souhaitée voir se prolonger jusqu’au mois de novembre. Si le Conseil d’État a invalidé samedi cette interdiction générale, en dernier recours la décision reste entre les mains de chacun des préfets de police, qui demeurent libre d’interdire les manifestations sur critère sanitaire…

Dès la fin mars, le député marcheur Guillaume Chiche s’exprimait dans les colonnes du Monde « L’épreuve actuelle peut faire resurgir un phénomène de lutte des classes. Aujourd’hui, les fonctions vitales du pays sont assurées exclusivement par des employés et des ouvriers. Ce sont donc les catégories les plus précaires qui occupent les métiers les plus essentiels à la bonne marche du pays et qui sont en outre les plus exposées au risque sanitaire de contamination. Cela devrait accentuer de manière légitime leurs revendications » 

Gageons que les mobilisations sociales qui ne manqueront pas de se remettre en branle, avec comme premier acte la journée du 16 juin, sauront donner raison à M. Chiche « Chacun d entre nous doit se réinventer, nous devons faire collectivement différemment » : le vœu pieux par lequel le chef de l’État clôture son allocution pourrait bien être mis en œuvre, bien malgré lui…

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