« Ce qui choque c’est qu’il y ait si peu de réactions » : la Confédération Paysanne de l’Hérault sidérée après l’assassinat de Pierre Alessandri

Julien Servent Publié le 26 mars 2025 à 13:36 (mis à jour le 31 mars 2025 à 18:11)
Pierre Alessandri. Crédit photo : Femu a Corsica

Dans la nuit du 17 au 18 mars, le syndicaliste paysan et militant nationaliste corse Pierre Alessandri était assassiné près d’Ajaccio. Dans l’Hérault, la Confédération Paysanne, où était syndiqué Pierre, réagit.

Après le meurtre de Pierre Alessandri, syndicaliste paysan membre de la Via Campagnola, organisation affiliée à la Confédération Paysanne, par ailleurs militant nationaliste, ses camarades héraultais font part de leur sidération.

« Pour le moment on ne connait pas les résultats de l’enquête », nous explique Dominique Soulier, membre de la Confédération Paysanne de l’Hérault. Les autorités explorent plusieurs pistes, certaines non liées à ses engagements syndicaux, et indiquent des signes de préméditation.

« Mais ça s’est passé dans un contexte où la Via Campagnola, à laquelle adhérait Pierre, affiliée à la Confédération Paysanne, vient de prendre la Chambre d’Agriculture, alliée avec le syndicat Mossa Paisana. C’était quelqu’un qui dérangeait. », reprend Dominique. En 2019, alors qu’il est tête de liste perdante pour la Via Campagnola lors des élections à la chambre d’agriculture, sa distillerie est visée par un incendie criminel. Dans la foulée, une manifestation de soutien rassemble plusieurs centaines de personnes à Ajaccio. Les auteurs-trices ne seront jamais identifié-es. « La piste privilégiée est celle d’une réaction violente liée aux positions syndicales de Pierre Alessandri », avait alors indiqué le procureur Éric Bouillard.

Le militant était connu pour ses prises de position contre le détournement des subventions européennes de la Politique Agricole Commune (PAC), dont se nourrissent les groupes mafieux en Corse. Trois hauts fonctionnaires français (le conseiller pour la Corse de l’ancien ministre socialiste de l’Agriculture Stéphane Le Foll, le président-directeur général de 2016 de l’Agence de services de paiement (ASP), l’organisme qui verse les aides publiques européennes de la PAC et la directrice adjointe du cabinet de Stéphane Le Foll en 2016) devraient d’ailleurs être renvoyés prochainement devant le tribunal correctionnel de Paris pour “détournement de fonds publics” et pour « complicité », suite à une plainte de l’association Anticor. Laquelle a rendu hommage au « lanceur d’alerte » Pierre Alessandri.

Engagé auprès du collectif « Mafia no, a vita iè » (mafia non, la vie oui), formé quelques semaines après le meurtre de Massimu Susini, il y dénonçait la porosité entre une partie du monde agricole insulaire et le système mafieu, et le fait que les agriculteurs-trices de l’île soient une cible privilégiée des intimidations.

La liste de son syndicat gagnante aux élections des chambres d’agriculture porte une volonté de “réforme en profondeur de la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural (SAFER) pour garantir l’accès des agriculteurs aux terres de l’île”, avec un bilan très critique, concernant notamment la cession le 3 février dernier de 99,96% des parts du domaine viticole Domaine de Pianiccia pour un montant estimé à 6 millions d’euros au profit d’une holding familiale insulaire. La Via Campagnola/Confédération Paysanne déclarait alors vouloir dénoncer systématiquement « toute transaction qui entraîne une spéculation excessive et des prix exorbitants de l’hectare. »

Les magistrats financiers de la Cour des Comptes ont récemment mis en évidence toute une série de lacunes tenant à la gouvernance de la Chambre d’Agriculture, à l’éthique des dirigeant-es élu-es et des salarié-es, à la stratégie de développement, à la lutte contre la fraude ou encore à la régularité de la commande publique, sur le mandat précédent, de 2017 à 2024.

« La Confédération Paysanne au niveau national a envoyé une délégation aux obsèques de Pierre Alessandri, qui se sont déroulées ce samedi 22 mars à Bocognano », nous apprend Dominique. « Je ne le connaissais pas personnellement mais ça m’a vraiment mis un coup. On est dans un pays qui se pare encore de la toge des droits de l’homme. On pensait que ce genre d’évènement ne se passait que sur d’autres continents. Mais là ce qui choque c’est qu’on a l’impression d’avoir plus de battage médiatique sur des assassinats de paysan-nes en Amérique du Sud que sur celui-ci. Il y a peu de réactions sur le continent au niveau des politiques ou des autres organisations syndicales agricoles. »

Si les réactions sont nombreuses en Corse, cet assassinat passe effectivement plus inaperçu sur le continent, malgré une réaction de la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire Annie Genevard, des Jeunes Agriculteurs et du Mouvement de Défense des Exploitant-es Familiaux (Modef), de nombreuses personnalités de la France Insoumise, du PCF ou des Écologistes, de la CGT ou de l’alliance écologique et sociale (composée des syndicats Solidaires et FSU, d’ATTAC et de diverses associations écologistes).

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