Delafosse fait jouer une loi de Macron contre le droit de grève des municipaux

Le Poing Publié le 9 février 2021 à 11:26
Michael Delafosse, maire de Montpellier

Toujours incapable de résoudre l’interminable conflit dans les cantines scolaires, le Maire de Montpellier restreint drastiquement le droit de grève de ses agents.

Depuis une paire d’années, la vie des cantines scolaires de la ville de Montpellier est gangrenée par un interminable conflit du travail. Il a ses dimensions nationales. Il a aussi ses aspects très locaux. On ne s’aventurera pas à le résumer ici en deux lignes. Nos confrères du D’Oc y avaient consacré une enquête, qui demeure valable sur l’essentiel.

Une chose est sûre : quand un tel conflit dure aussi longtemps, quand il implique des dizaines d’agents sur les postes les plus modestes, il conviendrait de lui chercher une solution satisfaisante au regard des revendications posées (essentiellement des embauches et l’amélioration des conditions de travail). Cela d’autant que les arrêts de travail très fréquents, provoquant l’annulation du service, mettent beaucoup de parents en situation de difficulté très pratique. Lorsqu’il siégeait dans l’opposition au conseil municipal de Montpellier, Michaël Delafosse ne manquait pas de signifier cette nécessité d’agir à Philippe Saurel.

Les rôles viennent de se renverser avec l’adoption, ce lundi 8 février, d’une délibération municipale portant sur les “modalités d’exercice du droit de grève à la Ville de Montpellier”, cela au nom de la “continuité du service public”. Les agents grévistes s’appuyaient jusque-là sur le droit de ne faire grève qu’une heure, de n’être pénalisés financièrement que sur cette seule heure, et de ne déclarer leur action qu’au dernier moment, donc avec un effet maximal de désorganisation du service. Une grève, c’est conflictuel, ça impose un rapport de force.

Face à quoi, le nouveau maire « socialiste » de Montpellier a trouvé la parade : il fait jouer l’article 56 de la loi macronienne de transformation de la fonction publique, adoptée en 2019 (et donc très imprégnée d’idéaux de gauche, on l’imagine ; cela au point que même le… parti socialiste l’a combattue). Cet article s’annonce clairement comme destiné à « limiter l’impact de la grève sur le service »  et « éviter les grèves perlées ». Les municipaux se verront appliquer les mêmes règles que dans la Fonction publique d’État. Ils devront déposer leur préavis de grève quarante-huit heures à l’avance, et leur débrayage sera d’une journée minimum, avec retrait d’un trentième de leur rémunération. Il est à noter que nombre d’agents concernés effectuent leurs missions en temps coupé ; qu’importe.

Au regard de cette mesure purement autoritaire, le maire n’a su renvoyer qu’à une politique qui, promet-il, devrait permettre d’améliorer les parcours professionnels. Cela sans rien annoncer qui ressemble à une négociation franche sur le conflit en cours. Laquelle, en l’état, s’engagerait sur les pires bases, en quoi consiste une atteinte frontale au droit de grève. Pour commencer, il est à noter que les cinq organisations syndicales des territoriaux montpelliérains ont voté contre une telle mesure, par deux fois en conseil technique paritaire.

En cours de séance du conseil municipal (par visio-conférence), le très saurélien Max Levita s’est réveillé de gauche pour parler de « ligne rouge franchie ». Alenka Doulain (Nous sommes) a pronostiqué « une aggravation des problèmes » avec toujours plus d’arrêts maladie (c’est l’un des points lancinants au conflit). Clotilde Ollier (écolo dissidente) a parlé de « honte », et le communiste Hervé Martin de « recul social ». Toutes ces composantes se sont prononcées contre.

Au moment du vote, on a pu se gondoler une fois de plus, en rythme avec l’engagement d’anguille des élus EELV. Coralie Mantion a renouvelé le répertoire des esquives de son groupe, en inventant cette fois « un tout petit vote pour » (au nom de la compréhension pour les familles exaspérées par la situation). Ainsi déridé, on appréciait encore mieux ce titre de L’opinion, le quotidien des milieux d’affaire ultra-libéraux, dans son édition du 27 janvier : “Michaël Delafosse, le maire de Montpellier qui veut étendre le domaine du socialisme” (et réduire celui des droits des travailleurs, pardi).

Accessoirement, dans la bouche du maire, on s’inquiète de retrouver cette tendance très macronienne à retourner le sens des mots, au point d’égarer le sens des débats : selon lui, il ne faut pas voir dans la mesure adoptée « une remise en cause du droit de grève », mais quasiment une amélioration, consistant à « définir ses modalités d’exercice ». On pointera aussi une funeste propension à modifier un cadre de fonctionnement d’intérêt général, sous la seule gouverne d’un cas d’espèce circonstancié. Dit moins élégamment : manipuler des règles fondamentales, de manière opportuniste selon son intérêt du moment. Bon : le béaba pour un politicien.

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