Delafosse ridiculisé par de nombreux sans-abri sur les réseaux sociaux

Le Poing Publié le 20 février 2021 à 15:20 (mis à jour le 26 février 2021 à 18:23)

Tournant en dérision le port de la cravate, des jeunes parmi les plus démunis rappellent le maire « socialiste » de Montpellier, et son entourage, à leur devoir de respect.

Il y en a de plus en plus depuis une semaine. Des dizaines et des dizaines. On les trouve sur les réseaux sociaux. Essentiellement Twitter (hashtag #YesWeCravate). Ce sont des drôles de photos. On y voit des jeunes gens, pleine face. Surtout des garçons. Quelques filles aussi. Il est assez fréquent que le cliché ait été pris avec pour toile de fond l’immeuble emphatique de l’Hôtel de Ville de Montpellier. Via les commentaires, ou bien juste à leur allure, on capte que ces jeunes sont parmi les plus en difficulté ; la plupart sans abri.

Et alors on s’étonne. Tous et toutes arborent une… cravate. Également un air franchement rigolard. Quelle mouche les a donc piqué.es ? On lit les posts. On relève aussi les commentaires, abondants, sous le hashtag voisin YesWeClown. C’est celui du comique montpelliérain Rémi Gaillard en campagne, comme lors des dernières élections municipales. L’affaire est concertée. C’est un appel national qui a été lancé. Et qui semble faire mouche. A la base, cela part d’un post de François Villette, le 14 janvier dernier sur les réseaux sociaux.

François Villette est l’inénarrable conseiller sécurité, tout droit issu des rangs de la droite, qui œuvre au côté de Michaël Delafosse, le maire « socialiste » de Montpellier, qui lui a fait appel. Intarissable sur les réseaux sociaux, le caporal Villette met en scène les nouveaux déploiements sécuritaires en direction de l’opinion publique en déshérence, via les serviles médias de préfecture. Avec Villette et Delafosse, seul un raz-de-marée bleu serait susceptible d’endiguer les dégâts qu’engendrent la misère, la ghettoïsation, la relégation de pans entiers de la population, soumise aux ravages de la dérégulation néo-libérale et du démantèlement des droits.

Deux encravatés se saluent : l’installation de François Villette au poste de conseiller sécurité de Michaël Delafosse. Un document peut-être destiné à finir au Musée du comique troupier…

Ainsi, le 14 janvier 2021 en début d’après-midi, François Villette déambulait du côté de Gambetta (c’est, chez les Delafossiens, une fixation, car à y être, il vaut mieux que les quartiers soient basanés pour jusifier une pression systématique). Alors le conseiller raconte comment il est interpelé sur le trottoir : « Et toi là, cravate là, tu veux de la came ? Vas-y achète moi de la came toi ! ». Les dealers bien mal inspirés finirent direct au trou. C’était le haut fait du jour. Mais ce ton du récit décomplexé, son marquage de classe, sa stigmatisation des choses de la rue, son goût pour la caricature, ne sont pas passés pour tout le monde.

C’est sur cette anecdote qu’embraye la vague YesWeCravate. L’imprègne aussi le souvenir des déclarations de Michaël Delafosse lui-même, après son élection. Par exemple sur France-Bleu Hérault, en ces termes : « Je n’ai pas changé de look. D’ailleurs le costume cravate était déjà mon style vestimentaire comme professeur, parce que c’est une marque de respect pour mes élèves ». Rien détonnant à retrouver ces réflexions conformistes et réacs, chez le premier magistrat montpelliérain, pétri de républicanisme punitif et de laïcité souchienne, carrément vieille (F)rance sur ce coup.

D’où les déchaînements narquois qui nourrissent l’actuel feu d’artifice sur Twitter et ailleurs : « Ça y est, les SDF portent la cravate ; maintenant respectez-les ». Ou bien : « La politique, c’est trouver des solutions, ou bien porter une cravate ? Les sans-abri, eux, réclament au moins votre respect en la portant ». Rappelant que pour Jacques Dutronc, « la cravate est le passeport des cons », Rémi Gaillard fait mousser cette libération de la parole. Il confie au Poing : « Je ne vais pas manquer de demander à Delafosse une exposition de ces meilleurs portraits, sur les sucettes Decaux ». Soit une allusion à la dernière fleur budgétaire accordée par le maire de Montpellier à la société JCDecaux, fléau social du conditionnement publicitaire et championne du séparatisme fiscal du côté du Luxembourg (sans qu’on lui demande de signer une quelconque charte…)

Cette “insurrection” ne serait-elle que foutaise ? Au contraire, cette insurrection des paroles et des images – image de soi, regard des autres -, cette insurrection juvénile et joyeuse, pourrait-elle faire date ? N’y voit-on pas des « gueux » relever la tête, s’imposer en citoyen, pour mettre à nu le roi-maire pathétique de la septième ville de l’Hexagone – ce bouffon ? En 2021, pour la première fois depuis si longtemps, le carnaval montpelliérain des « gueux » , n’a pu avoir lieu la semaine passée ; empêché. On aimerait pouvoir se dire qu’une partie de son esprit aura migré en ligne, avec #YesWeCravate.

Il y a un contexte derrière tout cela : depuis des mois, prétextant du non respect du port du masque, un harcèlement spécifique est exercé par la police à l’encontre des SDF, honteusement traqués par l’imposition d’amendes de 135 euros. Ils sont en fait chassés de l’Écusson, carte postale aseptisée d’un quartier historique abandonné au seul culte des affaires marchandes. Comment tolérer le sadisme d’une telle sanction à l’endroit des plus miséreux, comment supporter ce parfum de fascisme du quotidien, inspirés par une municipalité « de gauche » ?

Le 7 février dernier sur Facebook, François Baraize, un Montpelliérain crédible à 100 %, racontait ce qu’il venait d’observer : « Cet après-midi j’ai vu un équipage de la police nationale extrêmement courageux et expérimenté. Ils étaient deux, et ils verbalisaient un SDF assez âgé qui avait son masque sous le menton. L’homme qui faisait la manche les agonisait avec un humour anglais car le bougre est d’outre-Manche totalement désinvolte et ironique, à tel point que le policier le plus expérimenté lui fit remarquer que, justement, ça faisait trente ans qu’il était dans la police et que des marioles comme lui il en avait vu d’autres. Et qu’il s’en fichait qu’il soit anglais parce que d’ailleurs, l’Angleterre était même plus en Europe, na ! Il annonça donc au perfide SDF d’Albion qu’il pouvait toujours danser, il aurait sa contredanse.

Le témoignage se poursuit ainsi : « [alors le policier] claqua la porte de son 4×4 et remonta la rue piétonne. Dans laquelle il croisa (je les comptais en le suivant) plus d’une dizaine d’autres personnes qui portaient leurs masques sous le menton, sous le nez, voire pas du tout, genre carrément narquois et provocateurs. Et savez-vous ce qu’il fit, le policier expérimenté ? Rien. Stoïque, il est resté. Balèze le gars. Trente ans dans la police, et toujours à patrouiller pour faire chier les SDF. Surtout les Anglais. Un cador. Un exemple pour la république exemplaire ».

On sait même l’existence d’une élue de la majorité delafossienne, un peu rigoureuse sur le respect de la loi, qui interpelle des policiers municipaux pour interrompre leurs interventions : la seule base légale qui les autoriserait à éloigner des SDF, est la pratique de mendicité agressive, leur rappelle-t-elle… Qu’en pensera son collègue Sébastien Cote, adjoint à la sécurité ? Pris à partie sur ce point par Clothilde Ollier (Écologie sociale) lors du dernier conseil municipal, Sébastien Cote a juré que la police municipale ne saurait se comporter de la sorte.

Municipale ou nationale ? Qu’importe en fait, puisque cet adjoint de Delafosse venait juste de faire voter le « continuum de sécurité » pour Montpellier ; c’est à dire ce concept purement darmanien, qui veut que les polices municipales et nationales, entre autres, interviennent le plus possible de concert. Cela au service de la conservation du désordre social que garantit l’ordre établi.

Sur ces questions, on pourra aussi se reporter à notre article rédigé sur la base des observations des bénévoles humanitaires de l’association Action Froid.

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