Dermatose : un cas dans l’Aude,18 communes de l’Hérault surveillées, le blocage continu à Vendargues, action à venir vers Béziers
Un cas de dermatose nodulaire viens d’être détecté dans l’Aude, 18 communes héraultaises passent en zone de surveillance. Les blocages d’agriculteurs-trices en colère contre l’abattage total des troupeaux dont une ou quelques bêtes sont malades se multiplient. Le gouvernement continue de résister à l’idée d’une vaccination généralisée, pourtant mise en place en Corse.
Bottes de foin, agriculteurs-trices en colère et barrage filtrant : c’est l’ambiance sur le rond-point d’entrée de l’A9, entre Vendargues et Baillargues.
Biterrois, Vendargues : les blocages se multiplient dans l’Hérault
Une action appelée par la Confédération Paysanne* de l’Hérault a commencé sur le rond-point dimanche 14 décembre au matin. Depuis, plusieurs dizaines d’agriculteurs-trices s’y relaient. Aux côtés des membres de la Confédération Paysanne, des membres de la Coordination Rurale**, des Jeunes Agriculteurs,*** des paysan-nes non-syndiqué-es, des soutiens, des élu-es.
La Confédération Paysanne, qui avait déjà organisé une manifestation couverte par Le Poing le 9 décembre, demande l’arrêt de l’abattage total des troupeaux dont une ou quelques bêtes sont malades, et une campagne de vaccination ouverte à tous-tes les volontaires. « Avant d’être une mesure sanitaire, c’est une mesure économique, pour pouvoir permettre aux exportations de ne pas être bloquées par les normes européennes. », nous confiait il y a quelques jours Dominique Soulié, de la Confédération Paysanne de l’Hérault.
Pour atténuer le choc économique, les propriétaires des bovins reçoivent une indemnisation de l’État pour chaque animal concerné. « Une expertise est faite avant le dépeuplement pour donner une valeur, » expliquait Cédric Mandin, secrétaire général de la Fédération Nationale Bovine (FNB ; affiliée à la FNSEA***), le 13 décembre à La Dépêche. Mais l’abattage d’un troupeau, en plus de son impact émotionnel, détruit un travail de sélection génétique opéré par les éleveurs-euses concerné-es. Parfois pendant toute une vie ou sur plusieurs générations.
Tout au long de l’action, les consignes de la Confédération Paysanne ont été claires : ralentir la circulation par des barrages filtrants, ne pas aller à l’affrontement. L’action est encadrée depuis dimanche matin par la police, sans heurts. Les participant-es semblent déterminé-es à la tenir aussi longtemps que possible et nécessaire.
De son côté, la Coordination Rurale, qui refuse aussi l’abattage total, annonce un rendez-vous, ce mardi 16 décembre, sur le rond-point du Décathlon de Béziers, dès 6h du matin. Tous-tes les agriculteurs-trices sont convié-es, quelle que soit leur appartenance syndicale, ou leur absence d’appartenance syndicale. De là, les protestataires devraient se diriger sur les lieux d’une action ciblée. Tracteurs, voitures et ravitaillement sont également demandés aux participant-es.
La position de la FNSEA et du gouvernement
La voix dissidente dans le paysage syndical est celle de la FNSEA***. Le patron de l’organisation appelle les éleveurs-euses à la « responsabilité » face à la crise, et le syndicat épouse la position du gouvernement sur la gestion de crise, évoquant « un consensus scientifique ».
La dermatose nodulaire est apparue au mois de juin en France, dans les Alpes. Selon un communiqué du ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté Alimentaire et de la Forêt publié le 16 juillet 2025, « la DNC n’est pas transmissible à l’être humain, ni par contact avec des bovins infectés, ni par l’alimentation de produits issus de ces animaux (viande, lait, fromage), ni par piqûres d’insectes. Elle se propage par les mouvements d’animaux infectés ou via des insectes « vecteurs » (taons et mouches piqueuses / stomoxes). » La maladie a un taux de mortalité chez les vaches d’environ 5 % (1 % à 5 % selon l’OMS Animale).
Toujours selon le même communiqué du ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté Alimentaire et de la Forêt publié le 16 juillet 2025, « les échanges entre acteurs du sanitaire en CNOPSAV ont abouti, sur la base des exposés d’experts et de scientifiques (ANSES, CIRAD, CNOV, FSVF, SNVEL, SNGTV, DGAL, et CGAAER) à valider à l’unanimité des membres, sauf une voix, la stratégie articulée autour de mesures impératives pour enrayer la propagation du virus et protéger le cheptel bovin français : le dépeuplement par abattage total des foyers infectés pour éteindre les sources du virus, en conformité avec les obligations européennes ; la mise en place de périmètres réglementés, où s’appliquent des mesures de protection et de surveillance renforcés notamment la limitation des mouvements ; une campagne de vaccination obligatoire dans ces zones réglementées. »
Jacques Guérin, président du conseil national de l’ordre des vétérinaires, estimait auprès de l’AFP le 13 décembre que « si le modèle sanitaire français est mis à mal, l’impact pour la totalité des éleveurs sera terrible », dénonçant par ailleurs des « pressions inacceptables » sur les professionnel-les chargé-es par l’État d’abattre des troupeaux.
Dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 décembre, des centaines de manifestant-es tentaient d’empêcher la mise à mort d’un troupeau à Borde-sur-Arize en Ariège. Ce qui a donné lieu à de violents affrontements avec les forces de l’ordre. Dans la foulée, et après une multiplication des appels à bloquer par certains agriculteurs-trices, la ministre de l’agriculture Annie Genevard annonçait un cordon sanitaire renforcé, avec l’élargissement des zones de vaccination. « Nous allons vacciner près d’un million de bovins », avait-elle annoncé. La ministre devait être reçue dans l’après-midi de ce lundi 15 décembre à la préfecture de Haute-Garonne, à Toulouse.
La vaccination de la totalité du cheptel reste rejetée par le gouvernement. Elle représenterait un défi logistique et mettrait en péril les exportations. Aujourd’hui, quatorze mois sont nécessaires pour regagner le statut «indemne» après le vaccin. Et rendre ainsi les exportations à nouveau possibles.
C’est tout un modèle lié au libre-échange et à l’agro-industrie qui se trouve mis en question par la crise de la dermatose.
Un cas dans l’Aude, 18 communes héraultaises en zone surveillée
On apprenait ce lundi 15 décembre en début d’après-midi, par un communiqué de presse de la préfecture de l’Hérault, l’entrée de 18 communes héraultaises dans la zone de surveillance : Aignes, Aigues-Vives, Azillanet, Beaufort, Boisset, La Caunette, Cassagnoles, Cesseras, Félines-Minervois, La Livinière, Ferrals-les-Montagnes, Minerve, Olonzac, Oupia, Rieussec, Siran, Vélieux, Verreries-de-Moussan.
Ces communes sont situées à moins de 50km du foyer de dermatose qui a été détecté ce dimanche 14 à Paumas, dans l’Aude. « Sont notamment interdits tous les mouvements de bovins à destination ou au départ des établissements situés dans cette zone. La vaccination est obligatoire dans cette zone réglementée. Les frais liés à cette vaccination sont intégralement pris en charge par l’État », annonce la préfecture dans son communiqué.
Foires, marchés et autres expositions de bovins sont déjà interdits sur l’ensemble du territoire. La préfecture annonce aussi un « renforcement des contrôles routiers concernant notamment les véhicules transportant des bovins », et promet de sévères sanctions en cas de non respect des règles.
Une réunion se tenait dans l’après-midi de ce lundi 15 décembre autour de Bessan, rassemblant préfecture, Chambre d’Agriculture (aux mains de la FNSEA dans l’Hérault), syndicats et éleveurs-euses. Jérôme Despey, viticulteur et céréalier à la tête de la Chambre, numéro deux de la FNSEA, à la tête du Salon de l’Agriculture, s’y est engagé à demander à la ministre une extension de la zone de vaccination à l’ensemble du département.
La complosphère en embuscade ?
Pour Jean-Marc Sabatier, chercheur au CNRS, « des mesures alternatives existent, dont l’isolement temporaire des animaux malades ou des traitements symptomatiques combinés. » Jean-Marc Sabatier était cité dans une enquête de Marianne au titre évocateur, « Antivax, complotistes, partisans de la biodynamie, fans d’OVNI ou de guérisseurs… Ces scientifiques du CNRS en roue libre », publiée le 1er juin 2025. Il y était désigné comme « personnage important de la désinformation autour de la vaccination »
La vaccination généralisée mise en place en Corse
Si le gouvernement refuse toujours la vaccination généralisée à l’ensemble de la France, il existe toutefois un territoire où celle-ci a été mise en place.
La Corse a reçu des vaccins pour l’ensemble du cheptel dès le mois de septembre, après de nombreuses sollicitations de la Chambre d’Agriculture. La Chambre d’Agriculture y est tenue depuis les élections 2025 par la Via Campagnola, affiliée à la Confédération Paysanne, et la Mossa Paisana, deux syndicats proches du nationalisme corse, avec le soutien de la Coordination Rurale. La campagne de vaccination s’y achèvera au 31 décembre.
Cette mesure a été accompagnée d’une interdiction préfectorale d’introduire des bovins en Corse, prolongée le 4 octobre, jusqu’au 31 décembre. L’interdiction concerne « tout mouvement de bovins en provenance du continent ou d’autres régions » Aucun cas de dermatose n’a été relevé sur l’île.
*Troisième syndicat agricole, classé à gauche, qui organise des petit-es et moyen-nes exploitant-es, avec une bonne proportion d’exploitant-es en reconversion, souvent attiré-es par la très forte identité agro-écologique mise en avant par l’organisation
**La Coordination Rurale est le second syndicat d’agriculteurs-trices, regroupant des petits et moyens exploitant-es en situation de fragilité sur le marché des filières de l’agro alimentaire. Elle est très critique du syndicat majoritaire, la FNSEA. De plus en plus de ses cadres affichent leur proximité avec l’extrême-droite. Le syndicat tend à radicaliser sa ligne anti-écolo, dans un contexte où le monde paysan se trouve de plus en plus pris en tenaille entre les aspirations écologiques de la société civile et la crise agricole. Non sans nuances. Serge Zaka, docteur et chercheur en agroclimatologie auquel le média écologiste Reporterre consacrait un portrait en mars 2023, est régulièrement l’invité de discussions organisées par des sections locales de la CR. La CR34 et les membres du parti Les Écologistes se retrouvaient en août pour une discussion sur les enjeux agricoles. Avec des points d’accord, en matière de rejet des mégas-bassines, de lutte contre la bétonisation, de distribution des aides de la PAC, dans la foulée d’actions virulentes menées par le syndicat après des propos de Sandrine Rousseau jugés provocateurs « J’en ai rien à péter de la rentabilité des agriculteurs. », avait déclaré cette dernière interrogée à propos de la loi Duplomb visant à réduire les contraintes réglementaires des agriculteurs-trices pour l’usage des pesticides, adoptée le 8 juillet 2025
***La FNSEA est le principal syndicat agricole, et revendique 212 000 adhérents-es sur 400 000 exploitant-es. Plus 50 000 chez les Jeunes Agriculteurs, son « antichambre » qui regroupe les moins de 35 ans. Les Jeunes Agriculteurs peuvent suivre une ligne autonome. En 2019 ils remportaient la Chambre d’Agriculture de Guadeloupe avec le Modef, contre la FNSEA. En 2025 sa section corse avait envisagé une alliance avec la Coordination Rurale. La FNSEA syndique des exploitant-es de toutes tailles, inséré-es dans les filières agro-alimentaire, mais défend les intérêts des plus gros-ses. Ce qui est très visible dans sa défense d’une attribution des aides de la PAC à l’hectare plutôt qu’à l’exploitant-e. Elle est dirigée par Arnaud Rousseau, à la tête d’une immense exploitation agricole de plus de 700 hectares. L’homme est aussi président du groupe agro-industriel Avril, qui regroupe Lesieur, Puget. Il est actif dans l’alimentation des animaux d’élevage, les agrocarburants ou encore la chimie des huiles et protéines végétales, et président du Conseil d’Administration de Sofiprotéol, qui finance des crédits aux agriculteurs.trices. La FNSEA est une organisation tentaculaire sans équivalent en dehors de l’agriculture. Elle a un contrôle sur une bonne partie de la presse spécialisée. Elle fournit des services à ses adhérent-es, et est présente dans de nombreux organismes encadrant le monde agricole, comme le Crédit Agricole ou la Sécurité Sociale agricole, la MSA. Si bien qu’on peut y adhérer sur une logique d’un « il vaut mieux en être ».
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