Éloge du détournement – Critique du livre « Symptômes contemporains du capitalisme spectaculaire »

Le Poing Publié le 25 juin 2019 à 14:54
Le théoricien critique Benoit Bohy Bunel a présenté jeudi dernier au Barricade, à Montpellier, son livre Symptômes contemporains du capitalisme spectaculaire, Actualités inactuelles, aux éditions l’Harmattan. Le débat, organisé par la toute nouvelle Union communiste libertaire, a rassemblé une quarantaine de personnes.

Avec cet ouvrage, l’auteur a souhaité actualiser et simplifier les thèses de l’écrivain Guy Debord (La Société du spectacle, 1967), qui a critiqué radicalement l’industrie culturelle. En s’inspirant des thèses de Marx et de Lukács sur le fétichisme de la marchandise – selon lesquelles la marchandise aurait la faculté mystérieuse de posséder une valeur en elle-même, en masquant la réalité du travail social –, l’auteur démontre dans son ouvrage comment le spectacle, ici défini comme une marchandise et un rapport social médiatisé par des images, finit par dissocier l’individu de lui-même. « Ces images, on ne peut plus que les contempler, pour simplement les reproduire, au sein d’un vécu proprement dépossédé, prolétarisé » peut-lire en introduction du livre. Le spectacle, qui inclut notamment la publicité et les vedettes, incarne les normes du capitalisme, et il n’est en ce sens pas la racine du problème, mais plutôt un symptôme contemporain dont la fonction est de cacher le côté destructeur et aliénant du capitalisme pour rendre plus acceptable l’exploitation capitaliste et l’oppression patriarcale et raciste.

Facebook, ou la désolation interconnectée

Pour illustrer ces théories, l’auteur a découpé son livre en de petits textes sur la télé-réalité, le cinéma hollywoodien, la presse people, le football-spectacle, le développement personnel ou bien encore facebook – ce-dernier thème ayant largement retenu l’attention du public lors de la présentation du livre. Pour l’auteur, « facebook devient le paradigme de la désolation interconnectée. » Nous sommes conscients que par nos likes, nous contribuons au fichage de la population et nous fournissons gratuitement nos données aux multinationales, et pourtant, c’est aussi via facebook que les gilets jaunes ont pu organiser de grandes manifestations anticapitalistes. L’auteur nous rappelle que toutes les marchandises portent en elles le germe de leurs propres contradictions. Par exemple, le mème, détournement d’une image à des fins critiques ou humoristiques, prouve qu’une forme de contestation est possible à l’intérieur même de facebook, mais si nous oublions, en publiant le mème, que le but final est bien l’abolition de facebook et de ces rapports sociaux marchandisés, alors nous contribuons au désastre.

Bref, le livre est rafraîchissant à bien des égards car il nous incite à créer des « situations » qui nous permettent de sortir du spectacle par le jeu, l’absurde, le détournement, non pas pour nous donner l’illusion qu’un individu puisse hacker le système à lui seul, mais pour nous inviter à penser nos moyens de luttes par rapport à notre vie quotidienne. N’hésitez pas : foncez chez un libraire pour échanger 21€ contre une superbe marchandise : le livre Symptômes contemporaines du capitalisme spectaculaire, de Benoit Bohy Bunel.

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