Hérault : l’arrêté préfectoral anti free-party attaqué au tribunal administratif
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Ce jeudi 20 février, le tribunal administratif de Montpellier examinait deux recours portés contre l’arrêté du préfet de l’Hérault, François-Xavier Lauch, sur l’interdiction des soirées techno non-déclarées pour tout 2025 dans le département. Un texte jugé illégal et portant atteinte aux libertés selon les personnes à l’origine des recours
Ce n’est pas un, mais deux recours, qui étaient examinés ce jeudi 20 février au tribunal de Montpellier, déposés à l’encontre d’un arrêté préfectoral interdisant les free-parties dans l’Hérault, pris en début 2025 par le préfet François-Xavier Lauch. Par ce texte, il a interdit pour toute l’année 2025 toute free-partie (soirée techno qui se tient généralement dans la nature) sur tout le département de l’Hérault. L’arrêté s’étend également au transport de matériel sonore, (enceintes, amplis, table de mixage…) sur les réseaux routiers du département, et leur saisie est facilitée.
A noter que ces interdictions sont normalement circonscrites aux rassemblements festifs non déclarés de plus de 500 personnes, car en dessous de ce seuil, il n’est pas nécessaire de recourir à une déclaration. Un détail important pour la suite.
A l’annonce de l’examen du premier recours, une jeune femme aux cheveux roses se lève au premier rang. Celle qui se présente comme participante régulière a des free-parties et comme organisatrice d’évènements festifs de moins de 500 personnes demande la suspension de l’arrêté. Bien qu’elle n’ait aucune formation juridique, elle formule un exposé clair, précis et documenté, qui a surpris des juristes dans la salle de par sa limpidité. Pour elle, la partie de l’arrêté qui mentionne l’interdiction de transport de matériel sonore de type “sound-system” pose question : comment, dans ce cas, prouver qu’il servira à une soirée qui accueille moins de 500 personnes (et donc échapper à l’interdiction) ?
Elle affirme également avoir des doutes sur “la légalité de l’arrêté” : “Il dépasse les pouvoir du préfet de l’Hérault, car l’interdiction se veut générale et absolue, et non circonstanciée dans le temps et l’espace, elle n’est donc pas proportionnée. De plus, celui-ci mentionne des risques à priori, alors qu’il faudrait pouvoir les déterminer dans le cas précis de la fête en question.”
En réponse, Thibaud Félix, directeur du cabinet du préfet de l’Hérault, se contente de défendre la décision du préfet en rappelant les raisons qui ont conduit à cet arrêté : “L’Hérault est une terre d’élection des raves-parties. Les organisateurs ne déclarent jamais leurs évènements, et les riverains se plaignent de nuisances, ces rassemblements prennent tout le monde au dépourvu. “ Il évoque également “une consommation de stupéfiants qui présentent des risques en matière de santé publique et de sécurité routière”, ainsi que des risques d’incendies. Selon lui, “l’arrêté ne va pas plus loin que le cadre instauré par le Code de Sécurité Intérieure”, qui fixe les règles relatives à ce genre de rassemblements.
Une question de liberté
C’est Sophie Mazas, avocate de la Ligue des Droits de l’Homme de l’Hérault, qui se présente ensuite à la barre pour plaider le second recours, cette fois-ci sur la question des libertés, caractérisant l’urgence de sa demande par le fait qu’une free-partie se tiendrait dans l’Hérault ce week-end. “Peut-être devriez-vous y faire un tour pour voir comment ça se passe”, lâche-t-elle, taquine, au directeur de cabinet du préfet, guindé dans son costume bleu marine. La scène fait pouffer dans la salle.
Outre la question de la liberté de manifester, c’est selon elle celle du droit de propriété qui est remise en question par cet arrêté. Citant une décision de la cour de Cassation, elle souligne le fait que des gens qui transportent du matériel sonore dans leurs véhicules ne sont pas forcément les organisateurs des free-parties, ce qui pose problème lors des saisies. “L’extension de ces contrôles touche l’ensemble du département, ce qui atteint la liberté de circulation. Mais dans les contrôles routiers que prévoit le préfet par son arrêté, comment justifier que l’on est pas organisateur, ou que l’évènement organisé va accueillir moins de 500 personnes ?”, demande-t-elle.
Elle continue : “Qui plus est, l’arrêté ne fait pas mention de cette jauge de 500 personnes, et invisibilise les situations où ces rassemblements comptent moins de 500 participants, donc tend à les interdire aussi. L’interdiction devient la norme, et la liberté l’exception. Le préfet n’est pas compétent pour prendre de telles décisions, cela appartient au législateur. De même que le passage de l’arrêté sur les risques naturels, ceux-ci sont déjà prévus par la loi.”
Sa plaidoirie se teinte d’une coloration plus politique quand elle se met à évoquer la différence de traitement, notamment par la police, des free-parties et des “soirées légales au Cap-d’Agde ou des gens, en rentrant, peuvent également provoquer des soucis en terme de sécurité routière.” “Mais dans les free-parties, il y a de la répression, avec des gamins qui viennent écouter de la musique qui se retrouvent chargés par la police, équipée de LBD-40. Un jeune homme a perdu une main dans une de ces soirées à Redon, en Bretagne, après une intervention de la police.” Un “fantasme”, selon le le directeur du cabinet, qui affirme que la police n’intervient pas dans les free-parties sur le département. Le Poing avait pourtant documenté une intervention d’une cinquantaine d’agents des forces de l’ordre armés dans une soirée techno illégale en 2020.
Enfin, Sophie Mazas termine son intervention en mentionnant le fait que “le but de ces événements est de faire la fête dans un cadre non-marchand.” Sous-entendu, c’est peut-être, fondamentalement, ce qui dérange les autorités. La décision du tribunal administratif sera rendue ce vendredi 21 février. Ne pouvant pas annuler deux fois l’arrêté, la juridiction aura, le cas échéant, à choisir entre les deux recours, si elle décide que ceux-ci sont fondés.
A noter qu’une manifestation contre la répression des free-parties aura lieu à Montpellier (et dans d’autres villes de France) le 12 avril prochain.
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