Immersion dans la prison de Villeneuve-lès-Maguelone
« Jules, bouge pas ! ». J’marchais tranquillement dans la rue et v’là que dix keufs me tombent dessus et me ceinturent dans leurs camtars. Le chef de la bande tente d’instaurer un dialogue : « On t’as bien niqué hein ? Comme la dernière fois quand j’tai fracassé la tête à coups de matraques, pas vrai ? » Leur excitation est palpable et à voir les photos de ma ganaches posées sur les sièges, j’étais visiblement surveillé de près. Une fois au comico, l’OPJ, sorte de pokémon mi-keuf mi-juge, m’accuse d’avoir insulté un flic des renseignements généraux (RG) par téléphone. J’connais la suite. Quarante-huit heures de garde à vue à base de cris, d’odeurs de pisse et de néons blancs qui te pètent la rétine. Mon avocate craint une procédure politique et j’suis tenté d’la croire quand j’vois la vice proc’ s’exciter sur mon sort par visio-conférence en direct des sous-sols de maison Poulaga. Mais j’garde l’espoir d’être libéré parce que l’enregistrement sonore censé authentifier ma voix sur le message d’insulte est bidon et que malgré les coups de pression, je n’ai cessé de clamer mon innocence.
« Vous êtes anarchiste ? »
Dans une ambiance chaleureuse et cordiale, la brigade anti-criminalité (BAC) finit par me sortir des geôles du commissariat pour m’escorter jusqu’à celles du tribunal. Six heures et un bout de pain plus tard, on me traine devant une assistante sociale à qui j’explique comment j’suis trop inséré dans la société, la preuve j’ai une meuf et un taff. Vient ensuite l’interrogatoire du JLD, la juge des libertés et de la détention :
« – Vous êtes anarchiste ?
– Oui !
– Que pensez-vous de la police ?
– C’est pas le propos, j’suis innocent, c’est n’import…
– Vous travaillez ?
– J’suis commis de cuisine !
– Quels sont vos horaires ?
– Ça dépend du planning, m’dame.
– Vous prétendez ne pas connaitre vos horaires de travail ? Vous n’êtes qu’un menteur ! Je vous place en détention provisoire en attendant votre comparution immédiate de demain ! »
Menottes. Panier à salade. Direction la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, alias VLM pour les intimes. Fouille à nu. Ecrou 49342. Quartier arrivants. Cellule 322. Première rencontre avec mon co-détenu :
« – T’es gitan ? me lance-t-il
– Heu… non !
– Moi j’suis gitan, j’suis Antonino le gitan ! » Le type s’approche des barreaux et gueule à un taulard au loin « La chatte à ta mère ! Vas niquer tes morts ! Moi c’est Antonino le gitan ! Demain on fait un combat ! »
« Vous serez jugé comme un voyou ! »
Le lendemain, retour dans les geôles du tribunal pour le « vrai » procès. J’suis menotté au mur avec deux autres pélos.
« – J’comprends pas ce que je fous là ! embraye le plus petit des deux. J’étais posé dans mon camp de romano et là j’vois mes potes au loin se faire courser par des militaires ! Ces cons étaient partis braquer un coffre de bagnole et sans le savoir, ils ont tapé une caisse de légionnaires ! Ils nous ont pété la gueule et livrés direct aux keufs ! Et moi j’me retrouve embarqué dans cette histoire de tarés alors que j’ai rien fais !
– C’est chaud ! répond l’autre. Moi j’étais posé au McDo de la Com’ et j’vois deux nanas posées au comptoir alors je m’approche d’elles en scred et bim, j’leur mets deux grandes mains aux culs en leur disant “Alors mesdemoiselles, les burgers sont chauds ?”. Elles ont pas du tout rigolé et elles ont appelé les condés, le bad ! »
Les deux ont déjà fait de la taule et sont formels : quand le JLD te place en détention provisoire avant ton procès, tu finis forcément en taule. Du coup, j’me dis que j’vais p’tête accepter de m’faire juger le jour même. En comparution immédiate, tu peux soit demander à te faire juger tout de suite, soit demander un délai de six semaines. Vu mon cas, ils m’auraient forcément jeté au trou pendant ces six semaines et comme j’risque pas de prendre beaucoup plus pour insulte à agent, autant manger tout de suite !
Y’a foule dans la salle d’audience, même les journaleux se sont pointés ! Tout se passe en un quart d’heure. Le procureur me présente comme le chef fou de « l’ultra-gauche » montpelliéraine, embraye sur les attentats de Daech et réclame la prison ferme. Le juge approuve d’une punchline on ne peut plus claire : « vous êtes un voyou Monsieur Panetier et vous serez jugé comme un voyou ! ». Et le RG « victime » de se pointer à la barre pour certifier avoir reconnu ma voix sur le message de menaces. Une messe savamment orchestrée que mon avocate ne pouvait pas réellement perturber, malgré un casier judiciaire vierge et pas la moindre trace d’une preuve de ma culpabilité. Pour moi c’est deux mois ferme. Pour les deux autres avec leurs histoires de burgers et de légionnaires, c’est six mois ferme.
« Tous les jours c’est cocktail de cachetons »
Retour en cellule avec Antonino le gitan. Il a pas la trentaine et s’est déjà tapé dix ans d’HP, « tout ça parce que j’ai brûlé une bagnole quand j’étais gosse ! » répète-t-il. Ca fait un mois qu’il est bloqué au quartier arrivants alors que t’es censé y rester juste trois ou quatre jours, histoire que l’administration pénitentiaire trie la misère. Les arabes avec les arabes, les blancs avec les blancs, les clodos avec les clodos, les camés avec les camés, etc. Mais personne ne sait quoi faire d’Antonino. Le mec a même pas réussi le concours d’entrée de la taule. Du coup il casse tout. Et finit au prétoire, le tribunal des taulards, ambiance justice féodale. Un jour les matons, surnommés les SS à VLM, l’ont sorti en calbard pour le foutre au mitard, la prison dans la prison. L’endroit où les gens se pendent (ou se font pendre ?) Bon vent Antonino, moi j’bouge au bâtiment C !
Là j’me retrouve avec Fred, un type sympa et camé comme tout. Il a commis des larcins pour financer sa dope et s’est retrouvé sous bracelet électronique. Un jour il avait rendez-vous avec sa SPIP, une meuf mi-flic mi-assistance sociale, mais il a pas été et les gendarmes ont alors sonné chez lui pour l’amener en taule. En réalité, on lui a jamais envoyé la convocation pour le rendez-vous, ce que les services du SPIP eux-mêmes ont reconnu, mais ça n’a rien changé. Il a pris huit mois ferme. Tous les jours, c’est « cocktail de méthadone et cachetons » dans la cellule comme il dit. L’infirmerie distribue les antidépresseurs comme des petits pains ici. Tu peux agiter un bout de papier à travers ta porte ou la bourriner comme un sourd pendant des heures pour qu’un SS t’amène du PQ, t’auras kedal, mais si tu demandes des cachets, tu les as illico presto. Y’en a même qui les stockent pour les échanger contre des clopes. Fred est l’un des leurs mais ça s’passe avec lui. Le matin on nettoie la cellule. Quand y’en a un qui veut chier il met le son de la télé à fond. A la gamelle on s’dit bon appétit. Des règles de base qui te permettent de survivre à deux dans 9m2 sans s’étriper. En général les SS te changent de cellule si tu t’entends pas avec ton codétenu, histoire d’éviter le meurtre, ça leur ferait remplir de la paperasse. Mais parfois le déménagement est long. Trop long. Alors y’en qui se mutilent pour faire accélérer les choses. Et ça marche pas trop mal.
« Chez Sodexo, on s’occupe mieux des détenus
que nos concurrents ! »
Côté matériel, c’est la misère. Un chiottard, un bureau, un évier à deux robinets (eau chaude, eau froide), un miroir, une étagère, un lit superposé. Et cette foutue télé que mon co-détenu matte toute la journée, avec un intérêt malsain pour les reportages sur les flics. Faut être discipliné pour pas devenir abruti dans ce décor. Lectures de bouquins et écriture de lettres, c’est ma recette pour pas vriller. Même si c’est frustrant d’envoyer des nouvelles à tes proches quand tu sais que ton courrier est photocopié par l’administration pénitentiaire. Beaucoup de détenus ne savent ni lire ni écrire, alors pour eux c’est plutôt pompes et abdos. Ça suinte la virilité à travers le béton, c’est à qui aura la plus grosse. Et j’fais partie du lot. Pourtant y’a pas de nanas à l’horizon, on fantasme sur la p’tite infirmière ou sur la surveillante blonde. Les plus chanceux reçoivent des photos de leurs copines. Et comptez pas sur la douche pour vous détendre, y’en a pas dans les cellules de mon aile. La douche est collective et c’est un matin sur deux à 7h30, sauf le weekend. C’est là que ça s’passe pour les règlements de compte parce que y’a ni maton ni caméra et que la porte est verrouillée. Et mieux vaut avoir déjà perdu toutes ses dents pour s’interposer dans ce genre de situation.
Niveau bouffe, c’est deux gamelles par jour, à 11h30 puis 18h pétantes, livrées direct en cellule. Quand c’est du saumon, c’est un cube rose congelé. La soupe, c’est de l’eau chaude salée. La ratatouille, c’est une sorte de bouillie composée de divers éléments pas identifiables. Comptez pas sur l’eau du robinet pour faire passer le tout, elle est dégueulasse. Heureusement, tu peux cantiner. Ça veut dire remplir des bons de commande pour avoir du tabac, du café, de l’huile, des pâtes, des gâteaux et d’autres conneries. Encore faut-il avoir quelqu’un à l’extérieur prêt à t’envoyer du fric, sinon t’as juste les 6€50 qu’on te file en entrant. C’est la multinationale Sodexo qui s’occupe des commandes à VLM. Un beau matin, leur gérant s’est pointé dans notre cellule pour nous vendre un frigo et nous jurer que « chez Sodexo, on s’occupe mieux des détenus que nos concurrents ! ». Pas sûr qu’il ait fêté l’année 2017 avec tous ces membres celui-là.
Les morts-vivants tournent dans le sens inverse
des aiguilles d’une montre
Pour éviter de devenir complètement taré, t’as deux promenades par jour. Une heure et demie le matin, une heure et demie l’aprem. Beaucoup de nouveaux arrivants refusent de sortir en promenade par peur de s’faire embrouiller. Mauvais calcul. En prison t’es forcément au contact des autres taulards et à rester seul sans lumière vingt quatre heures sur vingt quatre, tu deviens jobard. Mais c’est vrai que ça fait tout drôle à la première promenade : y’a des barbelés, des miradors, des caméras, ça fait des tractions, ça traficote et toi t’es là, à te lamenter avec ton codétenu, comme deux cons. Quand l’ancien de la cour me fait signe de venir vers lui, j’suis pas ultra serein :
« – Tu t’es fais arrêté en boite de nuit avec ta chemise ou quoi toi ?
– …
– Ils t’ont mis quoi ? T’as pris combien ?
– Deux mois pour insulte à agent… En plus j’ai rien fais.
– J’ai pris huit ans pour séquestration moi, alors te fous pas de ma gueule, t’as pas pris deux mois que pour des insultes !
– Si ! T’as pas vu à la télé les manifs contre les flics et tout là ? C’est nous !
– Ah ouai les casseurs tout ça là… ouai j’aime bien ça… En tout cas fais pas l’narvalo ici ! Y’a un type qui s’est fait savater y’a pas six mois dans cette cour et il a fini tétraplégique. Bon… tu veux du shit, d’la coke, un téléphone ? »
Mieux vaut refuser ce genre d’offre, surtout si c’est gratos, parce que ça finit souvent en embrouille. Comme ce daron qui s’est fait prêter un téléphone avec une carte SIM défectueuse. L’escroc qui lui a filé le portable l’a accusé de l’avoir cassé et lui a réclamé 150 balles. Effrayé, le daron a filé au malfrat le numéro de son père pour qu’il lui envoie la maille et au final, sa famille s’est fait dépouiller de plusieurs centaines d’euros par des transferts mandat-cash. Si t’évites les plans de merde, la promenade reste un moment plutôt convivial. Tu te trouves rapidement des potes avec qui jouer aux cartes et tourner en rond. Littéralement. Et toujours dans le sens inverses des aiguilles d’une montre.
Sauf pour Momo, qui marche à l’envers « pour faire vriller le cimetière des morts-vivants et surtout, pour pas niquer mes Airmax du même côté ! ». Tu tournes, tu tournes, et tu parles de tout et de rien. Tu chambres Manu parce que Jean-Marc Morandini l’accuse sur W9 d’avoir carbonisé un mec dans une grotte. Tu confortes Youssef condamné à quatre mois pour avoir volé un peu de bouffe dans un supermarché. Tu rigoles avec Sofian, qui t’raconte l’histoire de son pote assez con pour avoir essayé de voler la télé le jour de sa libération, et qui s’est fait réincarcérer trois jours après.
Le shit nous tombe sur la tête
Au moins une fois toutes les deux semaines, c’est jour de livraison en promenade. Des colis remplis de shit, d’alcool, de viandes ou de téléphones tombent du ciel par la grâce de facteurs postés de l’autre côté du mur. Les plus habiles déposent le butin dans une balle de tennis projetée d’un bon coup de raquette. Souvent le missile tombe à côté ou se bloque dans les barbelés. Et le temps que les destinataires débattent entre eux pour désigner une victime chargée de récupérer le trésor, les SS captent la scène et sifflent la fin du jeu. Mais parfois, c’est la victoire : le paquet tombe pile au poil au pied de la bonne personne qui le renvoie direct à la « fenêtre » d’une cellule. Et grâce aux yoyos, le colis circule de main en main, de carotte en carotte, d’embrouille en embrouille, jusqu’à retrouver son heureux propriétaire.
Comme les fils électriques conduisent le courant, les yoyos relient les prisonniers entre eux pour qu’ils puissent s’échanger ou se donner toutes sortes de produits. C’est non réglementaire mais toléré. Tressés, en général, à partir de draps découpés en lanières, les yoyos sont composés d’une partie dont l’extrémité est lestée d’un poids destiné à être reçue par le destinataire, et d’une autre partie sur laquelle tu suspends un sac pour y déposer la marchandise. Ça parait simple mais en vérité l’opération est délicate et demande qu’on s’y exerce. Tu reconnais les anciens à la complexité de leurs yoyos, certains sont mêmes reliés à plusieurs ailes ! Si t’es novice, mieux vaut se contenter de commercer juste avec tes voisins proches parce que plus tu fais transiter de matos pour les autres, plus t’as de chance de te faire accuser de vol. Dans tous les cas faut être réglo dans les échanges, ça t’évite les emmerdes et ça te sauve le jour où t’as plus rien à t’injecter dans les poumons. Mais pas de panique, quand le yoyo t’amène plus d’shit, il reste toujours l’alcool ! Du jus de pomme, du sucre, de la mie de pain ou de la levure de bière, deux semaines de macération et le tour est joué.
Bébé parloir et viande nibard
Mieux que la défonce, t’as l’parloir pour la cavale du crâne. Trois fois par semaine pour les prévenus (ceux qu’ont pas encore été jugé), une fois par semaine pour les autres. 45 minutes par séance. Encore faut-il avoir des potes ou de la famille près de là où t’es incarcéré. Plus les mecs sont là depuis longtemps, moins ils ont de visite. Beaucoup de couples se défont en prison et les parloirs se transforment vite en pleuroirs. Mais pour ceux qui sont encore aimés, c’est du bonheur parce que c’est pas comme dans les films, y’a pas de vitre qui te sépare de ton visiteur, du coup tu peux baiser. Officiellement le sexe est interdit mais à VLM les matons ferment les yeux. Certains ont même conçu des bébés-parloir !
Parfois c’est le piège : on te fait croire que t’as un parloir mais en fait c’est les keufs qui t’attendent au bout du couloir. Ils sont souvent là avec leurs chiens antidrogue pendant que les SS s’occupent des fouilles à nu. On retrouve de tout dans les soutiens-gorge des visiteuses, même du kebab ! Ça s’termine par des interdictions de parloir, des placements au mitard et même des nouvelles peines de prison pour ceux qui s’font choper. Mais ça change rien, le trafic fuse. Alors mieux vaut aller au parloir avec des fringues sans poches, histoire qu’on se serve pas discrètement de toi comme d’une mule sur le trajet du retour.
Beau comme une prison qui brûle
Pour moi le parloir, c’est surtout l’occasion d’apprendre comment la presse parle de mon affaire. Jean-François Codomié, journaleux de Midi Libre acoquiné à la flicaille locale, a pondu un article intitulé : « Ivre, l’indic aurait menacé un policier et sa famille ». Ce chien de garde essaye de me faire passer pour une balance pour foutre le bordel chez les militants de Montpellier Heureusement, personne n’a cru à ces conneries. Des communistes aux pro-palestiniens en passant par les anarchistes, tous ont pondu des communiqués pour me soutenir. Ils sont mêmes venus deux fois devant la prison pour foutre un joyeux bordel à base de casserolades, de fusées de détresse et de fumigènes. Ça a mis le feu à VLM pendant au moins une bonne heure à chaque fois. Ça tapait dans les portes de cellules, ça brisait la tuyauterie et ça criait de partout. Les plus déterminés brûlaient des draps qu’ils étendaient dehors à travers les barreaux en gueulant « Révolution ! » Les plus tarés pensaient qu’on avait gagné la coupe du monde et chantaient « On a gagné ! ».
Le lendemain de la première manif ’, le chef SS de mon aile me convoque dans son bureau :
« – Alors monsieur Panetier, c’était pour vous hier le fan-club devant la prison ?
– C’est pas un fan-club, c’est des militants…
– Vous êtes libérable quand ?
– Le 20 août !
– Si j’fouille votre cellule et que j’trouve quelque chose, vous allez rester plus longtemps monsieur Panetier.
– Fouillez, vous trouverez rien !
– Ça dépend, si c’est moi qui met quelque chose dans la cellule avant de la fouiller, j’vais forcément trouver quelque chose ! »
Un coup de pression un peu spécial par sa nature politique mais au fond terriblement banal en milieu carcéral. Toute l’administration pénitentière est pourrie jusqu’à la moelle. Tout le monde le sait et tout le monde s’en fout, à tel point que les SS parlent ouvertement de leurs petites combines devant nous. S’ils décident de s’acharner sur un mec, ils peuvent « oublier » d’ouvrir la porte de sa cellule pour les promenades ou lui refuser une permission de sortie pourtant accordée par un juge. Mon voisin de cellule, il a pris six mois et ça fait un an qu’il est coincé à VLM : « Les matons m’ont poussé à me battre contre un type et j’me suis fait niquer ! ». Les fourberies et la corruption règnent en maitre en prison. Y’a des centaines de téléphones portables et des kilos de shit qui tournent à VLM et tout ça n’est pas rentré que par les colis et les parloirs. C’est donc que quelques matons font rentrer la marchandise, à l’insu du plein gré de la hiérarchie. Dans le tiroir du chef de l’aile, c’est la caverne d’Ali Baba : plaquettes de shit, têtes de weed, cailloux d’héros, sachets de coke, téléphones portables… Pourquoi s’emmerder à cacher son butin quand on sait qu’on ne craint rien ?
La prison c’est dur mais la sortie c’est (presque) sûr
Un jour ou l’autre, t’es censé finir par voir la lumière au bout du tunnel. Pour t’y aider, t’as le droit à une semaine de réduction par mois pour les peines inférieures à un an, plus les remises de peine supplémentaires (RPS) si les SS t’ont à la bonne. Le mieux pour les obtenir, c’est de travailler pour la prison, dans les cuisines ou à l’atelier, pour trois balles de l’heure. Moi, j’ai pas eu cette « chance », j’suis sorti au bout de six semaines, c’est kedal.
La bise à tous les enfermés, à tous ceux qui continuent d’exécuter des peines qui les exécutent. Avoir été en cabane ne m’a pas appris grand chose, sinon que les valeurs de la prison sont dans la société. En prison comme dehors, on encourage les gens à taffer pour kedal et à s’défoncer aux médocs. En prison comme dehors, on est géré par des multinationales et on bouffe de la merde. En prison comme dehors, la violence et la corruption tiennent le haut du pavé. A la différence près qu’en prison, on peut pas naviguer à l’horizon. C’est pour ça que chaque soir, un bulldozer ombragé venait me voir. Avec un grand pic géant sur le capot, capable de tout détruire sur son passage. J’suis sûr que plusieurs taulards de VLM l’ont vu. Un jour l’un d’entre eux trouvera les clés de cette grosse machine. Et il cassera toutes les machines carcérales et judiciaires. Des machines pour tuer leurs machines. C’est tout ce qu’il nous reste.
Jules Panetier
Crédits dessins : Tati Richi
Les prénoms ont été modifié et certaines anecdotes un peu transformées pour ne mettre personne en danger, mais toutes ces histoires sont inspirées de témoignages et de situations bien réels.
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