Impunité policière : un éborgnement, cinq jours d’exclusion ; une main arrachée, “sans suites”…

Le Poing Publié le 13 mars 2022 à 20:12
Photo de Gwénaël Douillard prise lors de la manifestation du 3 juin 2020 à Montpellier dans le cadre de la mobilisation lancée par le collectif « Justice pour Adama » après la mort aux États-Unis de George Floyd, tué par la police. Image d'illustration

Une fois de plus, les preuves de l’impunité dont bénéficie la police se multiplient ces derniers jours. Le dossier sur la free party de Redon où un jeune teuffeur a perdu une main a été classé sans suites. Quatre des CRS ayant tabassé des gilets jaunes dans un Burger King ne seront pas sanctionnés administrativement, ou si peu. Tout comme le policier mis en examen pour l’éborgnement de Jérôme Rodriguez.

Le 19 juin 2021, en pleine période de restrictions sanitaires, une free party est organisée près de Redon en Bretagne, en hommage à Steve, noyé dans la Loire deux ans plus tôt le soir de la fête de la musique nantaise. Les moyens répressifs mis en place sont hallucinants : 500 gendarmes mobiles, une infiltration par le renseignement territorial, une unité du GIGN. En pleine nuit les forces de l’ordre tirent 58 balles en caoutchouc, 1741 grenades lacrymogènes, 239 grenades explosives GM2L et de 24 grenades de désencerclement. Un jeune de 22 ans perdra sa main. Comble de l’horreur, son évacuation est bloquée par les gendarmes mobiles présents, sous les protestations des pompiers, et il doit être évacué avec les moyens du bord par ses camarades de teuf.

Un an plus tard, samedi 12 mars 2022, le procureur de Rennes, Philippe Astruc, annonce le classement sans suite de l’affaire. D’après lui « l’usage des armes par les forces de l’ordre s’est fait en riposte et s’est avéré proportionné ». Les poursuites pour non-assistance à personne en danger sautent aussi !

Autre affaire. Le 26 janvier 2019, Jérôme Rodriguez, figure médiatique des gilets jaunes, est éborgné par un projectile policier en manifestation à Paris. Un policier, membre de la compagnie de sécurisation et d’intervention (CSI) de Paris, est mis en examen, soupçonné d’avoir lancé une grenade de désencerclement dont un éclat a mutilé le gilet jaune, qui a tout de même pû bénéficié de 30 000 euros d’indémnités de l’Etat. Si le procès au pénal n’est pas encore venu, une sanction administrative, décidée par le ministère de l’Intérieur, est tombée au début du mois mars : quinze jours d’exclusion avec suspension de salaire, dont dix avec sursis. Le fonctionnaire aura donc pu reprendre son poste dès la seconde semaine de mars… Un autre membre de la CSI parisienne, mis en examen pour « violences volontaires aggravées », lui aussi en attente d’un procès au pénal, soupçonné d’avoir blessé à la jambe un autre manifestant le même jour au même rassemblement par un tir de LBD, a été condamné à une exclusion temporaire de huit jours, dont cinq avec sursis.

Le 1er mars 2022, quatre des CRS identifiés en train de tabasser des gilets jaunes dans un Burger King de la capitale le 1er décembre 2018 passent en conseil de discipline. Bilan : deux d’entre eux sortent sans rien, leurs compagnons, terrifiés, se voient menacés… d’un avertissement administratif.

On apprenait le 11 mars dans Médiapart que Jackie D., 50 ans, major d’une compagnie de CRS, a été mis en examen en février, après plus de trois ans, quand n’importe quel manifestant soupçonné d’un jet de projectile sur des flics avec casques, protections et boucliers tâte de la justice expéditive appellée “comparution immédiate”. Pour avoir « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence […] involontairement » mutilé Gabriel Pontonnier, un gilet jaune qui a perdu sa main droite le 24 novembre 2018, en « lançant une grenade GLI-F4 sans respecter les préconisations légales et réglementaires imposées lors de l’usage de cette arme ».

Dans ces conditions, comment penser que les membres des forces de répression, dont l’Etat et la bourgeoisie dont il représente les intérêts ont tant besoin à l’heure de la radicalisation d’un projet de société libéral-autoritaire, seront sanctionnés d’une manière dissuassive, à la hauteur des dommages corporels irréversibles infligés ces dernières années à des dizaines de banlieusards, manifestants, militants, fêtards, supporters etc ?

Comment penser que justice sera faite aux lycéens corses blessés ces derniers jours, parfois très gravement, par les tirs de LBD et les jets de grenade de la police ?

L’impunité policière a encore de beaux jours devant elle…

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