« Internet ne dort jamais »

Le Poing Publié le 17 février 2022 à 16:03 (mis à jour le 17 février 2022 à 16:06)
L'entrée du BIb.

Rencontre dans un Hackerspace

Rendre visite à une équipe qui a monté une infrastructure, un espace d’apprentissage où « de base tu es accepté.e , accompagné.e dans l’activité technique dont tu as besoin, sans supériorité par la connaissance», ce sont les mots d’accueil de César et Adrien.

L’équipe du Poing a eu l’occasion d’une rencontre autour d’une pratique concrète de collaboration avec le Bib en Janvier à La Carmagnole lors de la soirée «  Gaza Urgence Déplacés » : en effet c’est le Bib qui a assuré toute la technique notamment une visio en lien direct avec Gaza. Cette rencontre sur le terrain nous a donné envie d’aller y voir de plus près, qui est le Bib, où est il, que fait il, comment et pourquoi et surtout de le raconter !

Le lieu dans une coopérative gérée avec la Tendresse : un joyeux partenariat d’échanges

Donc une après-midi de Février Adrien/Wargreen et César/Smyds ont accueilli le Poing dans leur sous sol adossé à l’espace central de la Tendresse depuis 5 ans sous un centre des arts martiaux ; une ambiance souterraine ponctuée d’une bande son percutante ! Mais le Bib a plein de petits bras dans tous ces différents espaces souterrains : il fabrique de la bière, des impressions avec tout un atelier de sérigraphie, il a une zone électronique, un laboratoire de micro-biologie où la mise en culture des champignons et la levure donneront la bière et où lors des confinements ils ont pu tester l’efficacité des masques « faits main, maison ». Et dans ce labo cela ne s’arrête pas là puisque il y a la mise en place de la vérification de l’efficacité de la contraception testiculaire à travers les spermogrammes et même à une période la couture des slips « remonte couilles » qui réchauffent de manière organique dans le domaine de la contraception masculine. Pour continuer la visite de ce vrai labyrinthe plein de ressources on passera dans l’espace de vie central avec une table chargée d’écrans et de vaisselle pour nous diriger vers le futur des travaux prévu au Bib : à savoir dans une pièce la prévision d’une « salle serveur » quand la fibre aura traversé la rue ! Des services en ligne alternatifs, pour sortir les données, nos données des GAFAM, les héberger, les sécuriser dans une relation de confiance humaine où l’on peut encore se parler, s’interpeller. Avant d’avoir une salle de serveur il fait partie d’un collectif d’associations le « Bienvenue sur Internet Montpelliérain » constitué par lui même, Iloth – un fournisseur d’accès associatif et Montpel’libre.

Il nous reste à visiter l’atelier bricolage, le studio de musique qui permettra à terme des enregistrements et le salon bibliothèque où nous avons pu aborder la philosophie de ce lieu, de cette association qui regroupe actuellement une petite vingtaine de personnes dont seulement quelques filles encore mais très actives et qui ont permis la diversification des activités.

Le Bib vu de l’intérieur…

Le Bib a un fonctionnement organique, on pourrait dire comme un corps qui cherche a répondre à ses besoins, ses connections. Ouvert en permanence, bienvenue pour tou.te.s pour que chacun.e fasse soi-même et devienne autonome dans son rapport à la technologie en fonction de sa demande et de son besoin ponctuel : avoir le contrôle de sa pratique, « ni technophile ni technophobe mais peut-être un peu techno-critique, sans foi aveugle ni dégoût pour la technologie ». Entamer une réflexion sociale voir politique, comprendre ce qui se passe et chercher des solutions en combinant les compétences dans des activités informelles et un accompagnement individuel ou collectif. Par exemple on leur a donné une graveuse laser d’origine asiatique, son mode d’emploi était tout en chinois mais ils.elles ont trouvé le fonctionnement à partir d’un changement de logiciels ; finalement l’origine des machines ou des objets importe peu, le tout étant le changement du logiciel qui les pilote par du libre produit par et pour la communauté. Permettre que ça fonctionne, le mot d’ordre serait «  viens faire, il y a ici tout ce qu’il faut pour que ça marche…. ». Ce lieu, où tout est possible, en est à sa troisième version d’espace depuis 2013 quand il a démarré historiquement autour de l’informatique, de la technique, mais aussi des arts et de la musique, nœud de créativité. Et justement cet endroit occupé actuellement par le Bib était auparavant un des hauts lieux de la fête techno underground à Montpellier le« BAO pour bouche à oreille » sur un sol de béton qui a été changé pour du linoleum qui fabrique moins de poussière ! Mais la vie dans un sous sol, un squat, un garage, un container cela s’inscrit dans la culture et le continuum de ce type de lieux où la liberté d’action, vu leur indépendance reste phénoménale. Fonctionner avec rien, bénévolement, tout ce qui est en plus est bienvenu, accepter les dons, échanger et pratiquer les prix libres, faire éventuellement quelques prestations : mais le modèle économique actuel c’est l’échange de services et pas le troc !

Internet n’oublie jamais et n’a aucun intérêt à supprimer tes données

Une grande part de l’activité du bib c’est des formations à l’autodéfense et l’autonomie des activités de chacun.e sur internet. Mettre en place des services en ligne alternatifs, basés sur du logiciel libre. Mettre ses données chez le Bib, retrouver un langage sans abus où le sens des mots ne sera plus dévoyé, raccourci ; par exemple le mot réseau utilisé pour qualifier Face Book ne nous apprend pas grand chose. Cette plateforme pourrait être décrite plus précisément comme un réseau « centralisé ». Basé sur le modèle actuellement quasi-universel « client-serveur », les utilisateur.trice.s utilisent un “client” qui n’a pour fonction que d’afficher et de collecter les données. Et les “serveurs” centralisés appartenant à Facebook font tout le travail de stockage, traitement, filtrage de ces données, de façon centralisée. Le bib promeut en opposition à ce modèle des réseaux «  fédérés » ou « pair-à-pair». Dans le modèle fédéré il s’agit toujours de clients et de serveurs, mais de multiples serveurs gérés par de multiples collectifs, associations, entreprises qui peuvent tou.te.s collaborer pour contribuer au même réseau. Les utilisateurs.trices délèguent toujours le traitement de leurs données mais iels peuvent choisir en qui mettre cette confiance, selon leur connaissance des personnes, leur politique de protection des données ou de modération et ce sans se couper de celles et ceux qui ont fait un choix différent. Des plateformes modernes comme mastodon ou nextcloud implémentent ce modèle à travers le nouveau standard “ActivityPub”, mais c’est en fait un modèle bien connu de tou.te .s, car c’est le fonctionnement de l’e-mail , c’était la norme sur internet avant l’apparition des grosses plateformes centralisatrices. Les réseaux « pair-à-pair » sont encore un peu plus radicaux car ils abandonnent complètement le modèle client-serveur et là tout-es les participant-es se retrouvent avec les mêmes capacités et mettent leurs ressources en commun pour produire le réseau : espace de stockage, bande passante, traitement des données. « faire faire ce que l’on veut à un logiciel, trouver une astuce pour que la technologie soit à ton service et pas l’inverse ». Ne plus être consommateur !

Cette réflexion s’inscrit bien sûr dans un contexte et une culture européen.ne et international.e. Un mouvement culturel plus politique nous vient d’Allemagne Le Chaos Computer Club qui est une communauté faisant campagne pour la liberté de l’information et de la communication sans aucune censure et qui étudie autant les possibilités de la technologie que ses impacts sur la société et l’individu.

Dans la continuité le Bib s’affirme comme un Hackerspace, réseau qui lui est mondial, qu’on pourrait traduire comme un lieu de bricole, de bidouille ; un espace d’apprentissage très en lien avec les luttes sociales, les squats et les mouvements actifs culturels et artistiques dans la société.

Si le BIB revendique de ne pas avoir de couleur politique affichée il diffuse un parfum dont la forme s’apparenterait à une « pratique communiste » quand on les écoute, qu’on leur propose une collaboration ou qu’on leur demande une aide et ce parfum est bien agréable et augure la naissance de nouveaux désirs et envies de projets qu’ils soient alternatifs ou plus politiques !

Santé !

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