Archives - Politique 2 mai 2014

La fièvre bétonneuse de la gauche

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Les dernières élections municipales ont été l’occasion de constater que le productivisme et la folie des grandeurs tiennent toujours le haut du pavé chez les candidats se proclamant de gauche. De Lutte Ouvrière au Parti socialiste, tous s’accordent pour dire qu’il faut construire massivement des logements sociaux, partant ainsi du postulat qu’il n’y aurait pas assez de bâtiments disponibles pour tous se loger convenablement. Mais qu’en est-il vraiment ?

Nous sommes la 5ème puissance économique de la planète et pourtant, nous comptons plus de 5 millions de mal logés d’après l’INSEE. Les réponses apportées par nos élus pour pallier cette situation dramatique ne font preuve d’aucun volontarisme politique et ne sont bien souvent que de la poudre aux yeux. La loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) impose aux communes de disposer d’au moins 20% de logements sociaux alors même qu’aucune sanction sérieuse n’est prévue pour les maires récalcitrants. Quant au droit opposable au logement, nombreux sont ceux à le considérer comme une pure provocation quand on sait que 70% des Français peuvent prétendre à un logement social. Il est ainsi consternant de constater que la seule réponse apportée par la gauche soit de vouloir généraliser le HLM pour tous en construisant plus de 200 000 nouveaux logements par an. Bouygues n’en demandait pas tant.

 Le mal logement : une situation organisée et entretenue

Pourquoi est-il impossible de connaître la totalité des mètres carrés habitables dont nous disposons sur toute la surface de notre hexagone ? Il suffirait alors de le diviser par le nombre total d’habitants pour se rendre compte qu’on pourrait tous vivre confortablement sans faire d’avantage tourner les usines de béton. Évidemment, cela reviendrait à contester le droit absolu de propriété, et c’est bien le cœur du sujet. Proclamer qu’il suffit de construire massivement pour améliorer le sort des mal-logés revient à nier que cette situation sociale est volontairement et sciemment organisée par le système. Les capitalistes planifient la rareté du logement afin de maintenir une armée de réserve de mal-logés leur permettant ainsi de spéculer et de faire s’envoler les prix des loyers.

D’après le cabinet immobilier Cushman & Wakefield, plus de 4,43 millions de m² de bureaux vides sont disponibles en Île-de-France. Au niveau national, The Guardian compte plus de 2,4 millions de logements vacants. Dans le même temps, plus de 150 000 personnes sont sans-abris. Il est donc tout à fait illusoire et naïf de croire qu’il suffit de construire plus pour régler la situation : les nouveaux logements promis par la gauche tomberont également sous le coup de la spéculation si l’on ne règle pas le problème en profondeur. Bref, rien ne changera tant que le rapport de force contre les capitalistes ne s’inversera pas, et nous avons mille manières de le faire. Encore faut-il le vouloir.

Taxation sévère des bureaux vides, imposition à hauteur de 100% pour les résidences secondaires, application rigoureuse de la loi de réquisition des logements vacants, plafonnement drastique des loyers ou bien encore création d’une agence nationale foncière. Si cela ne suffit pas à briser la spéculation immobilière et à éradiquer le mal-logement, n’ayons pas peur de procéder à des expropriations pures et simples. Répondons à ceux qui nous accusent de bolchevisme que l’on ne vit pas heureux dans un océan de malheurs, et rien ni personne ne saurait justifier la présence d’un sans-abri devant un logement vide.

Nous n’avons pas affaire à un problème de quantité de logements mais bel et bien à un manque de répartition et de partage. Au lieu de se lancer dans une frénésie immobilière, la gauche ferait bien de se rappeler que remettre en cause le droit absolu de propriété est la seule manière de s’attaquer à l’égoïsme des puissants. L’urgence sociale commande de faire du droit à la dignité humaine le seul principe sur lequel il est impossible de transiger. Reste-t-il des candidats répondant présents à cet appel ?

 Jules Panetier

 

 

 

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