La lutte victorieuse contre un projet de Decathlon à Saint-Clément-de-Rivière racontée en BD

Elian Barascud Publié le 5 septembre 2025 à 13:55 (mis à jour le 5 septembre 2025 à 14:06)
Laure LLe Poing :avigne Delville et Aurélien Pascal Commeiras signent une BD qui retrace la lutte contre un projet de centre commercial au nord de Montpellier. ("Le Poing")

Dans “Une victoire sur le béton”, Laure Lavigne-Delville et Aurélien Pascal Commeiras reviennent sur la lutte victorieuse d’un collectif de riverains contre un projet de centre commercial “Oxylane” porté par Decathlon, au nord de Montpellier. Une BD joyeuse qui donne des clés pour d’autres luttes locales sur l’environnement

En 2014, une enquête publique prévoyant la bétonisation de 24 hectares de terres agricoles est ouverte dans la commune de Saint-Clément-de-Rivière, au nord de Montpellier. Un groupe de riverains se monte alors en collectif pour s’opposer à ce projet de centre ludique et commercial porté par Decathlon et la famille Mulliez, connue entre autres pour son exil fiscal en Belgique. Après sept ans de mobilisation, le collectif “Oxygène” a obtenu l’abandon du projet.

C’est ce combat que retracent Laure Lavigne-Delville (scénariste) et Aurélien Pascal Commeiras (dessinateur) dans leur bande dessinée “Une victoire sur le béton”, à paraître le 12 septembre. Ils la présenteront le 18 septembre à la librairie La Cavale (Rue de la Cavalerie) et le 2 octobre à la Carmagnole (Rue Lapalissade), en présence du collectif Oxygène. Le Poing les a rencontré pour évoquer l’histoire de cette lutte méconnue.

Le Poing : Comment vous est venu l’idée de cette BD ?

Laure Lavigne-Delville : J’ai grandi à Montferrier sur Lez, juste à côté de Saint-Clément-de-Rivière, où j’ai fait mon lycée avec Aurélien, qui dessinait déjà des BD à l’époque. J’ai ensuite fait des études en géographie et aménagement du territoire, pendant que mes parents se mobilisaient au sein du collectif. Mon idée était de mettre en lumière cette lutte qui n’a pas fait la une des médias, car c’est un projet finalement “ordinaire”, dans le sens où des projets Oxylane portés par Decathlon, qui mélangent centre commercial et activités ludiques, il y en a eu dans toute la France, dont certains qui ont échoué.

Aurélien Pascal Commeiras :
A la base, on pensait à un format beaucoup plus court, sur 20 pages. C’est la rencontre avec notre éditeur, Le Passager Clandestin, qui nous a fait aboutir à ce format de 128 pages. On a ensuite fait une campagne de financement participatif pour sortir la BD, l’association qui a porté les recours nous a beaucoup aidé.

Le Poing : Votre BD est construite comme une enquête journalistique réalisée après la victoire du collectif. Pourquoi ce choix ? Avez-vous eu des difficultés à accéder à certaines personnes ou sources ?

L. L.-D. : Je fais de la recherche, donc j’ai l’habitude de travailler sur la base d’entretiens et de lecture documentaire via des études ou des rapports. Notre enjeu, c’était de décortiquer les étapes de la lutte, et de vulgariser le côté juridico-administratif en présentant clairement ce qu’est une enquête publique, une étude d’impact, pour donner des outils qui peuvent servir à d’autres luttes locales. Il y a des enseignements à tirer de ce combat : comment on décortique les dossiers, quels sont les délais de recours et comment on se répartit le travail… On a pu rencontrer des commissaires enquêteurs qui nous ont beaucoup nourri pour l’écriture, notamment le dernier, qui a fait passer les terres en terres agricole, ce qui a contribué à la victoire du collectif. Par contre, le bureau d’étude que Decathlon avait embauché pour l’étude hydraulique n’a pas pu nous parler…

A. P. C. : Le choix de la narration par l’enquête permet de mettre à distance les récits des gens du collectif avec qui on s’est entretenu, on était pas là pour raconter leur intimité… On a aussi choisi de s’intègre nous-mêmes dans le récit, on nous voit en train d’enquêter, pour rendre la narration plus fluide et ajouter des passages plus drôles, plus légers. On veut toucher un public large, il fallait pas que ça soit trop dense.

Le Poing : selon vous, qu’est-ce qui a permis au collectif de gagner son combat ? En d’autres termes, quelles sont les clés pour qu’une lutte locale sur l’environnement soit victorieuse ?

A. P. C. : Ils n’ont jamais baissé les bras, ils se remobilisaient en permanence !

L. L. – D. : Les recours juridiques font gagner du temps, notamment dans l’obtention du permis d’aménager. Decathlon avait dû redéposer un projet, c’est couteux pour eux. Ce temps gagné permet de médiatiser le combat, de faire grossir la mobilisation en parlant aux gens… Le volet juridique seul n’est pas suffisant, il faut une pluralité de modes d’actions et une synchronicité de celles-ci pour gagner. La lutte est restée très légaliste, il n’a pas été question de faire une ZAD, car le chantier n’a jamais démarré et le combat sur le terrain juridico-administratif n’a pas été épuisé. Mais une dame de 94 ans de Saint-Clément nous avait dit que s’il y avait une occupation des terres, elle viendrait tous les jours pour apporter des croissants aux zadistes ! Ce n’était pas tant une question de radicalité que de proportionnalité des moyens et de stratégie.
Ce qui a marché aussi, c’est que le collectif a su s’entourer d’autres associations qui avaient des expertises sur des domaines particuliers, comme des naturalistes qui ont pu très vite inventorier les différentes espèces présentes sur le site…

Le Poing : depuis la victoire du collectif en 2021, qu’advient-il de ces terres agricoles ?

L.L.-C. : Le collectif a tout de suite mis en avant un contre-projet d’agriculture locale, en soulignant le fait que ça créerait des emplois. Mais faute d’engagement des propriétaires fonciers, il ne s’y passe rien pour le moment.

“Une victoire sur le béton, récit d’une lutte contre un géant commercial”, Laure Lavigne-Delville et Aurélien Pascal, aux édition Le Passager Clandestin, 22 euros, sortie le 12 septembre.

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