Le collectif Cévennes Palestine-Ganges dénonce une “censure” après l’interdiction de projections de films
Le collectif Cévennes Palestine-Ganges voulait organiser une série de projections de films sur la Palestine au cinéma Arc-en-Ciel de Ganges. Une demande refusée par le gérant des salles noires au motif d’une “décision d’ordre politique” venant de la Communauté de communes des Cévennes gangeoises et suménoises et de son président, également maire de Ganges, Michel Fratissier
Après Montpellier, la répression qui s’abat sur les voix qui dénoncent le génocide en Palestine serait-elle en train de s’exporter dans les Cévennes ? C’est ce que dénonçait la Libre Pensée, dans un tweet du 8 septembre. En effet, le collectif Cévenes Palestine-Ganges s’est vu interdire une série de projections de films sur la Palestine (“Yallah Gaza”, “Gaza après le 7 octobre”, “là où pleurent les oliviers”…) dans le cinéma intercommunal “Arc-En-Ciel” de Ganges, dont le gérant est sous contrat jusqu’au 15 octobre.
“Décision d’ordre politique”
Le directeur du cinéma a évoqué auprès du collectif sa “profonde préoccupation concernant la décision de ne pas diffuser le film… Je comprends parfaitement la responsabilité qui m’incombe entant qu’exploitant de salles et je suis conscient de l’importance de la pluralité dans la programmation cinématographique…Cependant, j’ai fait face à de nombreux problèmes d’ordre diplomatique sur la zone géographique qui nous concerne et je ne peux pas aller à l’encontre d’une décision d’ordre politique. Dans certaines salles, de tels débordements ont parfois fini en manifestation créant porte close et je ne peux pas me permettre cela en cette période particulièrement creuse pour l’industrie du septième art.”
Dans une lettre ouverte du 19 septembre à l’attention de Michel Fratissier, maire de Ganges président de la Communauté de communes gangeoises et suménoises, et envoyée à divers élus ainsi qu’à la presse, le collectif, qui entend informer et faire vivre le débat sur la situation en cours à Gaza, rappelle “la poursuite des massacres d’innocents pratiquée quotidiennement par l’armée israélienne”, et interroge l’édile de Ganges : “Est que votre démarche de ne pas « souhaiter ce type de programmation » ne s’apparente pas à
une « censure » politique, à laquelle se soumet le gérant du cinéma craignant des conséquences
financières graves ? En fait, ne craint-il pas tout simplement la décision de non – reconduction du
contrat provisoire d’exploitation vous liant que vous pourriez prendre ?”
Proposition de débat restée sans réponse
Dans cette lettre, le collectif a également réitéré une proposition faite par courriel à Michel Fratissier le 8 septembre : “Dans un souci de clarification, nous vous proposons une solution qui permettra aux différentes parties (les élus de la communauté de communes Gangeoises et Suménoises, notre collectif et le gestionnaire du cinéma de Ganges) d’entamer un dialogue constructif, qui ouvrira lui-même, nous en sommes convaincus.es, la possibilité de programmer les films initialement proposés par notre collectif. C’est pourquoi nous vous demandons la possibilité d’organiser, dans notre cinéma Gangeois, une conférence de Pierre Stambul, porte parole de l’Union Juive de France pour la Paix (UJFP). Cette conférence sera suivie d’un débat public. Nous invitons bien entendu et avec grand plaisir, l’ensemble des élus de la communauté de communes Gangeoises et Suménoises à participer à cet évènement.” Le tout pour “écarter tout amalgame” jugé “aussi délétère qu’insultant” par le collectif, entre antisémitisme et antisionisme. “La proposition est restée sans réponse”, déplore Stephan Steiner, conseiller municipal de Brissac et membre du collectif de soutien à la Palestine.
Fratissier s’étend dans Midi Libre
Une chose a contribué à faire monter encore l’incompréhension et la colère des membres du collectif : si Michel Fratissier ne leur a pas répondu, les militants ont découvert ses arguments dans Midi Libre (qui n’a, selon eux, pas daigné les contacter pour avoir leur version des faits, de même que Michel Fratissier n’a, pour l’heure, pas répondu aux sollicitations du Poing rédigées par mail).
Pour l’édile de Ganges, “le timing n’est pas bon”, seulement “un mois après l’attentat contre la synagogue de la Grande-Motte”. Il évoque “un cycle de projections d’un an” et justifie la décision de la communauté de Communes en renvoyant dos à dos les soutiens à la Palestine et l’extrême-droite : “imaginons que le RN demande à diffuser un cycle de films, nous dirions non également. Nous devons être raisonnables et vigilants face à la montée d actes antisémites. Il n y a rien de liberticide dans notre décision. Et puis j aimerais qu on nous parle davantage de la rénovation du cinéma, dans laquelle nous choisissons d investir 1 M€, avec dix mois de travaux pour rénover la salle !”
Un droit de réponse
Agacé, le collectif a envoyé à la presse un droit de réponse, dans lequel on peut lire : “Nous voulons ici dire les méthodes (peu élégantes) qui sont les vôtres … lorsque ce collectif essaie d’organiser un cycle de films sur la question Palestinienne au cinéma de Ganges. Rappelons que tous les films proposés ont leur visa d’exploitation, autrement dit, aucun n’est interdit ! (fait également absent de vos déclarations à la presse). Ils sont d’ailleurs diffusés en d’autres lieux (plus démocratiques ?) sans aucun souci …En publiant votre réponse sur Midi Libre, non seulement vous vous obstinez à refuser le dialogue, mais vous pratiquez l’opacité en oubliant de mentionner de nombreux éléments […] Vous omettez par exemple de mentionner que nous demandions aux différents.es élus.es de la ComCom de préciser leurs positions au regard du droit international, et concernant les libertés publiques…[…]Dans ce papier, vous pratiquez aussi le mensonge ou tout au moins la déformation : à quel moment avons-nous évoqué un cycle d ‘un an ? Nulle part, jamais … (Nous avons proposé 4 films au départ …)
Dans ce papier, vous nous mettez dans le même sac immonde que celui de l’antisémitisme … (alors que nos positions à cet égard ont été clarifiées dans nos courriers ) et dans celui bien sale du RN, du fascisme et des violences. Nous nous pouvons accepter d’être caricaturés ainsi ! Cela ne repose sur rien de concret, rien de palpable. Nous rappelons ici une chose essentielle, que vous avez comme par un heureux hasard également omis de mentionner à la presse, à savoir que nos seules boussoles sont celles d’un cessez-le-feu, de l’application du Droit International et maintenant, des libertés publiques !”
“On va continuer de maintenir la pression car il est question d’un génocide”, confie Stephan Steiner. Le collectif réfléchit déjà à des endroits alternatifs pour projeter les films. Pour rappel, ses militants se réunissent tous les mardis à partir de 17 h 30 à Ganges sur le rond-point direction Ganges pour informer la population sur la situation en cours en Palestine.
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