Le Massicot : à Montpellier, les étudiant·es des Beaux Arts ont leur propre syndicat

Elian Barascud Publié le 25 mars 2024 à 14:50
Le Massicot était présent à la manifestation du 8 mars à Montpellier. (Crédit photo : @pronostic.vital.enrage)

Né à Montpellier pendant la réforme des retraites, le Massicot, syndicat des étudiant·es en écoles d’arts, s’est récemment illustré pour avoir bouté une conférence de Catherine Millet (corédactrice d’une tribune sur le “droit d’importuner”) hors du MO.CO. Rencontre avec quelques un·es de ses membres

Qui a dit que les étudiant·es en art étaient perché·es, déconnecté·es du réel et des mobilisations sociales ? (Nous, au moment des gilets jaunes, quand une occupation éphémère des Beaux-Arts avait eu lieu à Montpellier, avec des assemblées générales où ça discutait de ce que signifiait le jaune fluo…) Mais il faut croire que depuis, les choses ont changé.

Le Massicot, syndicat national des étudiant·es en art créé en 2022 à Paris, a vu naître sa déclinaison montpelliéraine pendant des assemblées générales contre la réforme des retraites au sein de l’école des Beaux-Arts, comme l’explique Romi, membre du syndicat : “C’étaient des lieux de discussions entre nous où l’on parlait de l’actualité, mais c’était dans un contexte ou les écoles d’arts manquaient de budget.” Une inquiétude aujourd’hui renforcée par un récent discours de Rachida Dati, ministre de la Culture, qui disait la semaine dernière vouloir fermer des écoles d’art publiques “dans des villes où des écoles privées se montent”, décrit Romi.

Depuis l’an dernier, le Massicot appelle à rejoindre toutes les mobilisations sociales et prépare ses pancartes à l’école.“Le but c’est de pouvoir militer collectivement pour nos droits, car le milieu de l’art est très individualiste”, raconte Sophia, autre militante du Massicot. Alors pourquoi ne pas rejoindre un autre syndicat étudiant ? “Nous sommes dans une bulle isolée des autres étudiant·es, loin des campus. Et puis il y a des problématiques spécifiques au monde de l’art, nous sommes sous la tutelle du ministère de la Culture et pas de l’enseignement supérieur et de la recherche”, précise-t-elle, en ajoutant que le Massicot cultive des liens avec Solidaires Etudiant·es. “Certaines revendications se rejoignent, comme les repas du CROUS à un euro pour toutes et tous.”

“On se considère avant tout comme des travailleur·euses de l’art en formation”, renchérit Romi. “A la sortie de ‘l’école, c’est dur d’avoir une rémunération stable dans ce secteur.” Avec d’autres syndicats, la structure s’est fédérée dans une coordination “écoles d’art en lutte”.

Lutte contre la précarité

“Ce qui coûte cher pour nous, c’est les matériaux pour créer”, détaille Romi. “Donc on a crée une matériauthèque auto-gérée où l’on peut échanger des matériaux via un système de points pour favoriser la solidarité entre nous.” Le Massicot a également fait passer un questionnaire dans l’école concernant les besoins des étudiant·es, et s’est aperçu qu’un certain nombre est en situation de précarité alimentaire. “On est en train d’organiser des récupérations et distributions de bouffe.” Le syndicat milite également pour le remboursement des frais d’inscriptions pour les étudiant·es boursier·es.

Et dans un objectif de combat contre toutes les formes d’oppressions, le Massicot a réussi à obtenir dans l’école un coin calme pour les personnes neuroatypiques et mène actuellement des réunions de travail sur la question du validisme, constatant que leurs équipes pédagogiques ne sont pas formées sur les questions de handicap.

Ses militant·es, aussi engagé·es sur le volet du féminisme, ont fait venir la documentariste Montpelliéraine Nina Faure dans leur école pour organiser une projection de son film “We are Coming”.

Catherine Millet hors du Mo.Co

Toujours dans le combat féministe, le Massicot a récemment réussi à faire délocaliser une conférence de Catherine Millet, directrice de la revue Art Presse et co-rédactrice d’une tribune polémique “sur le droit d’importuner” en réaction au mouvement MeToo, prévue le 18 avril prochain. Elle s’était également dite « étonnée » que les victimes de viol soient « traumatisées » et avait expliqué « regretter » de ne pas avoir été violée ou avait exprimée de la “compassion” pour les”frotteurs des métros”. Elle s’était aussi affichée en soutien de l’acteur Gérald Depardieu, accusé de viols. Son journal Art Presse a également soutenu le plasticien Claude Lévèque, mis en examen pour viol sur mineurs.

Félix, un autre adhérent du Massicot, explique : “Elle devait faire une conférence au MO.CO [Montpellier Contemporain, lieu d’exposition d’art contemporain situé vers la gare, ndlr] en partenariat avec la Comédie du livre, et quand on l’a appris, ça nous a choqué. C’est contraire aux valeurs qu’on défend, en plus, notre école se dit inclusive et attachée à la lutte contre toutes les discriminations. Surtout qu’on était obligé d’assister à la conférence pour gagner des crédits permettant de valider notre année.”

Le syndicat a donc rédigé un communiqué (disponible sur sa page Instagram) pour dénoncer les positions antiféministes et glorifiant la culture du viol de Catherine Millet, et a sollicité un rendez-vous avec Numa Hambursin, directeur général du Mo.Co. Celui-ci a concédé la délocalisation de la conférence à la salle Pétrarque et le Mo.Co n’en est désormais plus organisateur.

Une victoire pour le syndicat, qui compte bien continuer à se mobiliser pour de meilleures conditions d’études et contre toutes les formes d’oppressions.

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