Le Newroz kurde de Montpellier brise le silence sur l’invasion d’Afrin

Le Poing Publié le 21 mars 2018 à 18:32 (mis à jour le 27 février 2019 à 13:52)

Environ 200 personnes ont défilé hier soir du Peyrou à la Comédie pour le Newroz, le nouvel an kurde basé sur le calendrier persan et qui coïncide avec l’équinoxe du printemps. Selon la légende, cette fête est célébrée depuis 612 avant Jésus-Christ, année au cours de laquelle le forgeron Kawa aurait mené la rébellion contre le roi Dehak, qui faisait régner la terreur en Mésopotamie. Une membre du centre démocratique kurde de Montpellier a pris la parole hier soir pour rappeler que le Newroz « symbolise la libération du peuple kurde contre l’oppression, et notamment contre la répression de l’État turc. […] De 1991 à 1996, il y a eu 98 morts et 600 blessés lors des fêtes du Newroz, et même si cette célébration est aujourd’hui autorisée, c’est toujours sous haute surveillance. » La police turque a d’ailleurs arrêté hier une centaine de militants kurdes « accusés de préparer des manifestations illégales ou des attaques à l’occasion de la fête du nouvel an perse ».(1)

Civils tués, maisons pillées

Ce Newroz est malheureusement marqué par les récents événements d’Afrin. Cette ville située à la frontière nord-ouest de la Syrie, sous le contrôle des forces kurdes YPG-YPJ-FDS(2) depuis 2012, a été envahie ces derniers jour par l’armée turque et des djihadistes. L’État turc, en guerre contre le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) depuis des décennies, n’a en effet pas toléré le récent rapprochement des forces kurdes avec le commandement étatsunien.(3) Pour le centre démocratique kurde de Montpellier, l’offensive turque est « une opération de nettoyage ethnique à l’encontre des Kurdes d’Afrin. […] L’auto-administration démocratique du canton d’Afrin a déclaré qu’elle avait décidé d’évacuer les civils de la ville d’Afrin afin d’éviter des massacres, mais que le combat n’était pas terminé, et qu’au contraire commençait maintenant une nouvelle étape de la guerre : désormais, les YPG et YPJ mèneront une guerre de guérilla. […] » Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), un raid aérien turc sur un hôpital d’Afrin a tué 16 civils vendredi dernier(4) et près de 250 000 personnes ont fui la ville depuis une semaine(5), laissant leurs maisons se faire piller par les forces pro-turques.(6)

Silence complice

Les forces kurdes, hier adulées pour leur combat décisif contre Daech, sont aujourd’hui délaissées par les puissances internationales, à commencer par la France. Le ministère des affaires étrangères a envoyé une note aux rédactions de presse pour les inciter à « respecter les conditions juridiques d’entrée et d’exercice du métier de journaliste des pays voisins de la Syrie ». En clair, le gouvernement Macron demande aux journalistes français d’obtenir l’accord de l’État turc pour enquêter sur les exactions de l’État turc. « Et pourquoi pas demander aux Allemands une accréditation pour couvrir le Débarquement ? » ironise une journaliste de France Inter.(7) À l’heure où Erdogan menace d’élargir l’offensive à d’autres villes contrôlées par les forces kurdes,(8) notre silence est complice. Ne laissons pas l’État turc massacrer des Kurdes en notre nom. « Biji biji Rojava ! »(9)

Sources et notes :

(1) « Une centaine de militants kurdes arrêtés en Turquie avant Newroz », Challenges, 20 mars 2018
(2) YPG = Unités de protection du peuple, branche armée du Parti de l’union démocratique (PYD), branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène la guérilla kurde contre l’État turc. / YPJ = Unités de protection de la femme, organisation militaire kurde composée exclusivement de femmes. / FDS = Forces démocratiques syriennes, coalition militaire formée en octobre 2015 pendant la guerre civile syrienne composée à majorité par les YPG.
(3) « La nouvelle force de sécurité en Syrie formée par les Américains fâche Ankara », RTS INFO, 21 janvier 2018
(4) « Syrie : 16 civils tués dans un raid aérien turc sur un hôpital à Afrin », Le Point, 17 mars 2018
(5) « La prise d’Afrin par l’armée turque, documentée par les photographes de l’AFP », Le Monde, 19 mars 2018
(6) « Syrie: scènes de pillage à Afrine après l’entrée des forces pro-turques », Libération, 18 mars 2018
(7) « Plus de journaliste en Syrie, c’est le ministère qui l’a dit ! », France Inter, 19 mars 2018
(8) « Après Afrine, le président Erdogan menace d’élargir l’offensive turque », RTS, 20 mars 2018
(9) « Biji Rojava » signifie « Vive le Rojava », nom donné au Kurdistan syrien, sous l’influence d’une révolution sociale menée par le PKK, notamment marquée par le confédéralisme démocratique.

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