Le soutien à la Palestine s’étend jusqu’au Vigan, dans les Cévennes

Le Poing Publié le 22 octobre 2023 à 18:39
Une quarantaine de personnes se sont rassemblées au Vigan (Gard), le 22 octobre 2023, malgré une interdiction préfectorale

Le préfet du Gard Jérôme Bonet a interdit le rassemblement de solidarité au peuple palestinien, prévu ce dimanche 22 octobre à 15 heures devant la sous-préfecture du Vigan (Gard, Sud Cévennes). Selon lui, le mot d’ordre « Pour la paix, stop au nettoyage ethnique en Palestine » s’apparente à un soutien au terrorisme. Une quarantaine de personnes ont tout de même participé au rassemblement

La France est l’un des seuls pays au monde dont le ministre de l’Intérieur revendique vouloir interdire tous les rassemblements de soutien au peuple palestinien, à l’heure où les bombardements de l’armée israélienne sur la bande de Gaza s’intensifient avant une opération militaire terrestre qui s’annonce imminente.

Gérald Darmanin a partiellement été désavoué par le Conseil d’Etat, l’institution ayant considéré que le soutien à la Palestine n’était pas un motif suffisant d’interdiction mais laissant la possibilité aux préfets de tuer dans l’œuf les rassemblements aux cas par cas. Ainsi, à Montpellier, le préfet de l’Hérault François Xavier Lauch a prohibé la manifestation du 21 octobre, qui s’est finalement tenue, dans le calme mais avec détermination, après un recours déposé en urgence ayant permis de lever l’arrêté préfectoral.

Le rassemblement au Vigan n’a pas été déclaré, conformément à l’article L211-1 alinéa 2 du Code de la sécurité intérieure précisant que « sont dispensées de cette déclaration les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux ». Un recours n’était de toute façon pas possible étant donné que l’arrêté préfectoral a été publié le samedi 21 octobre et que le tribunal administratif ne se réunit pas le dimanche.

Les motivations sur lesquelles le préfet du Gard justifie l’interdiction de manifester sont douteuses : « Considération le mot d’ordre de cet appel à manifester qui est “Pour la paix : stop au nettoyage ethnique en Palestine” ; que ce soutien à diverses organisations terroristes va de pair avec une légitimation des méthodes terroristes que les organisateurs s’efforcent de justifier ou de minimiser au motif qu’il s’agit d’une forme de résistance nécessaire ». En un tour de passe-passe, et sans démonstration aucune, le préfet parle d’un « soutien » à « diverses organisations terroristes ». Nous en sommes là.

Jérôme Bonet, en costard-cravate, préfet du Gard depuis le 21 août 2023

Malgré l’interdiction préfectorale, relayée par la mairie du Vigan, et la présence d’une dizaine de gendarmes sur place, une quarantaine de personnes se sont tout de même rassemblés pour exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien, malgré une dissolution rapide, sous la pression des gendarmes, pour éviter des amendes. Voici le discours lu lors du rassemblement :


« Le 7 octobre 2023, le Hamas, groupe armé islamiste palestinien, a lancé une attaque d’ampleur contre Israël, tuant des centaines de civils.

Parlons d’emblée d’antisémitisme. L’attaque du Hamas a en particulier suscité l’effroi des Juifs et des Juives à travers le monde, et on ne peut que partager leur indignation. Dénonçons l’hypocrisie de l’extrême-droite qui, par son soutien au gouvernement d’extrême-droite israélien, tente de masquer son antisémitisme historique. Darmanin ose interdire les manifestations de soutien au peuple palestinien au nom de la lutte contre l’antisémitisme, alors qu’il a publié en 2021 un livre dans lequel il soutient la politique, antisémite, de Napoléon à l’égard des Juifs, qu’ils associent à des “usuriers”, reprenant ainsi un vieux poncif antisémite. Parce qu’ils sont islamophobes, on en oublierait presque qu’ils sont antisémites.

Evoquons aussi le projet politique du Hamas. Leur projet est clair : instaurer un Etat islamique, pourchasser les homosexuels, opprimer les femmes, emprisonner leurs opposants, à commencer par toutes celles et ceux qui se revendiqueraient anarchiste, communiste ou révolutionnaire. Nous ne pouvons pas d’un côté, supporter les femmes qui se battent pour leur droit en Iran, et d’un autre côté, fermer les yeux sur le projet du Hamas, largement influencé par l’Iran. Rappelons aussi que la société palestinienne est politiquement divisée que nous avons très peu d’informations sur les opinions réelles des habitants de Gaza.

Pour comprendre le contexte dans lequel s’est déroulé l’attaque du Hamas, il faut comprendre que la notion de terrorisme est une impasse intellectuelle. On peut comprendre que des proches des victimes emploient ce terme pour évoquer l’horreur de la situation. La notion passionnel de terrorisme nous fait sortir de la politique, de l’histoire, et permet, pour la personne qui l’emploie, de se draper automatiquement dans le camp du Bien, de la civilisation, sous-entendu du monde occidental, qui s’opposerait au camp du Mal, aux Barbares, qui serait assimilé, étant donné la période islamophobe, au monde musulman. Il faut totalement refuser cette vision du monde qui mobilise une théorie raciste et autoréalisatrice du choc des civilisations.

Le contexte historique dans lequel s’est déroulé cette attaque du Hamas n’est pas si compliqué qu’on ne le dit. Ce contexte, c’est celui de l’oppression coloniale de l’Etat d’Israël sur les Palestiniens, c’est un régime d’apartheid meurtrier, les colons israéliens qui chassent les Palestiniens de leurs maisons, grapillent toujours plus de terre et emprisonnent et torturent les Palestiniens qui osent protester. Les souffrances des Palestiniens ne prennent pas la forme de témoignages, mais de statistiques. L’ONU, dans un rapport de février 2019, parle de “crimes contre l’Humanité”. L’ONU a condamné près de 20 fois la colonisation de l’Etat d’Israël. Ce à quoi nous assistons n’est pas une opération militaire visant l’éradication du Hamas, mais des crimes de guerre massifs contre l’ensemble de la population palestinienne. Le porte-parole de l’armée israélienne a parlé “d’animaux” au sujet des habitants de la bande de Gaza, avant d’annoncer qu’il coupait l’eau, le gaz et l’électricité. Il a ordonné le déplacement de plus d’un million d’habitants du nord au sud de gaza, tout en bombardant celles et ceux qui fuient et qui n’ont de toute façon nulle part où aller. Il a publié avec fierté sur les réseaux sociaux des vidéos d’immeubles bombardés. L’ONU est clair : “les Palestiniens courent aujourd’hui un grave danger de nettoyage ethnique massif”. Personne ne pourra dire qu’il n’était pas au courant.

Aujourd’hui, nous réclamons la paix, la levée du blocus de Gaza, l’arrêt immédiat des bombardements, la fin de l’occupation de la Palestine par Israël et le droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

“Pour écrire une poésie / qui ne soit pas politique / je dois écouter les oiseaux / Et pour écouter les oiseaux / il faut que le bruit du bombardier cesse” Marwan Makhoul, poète palestinien. »

Une banderole a été brandie sur la place de la mairie du Vigan, en plein milieu de la Foire de la pomme et de l’oignon

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