Les hospitaliers en lutte se réfèrent au meurtre de Minneapolis

Le Poing Publié le 2 juin 2020 à 16:58 (mis à jour le 2 juin 2020 à 19:34)

Pas plus de quatre-vingt personnes au deuxième “mardi de la colère”, alors que la gestion hospitalière révèle la rude fabrique des invisibles

Syndicaliste CGT du Centre hospitalier universitaire de Montpellier, c’est à nouveau Rémy Ruiz qui a prononcé une allocution à l’occasion du deuxième “mardi de la colère”. Une fois de plus on ne pourra l’accuser de s’en tenir à des discours tout faits. Par exemple, ses premiers mots ont été pour en référer aux émeutes en cours aux USA. Il y voit la marque d’ « une injustice systémique, répandue partout » ; et d’une injustice qui renvoie « à la discrimination, aux invisibles, à la précarité. La discrimination est parfois très visible. Mais elle peut être aussi très discrète, et avancer à pas feutrés, par exemple sur les lieux de travail ».

Ces propos pertinents étaient tenus devant trop peu de monde, dans un endroit oublié, à l’extrémité de la ville. Paumé dans le dédale du parc Euromédecine, un ensemble de bâtiments hideux abrite la pharmacie, la lingerie et la cuisine du CHU de Montpellier. Environ deux cents personnes travaillent là, sans qui rien de l’établissement ne pourrait fonctionner. Par exemple, neuf mille repas y sont préparés chaque jour à destination des patients hospitalisés.

L’hôpital de demain ne pourra se faire qu’avec tous ses métiers, comme ceux-là, invisibles, alors qu’on les désigne aujourd’hui comme « les fonctions supports, à qui on enlève même leurs noms », dénonce Rémy Ruiz,manière de les rendre « invisibles, jetables, externalisables » et soumis à « des contrats précaires, pendant des années et des années avant titularisation ». En quoi le syndicaliste pointe « l’ubérisation » du monde hospitalier aussi, qui en « fragilise toute la capacité de résilience. Aujourd’hui, ça n’est plus les outils et les logiques de gestion qu’on adapte aux besoins des services et des patients », mais « les services et les patients qu’on adapte aux outils et aux logiques de gestion ».

Seuls une vingtaine de patients s’étaient réunis pour cette mobilisation. Il faut dire que ces “mardis de la colère” ne sont pas des journées de débrayage. Cela en modère d’emblée l’impact. Et le choix du lieu de rassemblement, éminemment symbolique sur le fond, n’avait rien pour le rendre évident. Reste qu’on y sent la reconduction d’usages syndicaux traditionnels, quand le contexte semble appeler un tout autre niveau d’invention et de détermination. Certes, l’orateur avait eu le bon esprit de remercier les non hospitaliers pour leur présence, eux trois fois plus nombreux, gilets jaunes pour l’essentiel. Et d’emblée il établi le parallèle entre violences policières Outre-Atlantique et usage des LBD en France.

Ainsi a-t-on vu au moins se dégager quelques horizons d’ouverture, de solidarité, et de luttes. Parole fut laissée à Jeunesse jamais ne cède, pour appeler au rassemblement de ce mercredi 18h sur la Comédie en lien avec les soulèvements aux USA. Et Kaïna, l’une des blessés graves du mouvement gilet jaune à Montpellier prit aussi la parole, elle pour appeler les hospitaliers à ne pas confiner leurs luttes et au contraire les rendre très visibles sur la place publique. Justement, le prochain “mardi de la colère” devrait se dérouler sur le grand rond-point devant l’entrée de l’hôpital Lapeyronie. Lequel se voudrait un lieu d’échanges pour envisager « la construction de l’hôpital d’après ». Soit un parfum gilet jaune dans la forme… Quant à l’énergie sur le fond ?

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