Les pirates, ces bandits démocrates !
La première fois que l’on se rend compte que l’école nous ment, ou du moins qu’elle occulte une partie de la vérité, on se sent trahit, souillé tel un enfant se réveillant de la sieste avec Frédéric Mitterrand. L’histoire de la piraterie en est le parfait exemple…
Une brève histoire de la piraterie
Les mers et les océans étant de vastes espaces quasiment impossible a contrôler pour les empires, les pirates sévissent depuis que l’homme navigue sur les eaux. Les Phéniciens comme les Mycéniens ou encore Jules César ont payé les frais de ces bandits des mers acharnés. Mais l’imagerie que l’on a aujourd’hui des pirates, celle du vieux capitaine sanguinaire bourré au rhum avec sa barbe, sa jambe en bois et son cache-œil, provient des années 1650 à 1730. C’est ce qu’on appelle l’âge d’or de la piraterie.
Durant cette période, trois générations différentes de pirates vont régner sur les mers :
– les boucaniers (de 1650 à 1680) viennent essentiellement d’Angleterre, du nord de la France et des Pays Bas. Protestants, ils attaquent principalement les navires de l’Espagne catholique pour s’enrichir, pouvant travailler soit à leur compte soit en tant que corsaires.
– Ensuite, les pirates des années 1690, représentés par Henry Avery et William Kidd, s’installent dans l’Océan Indien en établissant une base sur l’île de Madagascar devenant le repère de nombreux pirates. Rhum, jeu d’argent et prostitué(e)s sont le quotidien de ce lieu libertin.
– Puis (entre 1716 et 1726) arrive la génération de pirates la plus nombreuse et la plus déterminée, celle qui nous importe. Durant cette période, plus de 4000 hérétiques vont épouser le fameux drapeau du Jolly Roger (qu’ils inventent à cette période). La guerre de succession d’Espagne étant tout juste achevée, les empires n’ont plus besoin des services des corsaires ; dans ce nouveau monde globalisé au marché économique prospère, les pirates sont dorénavant considérés comme les ennemis jurés de la monarchie. Sous le soleil des Antilles, d’Amérique du nord et d’Afrique de l’Ouest, ces hommes, dont la seule nation est l’océan, attaquent, pillent et coulent désormais sans relâche les navires de tous les pays, jusqu’à provoquer une crise économique.
Qui sont ces bandits des mers ?
Les pirates sont des gens du peuple. Principalement d’anciens marins de la Royal Navy, de la Marine marchande, des corsaires, des pêcheurs ou des hommes de la baie. Mais de 1716 à 1726, un bateau pirate n’est pas composé que d’hommes blancs occidentaux. Sur le pont se mélangent des individus de toute les nations, d’anciens esclaves affranchis, des amérindiens et même parfois des femmes. Les pirates n’ont, bien avant les penseurs humanistes, fait aucune distinction de classe, de race, de nation et pour certains de genre.
Entre les maladies dévastatrices, les maigres repas infâmes, les accidents, les salaires très faibles ajoutés à la discipline injuste et brutale, les conditions de vie en mer sont exécrables. Le capitaine Samuel Johnson affirme qu’ « être sur un bateau, c’est se retrouver en prison avec de fortes chances d’être coulé. En prison, un homme a plus de place, une meilleur nourriture et souvent une meilleur compagnie ». Il n’est donc pas étonnant que ces gaillards décident de franchir le pas de l’insurrection. La piraterie donne l’espoir d’une vie meilleure bien que courte. Le pirate « typique » navigue sous le pavillon noir un an ou deux, rares sont ceux qui restent vivants plus longtemps.
On a souvent qualifié nos protagonistes de barbares sanguinaires, alors qu’eux se considèrent comme des hommes honnêtes. Lorsqu’un abordage est réussi et que l’ennemi a capitulé, ces bandits des mers ne tuent jamais pour le plaisir. Beaux joueurs, après avoir tout pillé, ils proposent aux vaincus de rejoindre leur équipage et les laissent repartir s’ils refusent.
Une organisation égalitaire et démocratique
Ne souhaitant pas reproduire la société contre laquelle ils se sont rebellés et ayant une haine viscérale de la hiérarchie, les pirates vont être les précurseurs d’une organisation politique égalitaire et démocratique.
Lorsque une mutinerie éclate dans un bateau, ces nouveaux affranchis se concertent afin d’établir une charte comprenant quelques règles de vie de base. Ensuite, ils élisent un capitaine pour son tempérament courageux et ses compétences de navigation. Ce dernier n’a pratiquement aucun privilège, il a la même ration de nourriture que les autres membres de l’équipage et ne dispose pas de cabine personnelle. On lui garantit une autorité incontestée pour le combat, mais pour tous les autres aspects quels qu’ils soient, il est gouverné par la majorité. Afin d’éviter les abus d’autorité, les pirates élisent également un officier appelé quartier-maître dont les pouvoirs contrebalancent celui du capitaine. Le capitaine ne peut entreprendre quelque chose sans que celui-ci ne l’ait approuvé. Il bénéficie d’une grande confiance, de la responsabilité de redistribuer justement la nourriture, les butins amassés et de prendre en charge le nouveau vaisseau capturé. Cependant malgré leur statut, ni le capitaine, ni le quartier-maître ne représentent l’autorité la plus haute sur le bateau. C’est le conseil commun (réunissant tous les pirates à bord) qui prend les décisions ayant le plus de conséquences sur le bien commun. Le principal objectif de ce conseil est d’élire ou de destituer de ses fonctions le capitaine et le quartier-maître, de déterminer les lieux où les captures seront les plus florissantes et de résoudre tout conflit majeur. Sur un bateau pirate, c’est l’équipage et non le chef qui est souverain. Même le capitaine le plus féroce ne se risquerait pas à défier le conseil.
Dans le but de mener une vie paisible, en sirotant leur rhum-coco les pieds dans l’eau, de nombreux pirates vont s’installer sur des îles désertes paradisiaques. Fondant ainsi des communautés libertaires, républicaines et démocratiques calquées sur leur modèle d’organisation en mer. La plus connue est sans doute celle de Libertalia, basée sur l’île de Madagascar, elle aurait perduré pendant 25 ans. Mythe ou réalité, personne ne peut affirmer qu’elle ait concrètement existée. Mais l’important n’est pas là. Elle représente avant tout l’utopie, le combat politique, social et philosophique que ces hors-la-loi ont mené au péril de leur vie.
Merlin
Cet article est inspiré du livre « Pirates de tous les pays » de Marcus Rediker
Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :