Les soutiens aux livreurs verbalisés à la recherche de livreurs mobilisés
Malgré la brutalité de Delafosse à l’encontre des livreurs à scooters, ces derniers peinent à se mobiliser à Montpellier. Ielles brillaient par leur absence au rassemblement censé les soutenir. Mais tout pourrait changer très vite.
Une soixantaine de personnes se sont rassemblées sur la place devant l’Hôtel de Ville ce samedi, pour dénoncer les verbalisations de livreurs à scooters, toujours aussi nombreuses dans l’Ecusson. Les personnes réunies étaient celles rompues à la mobilisation sociale, dans la foulée du mouvement des Gilets jaunes, notamment ceux de Près d’Arènes. Les divers orateurs ont posé les paramètres du problème : alors que les livreurs, en pleine crise du Covid, sont encore plus pressurés qu’habituellement, ils sont aussi ceux qui permettent aux restaurateurs de sauver une bonne part de leur activité. Mais c’est eux que la mairie pourchasse, au nom de l’interdiction de circuler dans les rues piétonnes.
Un livreur présent a eu le courage de prendre la parole en public, alors que la peur règne chez des travailleurs que ne protège aucune statut, censés être des auto-entrepreneurs indépendants, avec lesquels les plateformes nient tout engagement de type salarial. Non sans les géolocaliser lorsqu’ils s’attardent dans une manifestation. Le jeune homme a expliqué : « Les restaurants sont situés en centre-ville. Comment veut-on que nous allions y prendre les commandes s’il nous est interdit de circuler ! C’est totalement absurde ». Ironiquement, il relève que « les résidents du centre-ville, que nous gênons paraît-il avec le bruit de notre circulation, sont les premiers à bénéficier eux-mêmes de dérogations pour circuler ».
Fort raisonnablement, ce même livreur s’étonnait : « serait-il si compliqué de prévoir un régime spécifique qui nous permette de travailler, exactement comme les services municipaux qui vont et viennent avec leurs véhicules? ». Oui, mais Montpellier s’est dotée d’un maire socialiste, empressé à se montrer « fort avec les faibles et faible avec les forts », selon l’expression d’Alenka Doulain, conseillère d’opposition, qui portera la question en assemblée municipale ce lundi. Elle déplore que « jamais la voie de la concertation n’a été explorée dans cette affaire ». Seulement celle de la répression, dans cette ville nouvelle championne de la sécurité, vantée par l’hebdomadaire d’extrême-droite Valeurs actuelles, ou le quotidien des milieux d’affaire ultra-libéraux L’Opinion.
Pour l’heure, Montpellier n’a pas été gagnée par la mobilisation grandissante des livreurs, qui arrache quelques débuts de reculs aux plateformes néo-esclavagistes de l’économie ubérisée. Nos confrères de Rapports de force ont consacré un article approfondi à ce mouvement . Au rassemblement, Hamza Zaïri, responsable CGT, nous confiait son souhait que « ces travailleurs s’organisent de façon fiable » (oui mais leurs bases sont terriblement friables), « qu’ils se regroupent sur leurs lieux de travail » (oui mais ceux-ci sont la rue, où ils seraient indésirables), « pour construire leurs revendications avec des salariés de leur fédération, de la restauration par exemple » (oui mais ils ne sont pas salariés, et n’ont pas de fédération).
Sans rien mettre en doute de la bonne volonté en cause, et tout en sachant que la CGT est la première à mettre sur pied des groupements syndicaux ad-hoc, on ne pouvait que constater, pour l’heure, le fossé culturel entre le milieu militant regroupé à l’écoute des discours, et les premiers concernés. Peu à peu, on se rendait compte que certains livreurs étaient malgré tout dans les parages, au courant de ce rendez-vous, mais restant à une distance prudente, d’observateurs circonspects.
Doit-on se méfier des eaux dormantes ? L’un de ces jeunes gens nous confiait qu’un réel début d’organisation serait en cours. Il jure qu’ « on en aura bientôt des nouvelles ». Soudain tranchant : « mais ça ne sera pas avec ces gens-là » (les militants avec leurs tracts, leurs bannières, leurs autocollants, au point, cette fois, de sembler une espèce à part). La réalité de l’exploitation la plus brute, l’isolement de chacun dans son activité, la compétition de tous contre tous, fondent un univers pour l’instant hermétique aux grandes références des traditions militantes.
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