Les troublantes conditions d’installation des antennes 5G sur Montpellier

Le Poing Publié le 30 décembre 2020 à 14:07
Antenne 5G (image d'illustration libre de droit)

L’association Robin des toits estime que la municipalité montpelliéraine ne fait rien pour encourager vraiment la transparence autour de l’implantation des nouvelles antennes de radiotéléphonie. Les documents d’urbanisme font-ils défaut ?

« Avec son maire apparenté Rassemblement national, on ne peut vraiment pas dire que la Ville de Béziers soit un modèle de fonctionnement démocratique » constate Bruno Goupille, qui réside dans cette sous-préfecture de l’Hérault. Le coeur serré, il poursuit : « Mais force est de constater que pour l’implantation de la 5G, le dispositif mis en place à Béziers est plus limpide que celui auquel nous avons affaire à Montpellier ». Bruno Goupille parle en connaissance de cause. Il est le délégué régional Languedoc-Roussillon de l’association Robin des toits.

Cette association de bénévoles s’inquiète de « la sécurité sanitaire dans les technologies sans fil ». La mise en place à marche forcée de la 5G, en cours dans tout l’Hexagone, est son grand cheval de bataille. Cette nouvelle technologie assure une vitesse de connexion dix fois supérieure à la 4G. Elle permet un saut énorme dans l’interconnexion de tous les réseaux existants. Il faut d’ailleurs s’en inquiéter pour quantité d’autres raisons que seulement la santé des habitants soumis aux ondes générées par les nouvelles antennes.

D’un point de vue d’écologie anticapitaliste, la 5G poursuit la fuite en avant vers un système de traçage, reconnaissance et surveillance intégral des activités humaines. Elle s’engouffre dans la logique de surconsommation dématérialisée, et de virtualisation généralisée des interactions. Tout cela entraînant une surenchère de consommation énergétique, de mondialisation et délocalisation de la production et de la vente des équipements nécessaires. Cela passant par l’épuisement des terres rares, et la surexploitation des mains d’œuvres à bas coûts qui sont assignées à cette production. La 5G est l’arme technologique industrielle et grand public la plus nécessaire à l’expansion des GAFAM et de leur monde.

Reste que c’est bien sous l’angle sanitaire, conforme à son association, que le militant biterrois a été attiré sur le terrain montpelliérain. En ville, plusieurs habitants s’inquiétaient de l’annonce d’installation de nouvelles antennes sur leurs toits. Cela particulièrement sur des immeubles de l’ACM, l’empire HLM qui dépend directement de la ville de Montpellier. Et c’est à partir de là que Bruno Goupille a relevé la grande difficulté qu’il y a à faire entendre le point de vue des habitants dans cette ville. Il reprend l’exemple de Béziers : « Ça n’est certes pas idéal. Mais au moins, les projets d’installation d’antennes sont annoncés sur les panneaux d’infos lumineux. Et on peut aller se renseigner à un guichet unique en mairie ».

On aurait pu rêver d’un Montpellier bien plus exemplaire en la matière. La ville et sa métropole ont fait partie des cinq zones du territoire national pour une phase de test d’utilisation de la 5G, entre juillet 2019 et mars 2020. Une opération ici mise en œuvre par l’opérateur Orange. Le maire décisionnaire fut Philippe Saurel, le prédécesseur de Michaël Delafosse, pour qui la French Tech et la Smart City tenaient lieu de rare et maigre projet vitrine. Changement de maire ou pas, un pli a été pris : « Pour les opérateurs, les places sont très chères à Montpellier, car il y a déjà énormément d’antennes en place. C’est saturé. Difficile de trouver de nouveaux sites » évalue le militant associatif.

L’opération test ne prévoyait aucune étude d’impact environnemental. Ni consultation publique. Quand Thierry Alighan, délégué Orange pour l’Est-Occitanie, l’évoque dans Midi Libre du 7 octobre, il n’en parle qu’à la façon d’une enquête de satisfaction clients : « 300 testeurs volontaires ont été sélectionnés. On leur a prêté un téléphone. Finalement, ils étaient deux fois plus satisfaits qu’avec la 4G ». Quelle merveilleuse surprise !

Depuis, les Montpelliérain.es ont vécu les fêtes de fin d’année soumis à un bombardement publicitaire d’Orange pour ses produits 5G tout public. Et le 15 décembre, ce même opérateur rendait public un communiqué triomphal annonçant l’ouverture de son réseau public, couvrant la quasi-totalité de la population de la ville centre, augmentée de Saint-Jean-de-Védas, Juvignac, Castelnau-le-Lez, Le Crès et Vendargues.

Plus de cinquante antennes fonctionnent à plein débit. Or, selon Bruno Goupille, les dossiers d’autorisation d’urbanisme correspondants n’auraient pas été instruits. Le Code de l’urbanisme prévoit que « les antennes de radiotéléphonie mobiles doivent dorénavant être précédées d’une déclaration préalable de travaux » en mairie(source Le Moniteur des travaux, 12 décembre 2018, à l’issue des modifications de décret les plus récentes), « avec un délai d’instruction d’un mois » visant à s’assurer de la conformité du projet avec les dispositions du Plan local d’urbanisme.

Bruno Goupille raconte comment le 21 octobre 2020, accompagné par une habitante concernée, il est reçu par un Instructeur des autorisations d’occupation du sol (AOS) des services de l’urbanisme de Montpellier Méditerranée Métropole. Il ne vient se renseigner qu’à propos de trois antennes particulières. Mais il a sur lui la liste de vingt-six antennes alors installées. Celles-ci sont très faciles à lister, sur les documents de Cartoradio, qu’édite en ligne la très officielle Agences nationale des fréquences (ANFR).

Là, à sa grande surprise, mais tout autant celle du fonctionnaire qui lui répond, impossible de trouver trace, sur l’ordinateur, des dossiers d’autorisation de travaux correspondants. Aujourd’hui, il s’exclame : « C’est énorme. Une négligence sur une ou deux antennes, on veut bien. Mais sur cinquante, cela fait une politique. En fait, les opérateurs font ce qu’ils veulent à Montpellier ». Bruno Goupille voit là « une situation illégale », nécessitant « un démontage de ces antennes, et non une simple mise en conformité après coup ».

Le Poing s’est tourné vers le service de presse de la Mairie et Métropole de Montpellier, dans l’espoir de vérifier leur version des faits, et recueillir un éventuel commentaire politique. Si elle vient, la réponse sera répercutée dans ces pages. Mais le délégué de Robin des Toits n’a pas attendu pour se tourner directement vers le responsable de la police de l’urbanisme – comme on le lui a conseillé en mairie – mais aussi Maryse Faye, adjointe au maire chargée de l’urbanisme. Cela sans recevoir la moindre réponse, fût-elle de simple courtoisie, comme il en va systématiquement pour ses autres courriers, demandes d’entretiens ou recours gracieux, adressés également au maire Michaël Delafosse, ou au président d’ACM Habitat Michel Calvo.

Il nous explique un peu plus le détail du dispositif : « En 2015, portée par une députée écologiste, Laurence Abeille, une loi était votée pour favoriser la sobriété, la transparence et la concertation » en matière d’exposition aux ondes électro-magnétiques. Sa principale disposition : l’obligation, pour les opérateurs, de déposer un Dossier information mairie (DIM), un mois avant la demande d’autorisation de travaux, autre démarche qui relève, elle, des services d’urbanisme.

L’objet du DIM est de fournir quantité d’éléments nécessaires à l’information de la population concernée par une installation d’antenne. L’intention est louable. A ceci près qu’il revient ensuite au maire de juger des moyens appropriés pour transmettre ces informations et donner aux riverains, premiers concernés, la possibilité de formuler leurs observations. A Tours, dont le nouveau maire était délégué régional de Robin des toits, des réunions de quartier sont organisées, sur la base des DIM déposés en mairie. D’autres villes, comme Grenoble, Blois, Bayonne, ont mis en place des observatoires, où siègent des membres d’associations d’usagers.

Mais à Montpellier, « il faut se contenter d’un vague affichage, plus ou moins compréhensible, derrière l’escalier des parties communes ». Seuls des résidents très curieux, des locataires ACM pas trop inquiets d’éventuelles retombées, osent se manifester ; du moins se retournent vers Robin des toits. Le délégué régional explique alors : « le DIM, et la supposée déclaration de travaux (et instructions d’urbanisme afférente) ne sont pas traités par le même service. Première complication. Deuxième problème : on ne trouve donc pas trace de cette instruction d’urbanisme, pour un nombre d’antennes qui dépasse désormais la cinquantaine. Le DIM n’est qu’informatif. C’est sur la conformité d’urbanisme qu’on pourrait attaquer la décision devant le Tribunal administratif. Mais on n’a pas le document. Donc pas d’attaque possible ».

Resterait la procédure pour préjudice, devant le Tribunal de Grande instance, sur la moins value immobilière, ou le préjudice sanitaire subis. « Mais bon, là il y en a pour quatre ans, afin de conclure, selon la jurisprudence, à une simple demande de mise en conformité a posteriori » souffle le militant associatif, sans illusion. Il conclut : « La seule solution serait qu’un maire déterminé tape du poing sur la table ».

Le 13 septembre dernier, treize maires de grandes villes figuraient parmi les signataires d’une tribune exigeant un moratoire sur l’implantation de la 5G. Cela en conformité avec les attentes de la Convention citoyenne sur le climat, et dans l’attente de résultats d’études sérieuses sur les seules conséquences sanitaires de cette technologie. Macron insultait tout ce monde d’amish. Quant au maire de Montpellier, il brillait par son absence au bas de cet appel. Pressé par Alenka Doulain (Nous sommes) au Conseil municipal suivant, il s’enorgueillissait d’avoir refusé l’implantation d’antennes sur les bâtiments publics de la ville. Certes, mais le pourcentage d’immeubles en cause est ridicule, au regard du tissu urbain.

Pendant ce temps, ACM Habitat, l’organisme HLM rattaché à la ville, loue ses toits à qui en veut. Quant au premier magistrat, au lieu de rejoindre clairement ceux qui réclament un moratoire – le strict minimum – il s’en tient vaguement à « voir les décisions engagées au niveau national » (soit le tout-5G ???) et dit le refus « de polluer davantage la ville. Là je dis non. Très clairement ». Ouf. Sur le terrain, on a vu s’impliquer des militants d’EELV, dont les élus font partie de la majorité municipale par ailleurs. « Leur groupe local s’est prononcé, mais c’est seulement sympathique. Ils ne sont pas décisionnaires » relève Bruno Goupille, qui n’est pas du genre à manier l’ironie gratuite.

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