Les Voleurs de visages, Didier Blonde
À tous les nostalgiques des héros borderline à l’ancienne !
Cet essai critique analyse finement les figures mythiques inspirées de faits réels (D’Artagnan et Cartouche, repris par Alexandre Dumas), ou nés sous la plume de romanciers du XIXe, tels Rocambole (Ponson du Terrail), Le Bossu (Paul Féval), Rodolphe (Eugène Sue), puis au début du XXe les incontournables Arsène Lupin (Maurice Leblanc) et Fantômas (Marcel Allain et Pierre Souvestre).
Solidaires des classes populaires, révoltés par les inégalités sociales et raciales, voire un tantinet anarchistes, les voleurs de visages rient au nez rougeaud de l’Autorité, tirent la barbe poussiéreuse des conventions, et triomphent des préjugés de l’époque. Ce sont de véritables Protée(1) refusant tout déterminisme. Leurs aventures, publiées en feuilletons dans les grands quotidiens, ont tenu en haleine des centaines de milliers de lecteurs. Ces Robin des Bois indépendants et modernes incarnent ce que le roman représente au sein de la littérature : un bâtard aimé du peuple, qui par des emprunts multiples cherche à se construire une identité propre. Nul mieux que Didier Blonde pour vous expliquer tout cela : un style quelque peu grandiloquent, aisément excusable eut égard à l’affection sincère du spécialiste pour les personnages, et paradoxalement d’une facilité déconcertante à lire. À déguster dans le fauteuil fleuri usé de votre mamie, trois chats sur les genoux.
Extrait : « Il change de nationalité, d’âge ou de sexe quand bon lui semble, parle toutes les langues, contrefait tous les accents, imite toutes les écritures. Plus rapide que Frégoli dans ses travestissements, il se métamorphose en petit vieillard difforme, réapparaît en clubman, il peut être religieuse en cornette ou mauvais garçon en casquette selon les circonstances. Blond ou brun, grand ou petit, jeune ou vieux, il est tout et son contraire. Fait de bric et de broc, sens dessus dessous, tantôt l’un, tantôt l’autre, « il est ceci aujourd’hui et cela demain », ici et là, c’est l’homme du ça »(2).
Eva
(1) Dans la mythologie grecque, divinité marine capable de métamorphose. Se fait notamment tataner par Hercule au onzième des douze travaux.
(2) Les Voleurs de visages, Paris, éd. Métailié, 1992, Introduction
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