Archives - Musique 17 janvier 2014

Lucio Bukowski, Ludovic Villard : la subversion contemporaine

Lucio_Bukowski_Terres_Hip_Hop_2014

« Tous ont confondu l’Homme libre et l’esclave sans chaînes »

Le titre de mon article semble comporter une antinomie. La subversion apparaît comme incompatible avec notre époque : il n’y a plus de penseurs politiques, plus de philosophes, plus de grands hommes, plus d’artistes éhontés… Et bien non, foutaises ! Mon titre est bon car je peux vous parler de Lucio Bukowski (rappeur) et de Ludovic Villard (aka Lucio Bukowski).

Passé vingt ans le rap « nique le système » et manichéen, on en a un peu soupé et cela même si un petit morceau d’Art de rue de la Fonky Family peut faire le plus grand bien de temps en temps.

Comme souvent au cœur d’un chaos – actuellement incarné par le couple cacophonique « pseudo rap de gauche » moralisateur et « game » ultra-capitaliste – la lumière finit par apparaître au cœur de l’étendue de vide. Lucio Bukowski incarne ce flash, ce talent inespéré pour ceux qui avaient bien cru devoir arrêter d’écouter du rap.

Symbiose entre l’anarchiste, le réactionnaire anti-moderne et le poète misanthrope, Lucio Bukowski nous offre des textes d’une rare puissance politique et philosophique parsemée d’égotrips qui pallieront une pénurie de boisson énergisante. En effet, ce rap d’érudit peut être écouté tant pour nourrir sa pêche matinale que pour alimenter son humeur triste. Ne sachant jamais si, chez le rappeur, le coté conservateur – son amour du papier face aux armées d’Iphones – va finir par l’emporter sur ses convictions d’extrême gauche, nous sommes de toute manière transportés de vérités politiques – « si Jésus revenait l’OMC lui découperait les couilles » – en ressentis philosophiques poignants : « tu peux toujours lutter le réel est une brute épaisse. »

Les images poétiques, tantôt désabusées, tantôt crachant la vie – « je traîne un sac de ruines, ça fait joli sous la lune » – sont omniprésentes et font mouche lorsqu’elles sont posées sur une instrumentale des meilleurs beatmakers de France (Oster Lapwass, Cheep, Mani-Deïz…).

Le poète met des mots sur ce que l’on ressent : même encore jeune, la jeunesse est derrière nous et il faut bien admettre que « les sandwichs au sucre ont perdu leur goût de magie ». Mais Lucio Bukowski c’est aussi le rap violent et casseur de codes : « Quand l’État sera crevé je serai patriote » nous crie le libertaire des années 2000.

Le bon rap, pour moi le meilleur, est bien là. Alors à Lucio qui déclare dans un track « qu’un jour il lâchera le rap pour finir ce livre », on peut suggérer de ne rien en faire et de plutôt finir le livre en parallèle. Mais heureusement, pour l’instant, le passage du rap à l’écriture (publiée) ne se fait pas au détriment de la musique puisque Lucio Bukowski prépare son énième EP qui sortira en février prochain et s’intitulera « L’Homme vivant ». Ludovic Villard, son double pour l’état civil, vient quant à lui de contribuer à l’excellent projet Reset : une contre-histoire de Lyon publié par les Editions Le Feu Sacré. De jeunes écrivains proposent des nouvelles gratuites publiées en ligne tous les mois. Nous est conté ce qu’est le Lyon réel, le Lyon des hommes qui donnera un autre regard que celui proposé par la politique touristique de l’ancienne capitale des Gaules.

La subversion et l’anti-monde sont là, écoutez, lisez !

L. R

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