Mineurs isolés : le département de l’Hérault refuse de protéger les enfants étrangers

Le Poing Publié le 13 octobre 2017 à 11:18 (mis à jour le 10 mars 2019 à 22:26)

À Montpellier comme dans toutes les grandes villes de France, le nombre de mineurs étrangers non accompagnés est en constante progression. D’une centaine de jeunes en 2015, on est passé à 240 en 2016 et ce chiffre va probablement doubler pour l’année 2017. Le département a l’obligation de les héberger et de les nourrir au nom de la protection de l’enfance mais pour se défausser de cette responsabilité, les autorités publiques font tout pour contester leur minorité. Le Poing s’est entretenu avec des membres du Réseau Accueil Insertion Hérault (Raih) et du Réseau Education Sans rontières (Resf) pour comprendre l’ampleur de ce drame politique et social. Extraits.

Une porte d’entrée obligatoire : le commissariat

Dans l’Hérault, l’aide sociale à l’enfance (ASE) a décrété que tous les mineurs étrangers devaient d’abord passer par l’hôtel de police. « Hier, un  Algérien de 15 est venu nous voir nous raconte Thierry de Resf, et quand on lui a dit qu’il devait aller au commissariat, il était traumatisé ». La police appelle ensuite un éducateur de l’ASE et comme il n’y a de la place nulle part, sauf pour les très jeunes, ils sont envoyés dans l’un des hôtels qui a signé un accord de partenariat avec le département. Ils peuvent y rester des semaines avant que le processus de prise en charge ne s’engage. Tout  commence par un rendez-vous avec l’Avitarelle ou Raih, l’une des deux associations sous contrat avec le département pour « accompagner » les mineurs étrangers. « On a plus le temps de s’occuper des jeunes dans la durée nous confie Daniel de Raih, on les évalue pendant 5 jours et on écrit un rapport d’évaluation sur lequel on se positionne concernant la minorité du jeune en se basant sur son comportement et sur des entretiens individuel ». Le jeune est ensuite envoyé à la police aux frontières (PAF) pour déposer ses papiers d’identité, faire des prises d’empreintes, qui seront stockées dans la base de donnée européenne Eurodac, et vérifier les pays par lesquels il a pu passer. S’il est déclaré mineur, il est en théorie placé dans un foyer, un centre d’accueil, un hôtel ou, plus rarement, dans une famille d’accueil. Dans la pratique, toutes les structures d’accueil sont saturées et même les squatteurs sont réticents à les accueillir car comme ils sont mineurs, cela engage leur responsabilité pénale. Beaucoup sont à la rue.

Une voie de sortie privilégié : la prison

Si les autorités ont un doute sur la minorité du jeune, les embrouilles commencent. « Pour la PAF, le mineur isolé, c’est avant tout un fraudeur. S’il donne aux policiers un acte de naissance, ils vont essayer de trouver n’importe quoi pour prouver que c’est un faux ou qu’il appartient à quelqu’un d’autre, et ça se termine en test osseux. » s’indigne Thierry. Décrié par l’ensemble des corps médicaux, le test osseux est une radio de la main et du poignet gauche censé donné l’âge d’une personne avec une marge d’erreur d’au moins… 18 mois ! « À l’époque, Christiane Taubira, alors garde des sceaux, nous avait dit ‘‘ne vous inquiétez pas, le test osseux, on le fera de manière exceptionnelle’’ et en fait, c’est systématiquement appliqué » constate Thierry. « Il y a une grande hypocrisie parce que quand un test osseux dit que quelqu’un est majeur, la préfecture dit que c’est fiable, mais si le test osseux dit qu’il est mineur, alors là ils disent que c’est pas fiable ». Si le jeune a été déclaré majeur et qu’il n’a jamais bénéficié de l’aide publique, alors il est envoyé en centre de rétention jusqu’à son expulsion, mais s’il a bénéficié d’une aide ou d’un hébergement, la justice estime qu’il a profité des pouvoirs publics et l’envoi en prison pour faux et usage de faux. « Comme on n’arrive pas à justifier que ce monde fonctionne mal, le seul moyen de détourner l’attention des gens, c’est de trouver des coupables, et le coupable, c’est l’immigré » analyse Thierry, qui termine l’entretien par une invitation pleine de bon sens : « Je suis étonné qu’il n’y ait pas plus de révolte tellement c’est injuste ».

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