Montpellier : grève inédite pour la police de l’environnement
Les agents de l’office National de la biodiversité étaient mobilisés ce vendredi 31 janvier, pour dénoncer les propos du premier ministre François Bayrou, qui avait qualifié de « faute » et « d’humiliation » le fait que les agents soient armés de manière ostensible en exerçant leur mission de police de l’environnement dans les exploitations agricoles, dans un contexte de tensions avec les agriculteurs
Une manifestation de flics, c’est déjà peu commun, mais une manifestation de la police de l’environnement, voilà quelque chose d’inédit dans la jeune histoire de l’office National de la biodiversité, créé en 2020. Depuis la mi-janvier, les agents de cet organisme public, chargés de faire respecter les règles en matière d’usage des pesticides, d’arrachage de haies ou de respect des arrêtés sécheresse, mais aussi de contrôler les chasseurs, de lutter contre le braconnage ou le trafic d’espèces protégées, ont déjà engagé leur droit de retrait sur leurs missions de police de l’environnement dans les exploitations agricoles, ne s’y sentant plus en sécurité. L’OFB dénonce plus de 80 actions de syndicats agricoles en un an visant les antennes de l’organisme.
“On est là pour demander le soutien des pouvoirs publics, du premier ministre, et surtout, on veut etre protégés”, explique Arnaud Augé-Sabatier, porte parole de l’intersyndicale (FO, UNSA, CGT, SNE-FSU, DA-CGC) dans l’Hérault, pendant que ses collègues, en uniforme gris, tendent des banderoles devant la préfecture. C’est François Bayrou qui a mis le feu aux poudres, en parlant d’“humiliation” et de “faute” à propos de certaines inspections d’agents de l’OFB dans des exploitations agricoles, évoquant “une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise”.
L’appel national à la grève a été très suivi, avec “plus de 62%” de participation, a indiqué la direction de l’organisme public.
La question de l’armement
Car si ces policiers sont sous tutelle du ministère de la transition écologique et du ministère de l’agriculture, et non du ministère de l’intérieur, ils sont néanmoins armés. “On en a besoin pour la légitime défense, parfois, quand on intervient auprès des chasseurs ou pour du braconnage”, explique Arnaud Augé-Sabatier.”On porte l’arme de poing, le bâton télescopique et les menottes à la ceinture, mais pour les agriculteurs, le gouvernement veut qu’on les porte sous l’uniforme, cachés. Cela relève une différenciation de traitement envers les gens. Nous, on préférerait les avoir à la ceinture par securité. Là, il est question de nous équiper de caméras-piétons, imaginez, c’est vraiment pas pratique pour attraper son arme si elle est rangée de manière discrète…”
Il dénonce aussi des menaces de coupes budgétaires, avec l’éventuelle suppression de 25 équivalents temps plein. Une délégation à été reçue par le préfet de l’Hérault.
Dans la nuit du 19 au 20 décembre, la Coordinatrice Rurale de l’Hérault a taggué des agences de l’OFB à Pérols, Grabels et Bédarieux, en répandant de la poudre blanche au sol en référence aux propos tenus le 15 janvier par Benoît Pradal, cadre de l’OFB, sur France Inter : « On a le sentiment que ce que veulent les agriculteurs, c’est de ne plus nous voir dans leurs exploitations, c’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités. »
Commandé en novembre 2024, le rapport sur les relations entre agriculteurs et OFB (Office français de la biodiversité) ne recense «pour l’ensemble des usagers contrôlés, que 180 situations relationnelles conflictuelles, pour un total d’environ 400 000 contrôles »
Dans une interview avec Le Poing publiée le 31 janvier 2024, le syndicaliste du Mouvement de Défense des Exploitations Familiales (Modef) Didier Gadéa constatait une inflation normative aux effets très lourds sur les petit-es exploitant-es, tout en défendant certaines de ces normes jugées importantes pour la préservation de la santé des agriculteurs-trices, des ouvriers-ères agricoles et de la population en général. En mai 2017 l’éleveur Jérôme Laronze été tué de trois balles tirées par un gendarme après avoir tenté de fuir un contrôle, des services d’hygiène cette fois-ci, après avoir longtemps dénoncé un harcèlement administratif.
Le chef des député-es Les Républicains Laurent Wauquiez a proposé une dissolution de l’OFB. « On nous met une cible dans le dos », ont scandé de nombreux agents pendant la journée. Force est de constater que le gouvernement et l’extrême-droite, plus enclins à réagir lorsqu’un policier est ciblé par des manifestants contre la vie chère ou contre les réformes néolibérales, se sont montrés en réaction à la crise agricole plus féconds pour proposer des reculs sur les normes écologiques, souhaitant libérer la productivité et donc le revenu d’une contrainte immédiate, que pour attaquer sérieusement les marges des intermédiaires, le libre-échange ou les intérêts des grands groupes de l’agro-industrie.
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