Montpellier. La Comédie noyée sous les gaz : l’acte IX des gilets jaunes vu par un médic autonome

Le Poing Publié le 13 janvier 2019 à 20:48 (mis à jour le 25 février 2019 à 17:01)

Des crachats et du liquide lacrymal sur les pavés de la Com’, de nouvelles équipes de street-médics, un dispositif répressif de plus en plus important : retour sur le neuvième épisode du feuilleton hebdomadaire des gilets jaunes vu par un médic’ de rue autonome.

Début d’après-midi : arrivée des gilets jaunes et des médics

En début d’après-midi, plusieurs centaines de personnes arrivent sur la place de la Comédie. Une nouvelle équipe de street-médics est présente depuis quelques semaines, et celle-ci a fait le choix de se rendre visible : casques, vêtements blancs marqués d’une croix de secouriste et t-shirts « street-médics de Montpellier ». Mes camarades et moi appliquons la démarche inverse depuis le début du mouvement : nous restons anonymes pendant les manifestations ; nous sommes juste des enfants de la répression. Ces deux démarches – la visibilité et l’anonymat – ne sont pas contradictoires mais complémentaires : plus nous serons nombreux à prendre soin les uns des autres pendant les manifestations, mieux ce sera. Quoi qu’il en soit, les médics n’ont pas eu le temps de chômer ce samedi !

Fin d’après-midi : premiers heurts, premiers blessés

Après un début de manifestation un peu plan-plan, les gilets jaunes finissent par converger à la préfecture, où les CRS les attendent derrière de grandes barrières anti-émeutes. À Jean Jaurès, des premières salves de gaz lacrymos partent depuis la rue de l’Aiguillerie et déferlent sur la rue de la Loge, provoquant un mouvement de panique que les médics ont du mal à calmer, malgré des appels incessants à ne pas courir pour éviter les accidents. Les yeux piquent, les commerçants ferment leurs grilles et cachent leur employé·e·s dans les réserves. Un homme est blessé à l’arcade par un tir policier, l’ambiance se tend et le maalox coule à flots sur les visages et les écharpes. L’émeute continue rue Jacques Cœur, où du gaz très corsé rend l’air irrespirable.

Début de soirée : chaos sur la Comédie

L’émeute continue dans un nuage nauséabond et le melting-pot humain de noir et de jaune recule sur la Comédie, laissant place à une scène scandaleuse : les policiers alternent des tirs – parfois tendus – de LBD et de grenades lacrymogènes. Une camarade relève une personne à terre en lui conseillant de « ne pas rester allongée, le gaz est lourd, donc il stage au sol ». D’autres conseillent aux passant·e·s qui remontent la rue Boussairolles de faire demi-tour, en particulier à celles et ceux accompagné·e·s de bambins en poussettes. Un papy, bloqué par hasard dans les gaz, suffoque mais parvient à prendre quelques bouffées d’air pour insulter les policiers. Une femme qui s’apprêtait à mettre de l’eau sur son visage se fait finalement prendre en charge par les médics, qui l’aspergent de maalox, à l’acide borique dans les yeux, et de sérums physiologiques dans le nez et la bouche.

Une gamine asthmatique qui faisait son shopping avec ses copines se retrouve à cracher ses poumons sur l’asphalte pendant que des médics s’activent de tous les côtés dans un climat de confusion générale. Le paysage devient surréaliste : les gens sont déboussolés sur la place de la Comédie, enfumés comme jamais sans trop savoir pourquoi. Des terrasses se rangent dans la précipitation, des CRS chargent et finissent par cramer un palmier à cause de leur lacrymos, menaçant quasiment de mettre en feu l’immeuble d’à côté… En bas de la rue Aristide Ollivier, des camarades soignent une personne touchée au LBD au niveau du mollet, provoquant un méchant hématome l’empêchant de marcher correctement. On nous signale des interpellations à la gare. On vérifie que tout le monde va bien autour de nous et on décide de se disperser, éreinté·e·s par cette folle journée.

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